Le président de la Confédération africaine de Football dans la tourmente d'un nouveau scandale
Alors que la finale de la Coupe d'Afrique des Nations se joue le 19 juillet 2019 entre le Sénégal et l'Algérie, le Malgache Ahmad Ahmad est à nouveau suspecté d’être impliqué dans une affaire financière.
Selon le site français de la BBC, le Malgache Ahmad Ahmad, président de la Confédération africaine de Football (CAF) élu en 2017, s’est fait rembourser deux séries de frais, "prétendant être dans deux pays différents, pour la même période de neuf jours pendant la Coupe du monde 2018". En juin 2019, il avait été interpellé à Paris dans le cadre d’une information judiciaire engagée notamment pour corruption au sujet d'un "contrat rompu unilatéralement par la CAF avec l’équipementier allemand Puma", avait révélé Jeune Afrique. Et ce, au profit d’une société fournissant du matériel Adidas. Il était sorti libre de la garde à vue, sans poursuite à ce moment là.
L’affaire évoquée par la BBC concerne donc cette fois une affaire de remboursement de frais. "En tant que vice-président de l'instance dirigeante mondiale du football, M. Ahmad aurait dû recevoir de la Fifa son indemnité journalière de Coupe du monde de 450 dollars, puisqu'elle organisait le tournoi, ce qui signifie qu'il a peut-être reçu trois séries de paiements pour la période de neuf jours en question." Sans avoir le don d’ubiquité, il a affirmé dans certains documents se trouver en Egypte (qui accueille le siège de la CAF), dans d’autres… en Russie (où avait lieu le Mondial 2018).
"Mauvaise gestion", "malversations", "corruption", "abus de pouvoir"…
D’autres soupçons pèsent sur Ahmad Ahmad. Il est notamment "accusé de fraude contractuelle, de mauvaise gestion des fonds de la CAF et de versements de 20 000 dollars effectués directement sur les comptes privés de présidents de fédération", affirmait, le 15 mars, le site insideworldfootball.com, repris par sport24info.ma.
De son côté, l’ancien président de la Fédération libérienne de football et membre du comité exécutif de la CAF, Musa Bility, lui a reproché des "abus de pouvoir" et des "malversations financières", dont il ne précise pas la nature, rapportait le site marocain 360.ma, le 10 février.
En avril, le secrétaire général de l'instance Amr Fahmy, qui avait envoyé une lettre à la FIFA (Fédération internationale de Football association) un mois plus tôt, accusait Ahmad Ahmad de corruption – paiement de pots-de-vin à plusieurs dirigeants, usage personnel de fonds de la CAF – et de harcèlement sexuel à l'encontre de plusieurs salariées de la Confédération. Il a été licencié.
Gangrène ?
D’une manière générale, la corruption semble gangréner une partie du football africain, au Ghana et dans d’autres pays de l’ouest du continent. C’est ce qu’a révélé le documentaire du journaliste ghanéen Anas Aremeyaw Anas.
"Nous avons commencé à lutter contre la corruption et nous avons modifié de nombreuses règles", rétorquait le patron de la CAF en juillet 2018 à BBC Sport. "La corruption n'est pas seulement en Afrique, mais partout dans le monde et tout le monde essaie de la combattre. Peut-être que cela est visible dans certains pays d'Afrique, mais croyez-moi, je suis sûr que dans tous les secteurs et tous les pays, il y a de la corruption", ajoutait-il.
Dans le même temps, d’autres affaires ont largement entaché la crédibilité du foot africain. Notamment lorsqu'en 2018, la CAF avait constaté que le Cameroun ne serait pas prêt à temps pour accueillir la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) l’année suivante, elle a finalement désigné l'Egypte en janvier, après plusieurs inspections et quelques tergiversations.
La CAF sous tutelle
Dans ce contexte, la FIFA, elle-même secouée ces dernières années par des scandales qui ont entaché son image, a tenté de reprendre la main. Pour l’instant, elle a maintenu Ahmad Ahmad à son poste. Mais en le mettant sous tutelle. Dans un communiqué publié le 21 juin, lors de la conférence de presse d'ouverture de la CAN au Caire, la CAF a annoncé la nomination de la secrétaire générale de la FIFA Fatma Samoura, la numéro deux de l’organisation, comme déléguée générale pour l'Afrique à partir du 1er août, pendant six mois. Objectif : superviser le monde du foot africain. Le président Ahmad a affirmé avoir sollicité lui-même cette supervision, qui prévoit notamment "un audit général de la CAF (...) dans les plus brefs délais par la FIFA et la CAF".
Dans une interview à RFI, mise en ligne le 17 juillet, il explique que la CAF est "une institution qui ne répond plus aux exigences modernes d’une organisation" comme celle-ci. Et d’ajouter : "Il n’y a pas de processus clair pour les appels d’offres. On achète de gré à gré"… Une clairvoyance tardive de la part d’un homme qui joue sans doute son va-tout pour coller aux exigences de la FIFA. Et ainsi pouvoir conserver son poste.
Lors de la conférence de presse au Caire, il n’en estimait pas moins que "certaines gens veulent toujours nous détruire". "Ce n'est pas la réussite de cette CAN qui va les arrêter. Quand on regarde les efforts entrepris, il y a beaucoup de positif", a-t-il ajouté. Une manière de défendre son bilan.
Pour autant, Ahmad Ahmad n’est peut-être qu’en sursis. Interrogé avant la nomination de Fatma Samoura, James Dorsey, chercheur à la S. Rajaratnam School of International Studies de Singapour et auteur de The Turbulent World of Middle East Soccer (Le monde turbulent du football au Moyen-Orient), "doute" que le président de la CAF puisse conserver son poste dans ces conditions. "Sa propre crédibilité est en jeu, mais c'est aussi la crédibilité d'organisations qui ont été secouées au cours de la dernière décennie par des scandales successifs", a-t-il souligné. Comprenez : la crédiblité de la FIFA. Le président de la CAF "subit des pressions croissantes", confirme de son côté la BBC. Des pressions qui préfigurent peut-être son éviction…
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