Avec deux gouvernements, la Libye est de nouveau dans la tourmente
Une reprise des hostilités après une relative accalmie depuis fin 2020 est à craindre.
Désigné dans le cadre d’un processus de paix parrainé par l’ONU, Abdelhamid Dbeibah refuse de quitter le pouvoir. Il est vrai que son gouvernement intérimaire était prévu pour durer jusqu’à la tenue d’élections qui n’ont toujours pas eu lieu ! Pour le Parlement, élu en 2014, ce retard dans les élections a mis fin de fait au mandat d’ Abdelhamid Dbeibah.
Ce mandat courait jusqu’au 24 décembre 2021, date fixée pour l’élection présidentielle. Qu’elle n’ait pas eu lieu ne change rien à l’affaire, selon le Parlement. Il fallait désigner un nouveau gouvernement. Ce qui a donc été fait le 1er mars dernier en reconnaissant Fathi Bashaga au poste de Premier ministre, par 92 voix des 101 membres du Parlement présents ce jour-là. Un vote à main levée orchestré par le président du Parlement, Aguila Saleh, un cacique de l'Est libyen. Un processus contesté par Dbeibah qui parle de "fraude évidente dans le décompte des voix". Certains membres affirment que leur vote a été enregistré alors qu’ils étaient absents.
De son côté, Fathi Bashaga a déclaré qu'il avait pris des dispositions avec les "autorités de sécurité et militaires" pour installer son gouvernement à Tripoli. 29 ministres, trois vice-Premiers ministres et six ministres d’Etat : un gouvernement jugé pléthorique qui illustre la nécessité de "ratisser" large pour assoir la légitimité de Bashaga. Les négociations ont été âpres, notamment avec le clan du maréchal Haftar.
Et maintenant ?
"Et voilà la Libye de retour à la case départ avec un gouvernement 'd'Unité nationale' à Tripoli sous Dbeibah dont la légitimité est au mieux discutable, et un autre gouvernement approuvé sous la contrainte par le Parlement dans l'Est", a réagi pour sa part Emadeddin Badi, chercheur au centre de réflexion Global Initiative, cité par l’AFP.
Autant dire que tous les ingrédients sont réunis pour qu’on assiste à un nouvel embrasement du pays. Si Dbeibah a échoué à organiser le scrutin attendu le 24 décembre dernier, c’est à cause des querelles permanentes, notamment les recours à répétition contre certaines candidatures. A cause également d’un climat permanent d’insécurité qui ne permettait pas d’organiser des élections.
Selon l’agence Reuters, "des groupes armés opposés se sont mobilisés dans la capitale au cours des dernières semaines". Rappelons qu’ Abdelhamid Dbeibah était candidat à l’élection présidentielle, tout comme Fathi Bashaga, mais aussi le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de la Cyrénaïque (Est).
Premiers accrocs
Deux membres du nouveau gouvernement auraient été arrêtés et détenus par un groupe armé alors qu’ils se rendaient par la route à Tobrouk pour la prestation de serment le jeudi 3 mars. Si aucun camp n’est désigné, Fathi Bashaga se plaint des entraves posées par l’ancien gouvernement. Celui-ci aurait même fermé l’espace aérien libyen.
Les Nations unies qui ont voulu et soutenu le processus électoral de la présidentielle avortée se sont pour l’heure gardées de tout commentaire. C’est pourtant le premier accroc porté contre une paix fragile obtenue en 2020.
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