Niger : l'expulsion de l'ambassadeur était "parfaitement prévisible", selon le chercheur Michel Galy
L'expulsion de l'ambassadeur de France au Niger, qui a 48 heures pour quitter le territoire, était "parfaitement prévisible", estime vendredi 25 août sur franceinfo Michel Galy, chercheur au Centre d’études sur les conflits, professeur de géopolitique à l’École internationale et des relations internationales (ILERI), spécialiste de l’Afrique subsaharienne, auteur de La guerre au Mali : comprendre la crise au Sahel et au Sahara - enjeux et zones d'ombres (éditions de la Découverte).
franceinfo : Cet appel pour que l'ambassadeur de France quitte le pays est-il une surprise ?
Michel Galy : C'était parfaitement prévisible, parce qu'on dirait qu'il y a une sorte de scénario des ruptures entre la France et un certain nombre de pays ouest-africains. Ça ressemble exactement à ce qui s'est passé au Mali et plus récemment au Burkina Faso : on a dénoncé les accords de défense, on a demandé aux forces françaises de partir, ce qu'elles n'ont pas l'intention de faire d'après le gouvernement français, puis on a retiré l'agrément à l'ambassadeur de France, ce qui est relativement violent dans le monde diplomatique.
La France n'a-t-elle pas d'autre choix que d'obtempérer ?
Bien évidemment. La situation s'est envenimée au point de vue purement diplomatique puisque la ministre des Affaires étrangères française a reconnu en quelque sorte l'ancienne ambassadrice du président Bazoum à Paris. En sens inverse, le gouvernement français ne reconnaissant pas le président Tchiani et son gouvernement, donc les putschistes de Niamey, l'ambassadeur au Niger aurait refusé, dit la note des Affaires étrangères du Niger, de répondre à une convocation des nouvelles autorités. Au point de vue diplomatique, c'est une situation intenable.
"Chacun sait qu'on discute plutôt avec ses ennemis qu'avec ses amis"
Michel Galy, spécialiste de l'Afrique subsaharienneà franceinfo
Il aurait peut-être été plus diplomatique de se rendre à cette convocation, avec des précautions d'usage, en disant qu'une telle visite n'est pas une légitimation du nouveau régime. Maintenant c'est trop tard, et la situation s'envenime de jour en jour.
Est-ce que cela peut accélérer l'hypothèse d'une intervention militaire ?
En principe, non, puisqu'il est exclu que les forces françaises, notamment celles qui sont au Niger, interviennent, de même que les forces américaines, en tout cas officiellement. Du côté de la Cedeao, l'option militaire a été mise à égalité avec les négociations. Par ailleurs, l'Union africaine a désavoué une attaque du Niger par la Cedeao.
1 500 militaires français sont toujours sur place : quel est leur avenir ?
Ils contrastent avec la base américaine dont personne ne demande le départ. Si on regarde la sérialité des putschs au Mali et au Burkina Faso, il est probable que ces forces devraient quitter le Niger. Vers où ? On ne sait pas trop, peut-être le Tchad, ou un pays côtier comme la Côte d'Ivoire ou le Sénégal. C'est dans la logique des événements politiques des dernières années. Ca peut durer des semaines et même des mois, c'est tout un processus, comme on l'a vu récemment au Burkina Faso avec la force Sabre, au Mali avec Barkhane. Ça nécessite des mois, ne serait-ce que pour faire le transfert, soit par voie terrestre, soit plus probablement par voie aéroportée. La junte de Niamey a demandé que ça se fasse très très rapidement, mais personnellement ça m'étonnerait que ça se fasse avant quelques mois.
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