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Otages : la France, vache à lait d'Al-Qaïda ?

Le "New York Times" pointe les gouvernements européens, notamment Paris, indiquant que seuls quelques pays, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, refusent de payer des rançons lorsque leurs ressortissants sont pris en otage.

Article rédigé par franceinfo
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Le chef de l'Etat, François Hollande, et deux de ses ministres, accueillent des otages libérés par Aqmi, le 30 octobre 2013, à l'aéroport de Villacoublay (Yvelines). (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Al-Qaïda aurait perçu, depuis 2008, au moins 125 millions de dollars (93 millions d'euros) provenant de rançons, dont 66 millions de dollars (49 millions d'euros) pour la seule année 2013, révèle une enquête du New York Times (en anglais) parue mardi 29 juillet.

Ces sommes proviendraient, pour l'immense majorité, des gouvernements européens. Bien que ces derniers nient régulièrement tout paiement de rançons en échange de libérations d'otages, le quotidien américain assure que ces flux d'argent sont parfois dissimulés derrière des lignes budgétaires consacrées à l'aide au développement. "L'Europe est devenue un peu précautionneux souscripteur d'Al-Qaïda", résume crûment le journal, qui décrit un "cercle vicieux" encourageant les terroristes à kidnapper des Occidentaux. Principale contributrice : la France, avec plus de 58 millions de dollars versés depuis 2008.

Les otages européens, "de l'argent facile" pour les groupes terroristes

Selon le New York Times, les sommes versées ne cessent d'augmenter. Elles ne dépassaient pas les 200 000 dollars par otage en 2003, elles peuvent désormais atteindre 10 millions. "C'est de l'argent facile", reconnaissait en 2013 le chef d'Al-Qaïda dans la péninsule arabique, Nasser al-Wuhayshi.

Les prises d'otages sont de mieux en mieux rodées, parfois même sous-traitées à des groupes criminels pour en limiter les risques. Une fois les otages capturés, la communication devient primordiale. En général, cela commence par une longue période de silence destinée à susciter l'angoisse. Quelques semaines ou mois plus tard, des vidéos sont diffusées montrant les otages suppliant leur gouvernement de négocier.

Et c'est souvent ce que les Etats européens font. Seuls quelques pays, comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, refusent de payer, affirme le New York Times. Résultat : peu de leurs ressortissants sont sortis vivants de leur captivité. Mais dans le même temps, peu d'entre eux ont été capturés ces dernières années, les ravisseurs sachant qu'ils ne pourront pas en retirer de l'argent.

A l'inverse, "sur les 53 otages capturés par des branches officielles d'Al-Qaïda ces cinq dernières années, un tiers étaient des Français", note le journal. "Et des pays comme l'Autriche, l'Espagne et la Suisse, qui n'ont pourtant pas de nombreux expatriés dans les pays concernés, représentent plus de 20% des otages."

Des versements dissimulés

Pour payer les rançons, les Etats travestissent la destination des fonds, budgétisée sous forme d'aide au développement, ou bien passent par des intermédiaires. Ainsi, le New York Times affirme que la libération des quatre otages français d'Arlit (Niger), détenus au Mali par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a été obtenue après le versement par leur employeur, Areva, d'une rançon de 30 millions d'euros. A l'époque, les médias français évoquaient une somme de 20 à 25 millions d'euros.

Dans la péninsule arabique, la libération de quatre Européens otages au Yémen a été obtenue en 2013 grâce à une rançon de plus de 20 millions de dollars payée par le Qatar et Oman.

En 2009, deux ressortissants suisses et un Allemand détenus par Aqmi ont été libérés après le versement d'une rançon de 8 millions d'euros. La même année, la Suisse a justement fait voter une ligne budgétaire supplémentaire pour l'aide humanitaire au Mali, raconte, sous couvert d'anonymat, un négociateur helvétique au New York Times. Leur compagnon d'infortune, un Britannique, avait, lui, été exécuté par ses ravisseurs.

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