Mugabe, "Gucci Grace", l'armée... Qui sont les cinq acteurs majeurs de la crise au Zimbabwe ?
Au lendemain de la prise du pouvoir par les militaires et du placement en résidence surveillée de Robert Mugabe, à la tête du pays depuis trente-sept ans, franceinfo revient sur le rôle de chacun des acteurs de cette crise inédite.
La situation reste confuse, jeudi 16 novembre, au Zimbabwe, au lendemain d'un coup de force inédit de l'armée qui a placé le président Robert Mugabe en résidence surveillée. L'intervention des militaires, qui ont pris le contrôle des sites stratégiques de la capitale Harare, pourrait sonner le glas du dernier régime africain conduit par un "Père de la libération", cette génération de chefs nés de la lutte pour l'indépendance. Pour mieux comprendre les enjeux de cette crise, franceinfo vous détaille le profil de ses principaux acteurs.
Robert Mugabe, héros de l'indépendance devenu despote
A 93 ans, le président du Zimbabwe devrait être poussé vers la sortie. Robert Mugabe est l'incarnation jusqu'à la caricature du despote prêt à tout pour perpétuer son règne. Accueilli en 1980 en héros de l'indépendance de son pays (autrefois colonie britannique), le plus vieux chef d'Etat en exercice de la planète a été placé en résidence surveillée par l'armée, mercredi.
Il avait prévu de se présenter à la présidentielle de 2018 et assuré qu'il comptait régner jusqu'à ses 100 ans. Pendant ses 37 ans au pouvoir, Robert Mugabe a dirigé son pays d'une main de fer. Depuis les années 2000, le Zimbabwe a connu "le temps des diatribes anti-impérialistes, des élections qui n'en sont pas, de la ruine financière, des pénuries alimentaires", rappelle RFI.
Grace Mugabe, la Première dame controversée
Surnommée "Gucci Grace", Grace Mugabe, 52 ans, est connue pour ses accès de colère et son goût pour le luxe. Elle s'est, par exemple, retrouvée épinglée l'an dernier dans une affaire de diamants. Elle avait fait saisir des propriétés d'un homme d'affaires après un différend au sujet d'une bague à 1,35 million de dollars (1,15 million d'euros) qu'elle lui avait commandée, avant de changer d'avis. "La rue la surnomme également 'Disgrâce', en raison de ses outrances, de ses dépenses et, dernièrement, de sa virulence inquiétante", rapporte Le Monde.
La deuxième épouse du "camarade Bob" – dont elle fut la secrétaire – ne faisait plus mystère depuis des mois de sa volonté de succéder à son mari. Elle dirige la branche féminine du parti présidentiel, la Zanu-PF. Avant le limogeage du vice-président, Grace Mugabe avait annoncé qu'elle était prête, le moment venu, à gouverner le pays, et que le parti au pouvoir allait bientôt changer ses statuts pour qu'une femme soit vice-présidente.
Le vice-président déchu
Emmerson Mnangagwa, ex-patron des redoutés services secrets du pays, faisait figure de dauphin naturel depuis son accession à la vice-présidence du Zimbabwe en 2014. Ce septuagénaire a été démis de ses fonctions lundi 6 novembre. Le limogeage d'Emmerson Mnangagwa, surnommé le "Crocodile" pour son caractère impitoyable, est intervenu après des semaines de tensions au sommet de l'Etat entre le vice-président et Grace Mugabe.
Hospitalisé d'urgence en août en Afrique du Sud, Emmerson Mnangagwa avait affirmé avoir été victime d'une tentative d'empoisonnement. Il avait pris soin de ne pas avancer de possible commanditaire, mais ses partisans assuraient qu'il avait été délibérément intoxiqué par le biais d'une crème glacée fabriquée dans une laiterie appartenant à Grace Mugabe. Des accusations que la Première dame avait vivement démenties. Le vice-président a finalement été limogé pour "manque de loyauté, manque de respect, malhonnêteté et manque de sérieux".
Emmerson Mnangagwa, un des chefs de la lutte pour l'indépendance du Zimbabwe, dispose de nombreux soutiens chez les militaires. Le 8 novembre, il a annoncé avoir quitté son pays en raison de "menaces incessantes", mais il a promis de défier Robert Mugabe et son épouse. "Le temps est venu de dire non aux demi-dieux et personnes qui sont autocentrées et ne pensent qu'à elles-mêmes et leur famille", a-t-il déclaré.
L'armée zimbabwéenne
C'est un coup de force inédit : l'armée zimbabwéenne a placé Robert Mugabe en résidence surveillée après l'avoir soutenu sans faillir pendant ses trente-sept ans de règne. En dépit des apparences, les généraux ont affirmé ne pas avoir l'intention de renverser le gouvernement. "Nous ne faisons que viser les criminels qui entourent" le président, a affirmé leur porte-parole, le général Sibusiso Moyo, dans son allocution à la télévision nationale, dans la nuit de mardi à mercredi.
Les "criminels" n'ont pas été nommés mais sont désignés explicitement : il s'agit des soutiens de Grace Mugabe, une frange du parti au pouvoir, la Zanu-PF, regroupée sous le nom de G40 en référence à leur âge. L'éviction du vice-président a poussé l'armée à réagir. Lundi, son chef d'état-major, le général Constantino Chiwenga, avait très clairement prévenu que ses troupes pourraient "intervenir" si la "purge" ne cessait pas au sein du parti présidentiel. "Pour les militaires, non seulement l’épouse du président n’a aucune légitimité, mais en plus elle est née en Afrique du Sud, pas au Zimbabwe", précise RFI.
L'opposition à Mugabe
Le chef de l'opposition, Morgan Tsvangirai (à la tête du Mouvement pour le changement démocratique), qui était soigné à l'étranger pour un cancer, est revenu mercredi soir à Harare. Le même jour, son parti a appelé à un retour à la normale après l'action des militaires, espérant que leur intervention permette "l’établissement d’un Etat-nation stable, démocratique et progressiste".
En 2008, Morgan Tsvangirai avait devancé Robert Mugabe au premier tour de la présidentielle. Mais il avait dû renoncer à sa candidature après des violences contre ses partisans.
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