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Madagascar : un des derniers foyers de la lèpre

Article rédigé par Laurent Filippi
France Télévisions
Publié

95% de la population mondiale est immunisée contre la lèpre, mais plus de 200 000 nouveaux cas sont dépistés chaque année. Madagascar est l'un des cinq pays d’Afrique les plus touchés. 

40% des Malgaches n’ont pas accès au système de santé. Le dépistage actif de la lèpre est l'objectif de la Fondation Raoul Follereau, qui lutte contre cette maladie.

Neuf photos, prises dans des léproseries malgaches, illustrent ce propos.

En 2006, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avait annoncé que la lèpre n’était plus un problème de santé publique mondial. Ce qui avait eu des conséquences dramatiques sur la mobilisation de l’opinion publique. Les dons des particuliers, indispensables pour mener à bien l’éradication de cette maladie d’un autre âge, avaient alors chuté. Mais en 2016, l’OMS rectifie son annonce malencontreuse et adopte une nouvelle "Stratégie mondiale de la lutte contre la lèpre 2016-2020". A Madagascar, on voit apparaître, chaque année, 1.500 à 2.000 nouveaux cas. (CORENTIN FOHLEN / FONDATION RAOUL FOLLEREAU)
La lèpre est une maladie très peu contagieuse explique l’institut Pasteur, car la bactérie Mycobacterium leprae se multiplie très lentement. La période d’incubation de la maladie est d’environ cinq ans. Elle se transmet par les voies respiratoires, la plupart du temps par la salive ou par "des gouttelettes d’origine nasale lors de contacts étroits et fréquents avec des personnes infectées et non traitées." Mais si la maladie n'est pas prise en charge rapidement, "elle peut atteindre les nerfs et entraîner paralysies et infirmités définitives touchant la peau, les nerfs, les membres et les yeux", précise Sciences et avenir. (FONDATION RAOUL FOLLEREAU)
216.108 cas de lèpre ont été enregistrés en 2017 à travers le monde, dont 94% sont concentrés dans 14 pays, selon l’OMS. Dans les années 1980, ce chiffre dépassait les cinq millions. A Madagascar, chaque année près de 13.000 cas sont recensés. 20% des lépreux souffrent de lourds handicaps : membres amputés, perte de la vue, paralysies irréversibles… Souvent exclus de la société et rejetés par leurs familles, devenus invalides, les malades sont incapables de survenir à leurs besoins. (LAETITIA BEZAIN / AFP)
En 2015, le Dr Andriamira, alors directeur du programme national de lutte contre la lèpre, expliquait au "Figaro": "Les lépreux sont bien plus exclus que les personnes atteintes de sida, de tuberculose ou de peste. Sans doute parce que les stigmates restent. Mais aussi parce que les gens sont encore nombreux à y voir le fruit d'une malédiction. Certains refusent même d'enterrer les lépreux dans le caveau familial par peur que le mauvais sort ne perdure." (IRENEE DE POULPIQUET POUR LA FONDATION RAOUL FOLLEREAU)
Aujourd’hui, le Dr. Cauchoix, médecin spécialiste en santé publique et représentant de la fondation Raoul Follereau à Madagascar, ajoute au micro de RFI: "Les freins à la lutte, c’est souvent l’ignorance des populations, qui ont du mal à faire un lien entre une pathologie qui pour nous est infectieuse et qui pour eux, va avoir une connotation de sorcellerie. Donc, pourquoi aller voir un médecin pour une maladie qui n’est pas une maladie, qui est un sort jeté?" Cité par "Sciences et Avenir", il ajoute que cette maladie est vue comme "une punition divine (…). Plus de 50% des familles ont du mal à accepter qu'il s'agisse d'une maladie (…) et ne croient pas en l'efficacité d'un traitement, car un médicament, ça ne débarrasse pas des malédictions." (LAETITIA BEZAIN / AFP)
Le spécialiste explique que pour éradiquer définitivement la lèpre, il est indispensable de développer une vaccination active. Pour ce faire, il faut aller à la rencontre des populations, se rendre obligatoirement dans les zones où se concentre la maladie. A Madagascar, celle-ci peut sévir dans les grandes villes, mais c’est dans les zones rurales qu’elle fait des ravages. Car la pauvreté et l'isolement géographique sont des facteurs aggravants. 50% des gens contaminés ne vont jamais voir de médecin. (OZANNE DARANTIERE POUR LA FONDATION RAOUL FOLLEREAU)
Comme le nombre de malades "reste peu au regard de la tuberculose ou du sida, c'est pourquoi cette maladie n'est malheureusement pas considérée comme prioritaire." Mais on a oublié une chose, ajoute le médecin: "A Madagascar, un malade qui travaille dans les champs pour nourrir sa famille ne va pas aller à pied au centre de santé qui se trouve à 40 ou 50 km." 80% des malades dépistés sont à plus d’une journée de marche d’un centre de santé. (FONDATION RAOUL FOLLEREAU)
Le praticien ajoute: "Depuis le plan de dépistage actif de l'OMS dans les années 1980 et 1990, au cours duquel on allait au-devant des malades pour les traiter, le nombre de malades de la lèpre a baissé de 90%, au point que la maladie a été éliminée des problèmes de santé publique au niveau mondial en l'an 2000. Le dépistage actif s'est alors mué en dépistage passif, c’est-à-dire que seuls les malades qui font la démarche de se présenter devant des formations sanitaires sont dépistés. (…) Mais éliminée ne signifie pas éradiquée." (LAETITIA BEZAIN / DPA / AFP)
Pourtant, pour freiner la propagation de la bactérie, il existe un traitement très efficace, appelé poly-chimiothérapie (association de plusieurs traitements chimio-thérapeutiques). Celui-ci dure entre 6 et 12 mois et consiste à prendre 3 antibiotiques. Gratuit, il permet d’arrêter la contagion dès la première prise. Mais ce traitement est long et pose des problèmes de logistique. Actuellement, les laboratoires testent un antituberculeux, la bedaquilline, qui pourrait venir à bout de la lèpre en deux mois. Dans le même temps, la Fondation Raoul Follereau travaille sur un projet de vaccin. (LAETITIA BEZAIN / DPA / AFP)

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