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Le "Kere", famine endémique du sud de Madagascar

La sécheresse qui perdure depuis quatre ans menace de famine les populations du sud. Symbole du dérèglement climatique pour certains, c'est la seizième famine dans la région depuis le début du XXe siècle.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Des enfants du village de Befeno dans l'île de Madagascar mangent des compléments alimentaires distribués par Médecins sans Frontières pour combattre la famine, le 2 septembre 2021. (RIJASOLO / AFP)

Du cuir bouilli ou des galettes d’argile en guise de repas, les images chocs accompagnées de commentaires lugubres tournent dans les médias pour alerter sur l’urgence de la situation dans le sud de Madagascar. 1,35 million de personnes sur 25 millions d’habitants sont menacées par la famine annonce l’ONU. En cause, une sécheresse persistante depuis quatre années.

Dans le sud de l'île où l’agriculture est vivrière, une mauvaise récolte a des conséquences sur les plantations à venir car on y affectera moins de ressources. "Quand les agriculteurs ne peuvent plus produire, ils ne peuvent plus consommer leurs récoltes, ni les vendre pour avoir une source de revenu, et sans revenu, ils ne peuvent plus acheter de denrées alimentaires. C’est un cercle vicieux qui se met en place pour des familles déjà vulnérables", explique l’ONG Action contre la faim.

"Le Kere"

Les périodes de sécheresse sont caractéristiques de la région à la météorologie très particulière. Les Malgaches les nomment "Kere", ce qui signifie "manque de nourriture". Depuis 1896, l’île a connu 16 phénomènes de ce type. Le dernier en date dure depuis quatre ans. Le phénomène semble s’accentuer. Ce serait la pire sécheresse depuis 40 ans, et l’ONU, via le Programme alimentaire mondial, n'hésite à parler de la "première famine liée au réchauffement climatique".

Situation d’autant plus emblématique que Madagascar ne contribue que très faiblement à l’émission de dioxine de carbone, un peu plus de 0,01% des rejets mondiaux. La Grande Ile est donc la première victime d’un changement climatique provoqué par d’autres. En clair, ceux qui polluent le moins sont ceux qui subissent le plus.

La feuille de cactus débarrassée de ses épines est devenue le symbole de la famine. C'est pour beaucoup d'habitants du sud de Madagascar l'ultime nourriture pour survivre.  (RIJASOLO / AFP)

Lanceur d’alerte et acteur de la solidarité internationale, le Programme alimentaire mondial (PAM) est dans son rôle afin de recueillir les 74 millions de dollars qu’il lui faut pour son action à Madagascar. Mais si le changement climatique est un concept très porteur, il ne doit pas dédouaner les autorités de leurs responsabilités.

La météo n’est qu’une des variables du problème. Le grand sud de l’île est une région oubliée qui manque de tout dans un pays lui-même à la dérive, incapable d’amortir les crises et de protéger sa population. "Aujourd’hui, le pays se caractérise par une pauvreté extrême, des inégalités profondes, une précarité de l’emploi, un taux de chômage artificiellement bas et un sous-emploi généralisé", explique la Banque africaine de développement.

Un pays à la dérive

Madagascar fait partie des 47 pays les moins avancés (PMA), associant à la fois faible revenu par habitant, retard dans le développement humain et vulnérabilité économique. Des pays ou le secteur primaire emploie l’essentiel de la population (80% pour Madagascar). Mais ce secteur est très peu développé et peu professionnalisé malgré un fort potentiel dans des produits à forte valeur ajoutée comme la vanille ou le clou de girofle.

Dans un tel contexte, les aléas climatiques deviennent vite des catastrophes. Aussi, certaines ONG comme le GRET préconisent de mettre en place des solutions durables dans cette région semi-aride. Il s’agit par exemple d’inciter la population à cultiver des plantes plus résistantes à la sécheresse comme le pois d’Angole. Il faut également lutter contre l’érosion éolienne et pluviale en plantant des arbres.

L’île, et plus particulièrement le sud, souffre du manque d’infrastructures, en particulier de routes. Et quand l’Etat s’intéresse enfin aux habitants du sud, le peu d’argent promis (22 euros) n’arrive pas aux bénéficiaires, ont confié des élus.

Accompagner les populations

Le PAM a averti : la récolte cette année est médiocre. Elle n’atteint même pas la moitié de la moyenne des cinq dernières années.

Grâce au travail des ONG présentes, par le biais notamment de cliniques mobiles, les cas de malnutrition aiguë sont pris en charge. Une personne sur quatre examinée par MSF souffrait de malnutrition mi-avril et il s’agissait aux trois quarts d’enfants de moins de cinq ans, selon l’ONG.

De son côté, Action contre la Faim dispose de 25 équipes mobiles dans neuf districts du grand sud de l’île. Grâce à tous ces efforts, la population pourra passer le cap de la soudure hivernale. Mais ensuite ? L’ONG est formelle "Les pertes sont déjà trop grandes pour les agriculteurs, seule une action de relance pour soutenir leurs activités permettra de pallier la catastrophe."

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