Coup d'Etat au Niger : qu'est-ce que le mouvement M62, qui réclame le retrait des militaires français ?
C'est un mouvement né il y a tout juste un an et qui fait à nouveau parler de lui. Le M62 a dénoncé, mardi 1er août, l'évacuation des ressortissants français du Niger et appelé à un rassemblement "pacifique chaque jour" près de l'aéroport, "jusqu'au départ définitif des forces étrangères" présentes dans le pays.
Dès le coup d'Etat qui a renversé le président nigérien Mohamed Bazoum le 26 juillet, ce mouvement a appelé à manifester pour soutenir les militaires putschistes. Puis à se rassembler devant l'ambassade de France à Niamey, la capitale du Niger. Le M62 entend ainsi "mettre en garde la Cédéao et la France contre toute intervention militaire au Niger" et "exiger le départ immédiat des troupes françaises et celui de l'ambassadeur de France".
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Cette revendication n'est pas nouvelle. C'est "un mouvement qui rassemble différentes organisations de la société civile et qui se revendique comme anti-impérialiste et antifrançais", résume le chercheur Rahmane Idrissa, spécialiste de l'Afrique, dans Le Monde. S'il est officiellement nommé Union sacrée pour la sauvegarde de la souveraineté et de la dignité du peuple, le mouvement a choisi M62 comme surnom car il a été fondé le 3 août 2022, soit 62 ans pile après la proclamation de l'indépendance du Niger.
Contre l'opération Barkhane...
Dès sa création, le M62 a organisé plusieurs actions pour protester contre l'opération Barkhane menée dans la région par l'armée française contre les groupes armés jihadistes, et pour réclamer le départ des militaires français du Niger, devenus plus nombreux après le retrait des troupes au Mali. Le mouvement a pris forme en réaction au vote des députés nigériens en faveur d'un texte autorisant le déploiement de forces étrangères sur le territoire, notamment françaises, pour combattre les jihadistes. Il s'est aussi inspiré de la situation au Burkina Faso, pays voisin qui a connu deux coups d'Etat en 2022 et où le ressentiment envers la France s'est développé. Thomas Sankara, l'ex-président révolutionnaire du Burkina Faso (assassiné en 1987 à 37 ans), est par exemple devenu un symbole pour le M62, qui lui a donné le nom de son siège à Niamey.
Le M62, qui se décrit comme "pacifique" et engagé pour "la dignité et la souveraineté du peuple nigérien", lance quinze jours après sa création une pétition en ligne contre "le départ de la force militaire du Niger". Après avoir essuyé plusieurs interdictions, il parvient à obtenir des autorités municipales de Niamey une autorisation pour organiser un grand rassemblement, le 18 septembre 2022. Ce jour-là, les manifestants sillonnent quelques rues de la capitale aux cris de "Barkhane dehors", "À bas la France", "Vive Poutine et la Russie", avant la tenue d'un meeting devant le siège de l'Assemblée nationale nigérienne. Sur des pancartes, on peut lire "Dégage l'armée française criminelle" ou "L'armée coloniale Barkhane doit partir".
"Il y a des slogans antifrançais parce que nous exigeons le départ immédiat de la force Barkhane au Niger qui aliène notre souveraineté et qui est en train de déstabiliser le Sahel", explique Seydou Abdoulaye, coordinateur du M62 à l'époque, interrogée par l'AFP. Mais depuis janvier, le leader du mouvement est en prison, incarcéré pour "complicité d'incendie" sur un site d'orpaillage, en lien avec une attaque terroriste fin octobre 2022 dans le sud du pays. Après cette arrestation, des associations de défense des droits de l'homme étaient montées au créneau, expliquant que Seydou Abdoulaye était allé sur place "pour recueillir des informations, des témoignages et puis faire un rapport". Le 14 avril, il a été condamné à neuf mois de prison ferme pour "diffusion de données de nature à troubler à l'ordre public".
... et pour une hausse des salaires
Le départ des troupes françaises n'est pas la seule revendication du M62. Sa grande marche du 18 septembre 2022 visait aussi et surtout à protester contre le coût de la vie au Niger, où une hausse du gazole a eu des répercussions sur les prix de certaines denrées. Le M62 réclame également une hausse des revenus des travailleurs, y compris sur le salaire minimum. Ainsi, les slogans "Non à la cherté de la vie" se sont mêlés aux pancartes qui réclamaient la fin de l'opération Barkhane. D'après le site ActuNiger.com, le mouvement a également épinglé le comportement des anciens dirigeants du pays, responsables selon lui des difficultés économiques du Niger.
Un discours qui trouve écho chez certains Nigériens. "C'est d'abord un mouvement d'opposition qui critique la situation socio-économique, la mauvaise gouvernance et les affaires de corruption du pouvoir", explique le chercheur Rahmane Idrissa dans L'Express. Le M62 reste "minoritaire, mais non moins audible" pour une partie de la population, dont près de 40% vit sous le seuil de pauvreté, analyse-t-il. "Ce qu'il est nécessaire de comprendre, c'est que la population nigérienne est exaspérée face aux scandales de corruption à répétition et par la gabegie", insiste le chercheur dans Le Monde.
Ainsi, dès le lendemain du coup d'Etat, le M62 a compté parmi les premiers mouvements à soutenir le putsch. "Le M62 nourrit l'espoir que ce coup de force sera l'ultime opportunité de réparer les dérives du régime déchu et de restaurer la dignité du peuple nigérien", a déclaré, le 27 juillet, son secrétaire général Mahaman Sanoussi.
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