Violences dans les rues de Tunis pour la Journée des martyrs
Des manifestants tunisiens ont défilé pour commémorer la répression sanglante d'une manifestation par la France en 1938, et réclamer la réouverture de l'avenue Bourguiba aux manifestants.
La commémoration de la Journée des martyrs en Tunisie a tourné à l'affrontement, lundi 9 avril, dans le centre de la capitale. Les policiers ont chassé, sous une pluie de lacrymogènes, des milliers de manifestants qui voulaient défiler sur l'avenue Bourguiba. Au moins quinze personnes ont été blessées. De son côté, le ministère de l'Intérieur a fait état de huit policiers blessés.
Réfugiés dans des cafés ou des commerces, des Tunisiens incrédules ont assisté, médusés, à des scènes de violence inédites depuis plusieurs mois dans la ville : fumée de lacrymogènes, charges à moto ou en camion de policiers casqués et armés de matraques, manifestants interpellés brutalement, voire frappés.
Tout a commencé vers 10 heures sur l'emblématique avenue Bourguiba, interdite depuis le 28 mars aux rassemblements sur décision du ministère de l'Intérieur. Répondant aux appels lancés sur les réseaux sociaux, des centaines de personnes se sont rassemblées pour commémorer la Journée des martyrs, en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d'une manifestation à Tunis, le 9 avril 1938. Ils voulaient aussi réclamer la réouverture de l'avenue. Les incidents ont finalement duré plusieurs heures.
Deux journalistes molestées par la police
"C'est nous qui avons libéré la Tunisie, ils n'ont pas le droit d'interdire des marches pacifiques", a déclaré Mohsen Ben Henda, un septuagénaire, avant que ne commencent les tirs nourris de lacrymogènes. Les gens criaient : "Dégage ! Dégage !", reprenant le slogan de la révolution, et la colère était palpable du côté des manifestants. Deux journalistes, la correspondante de l'hebdomadaire français Le Point et la rédactrice en chef du site tunisien Kapitalis, ont été molestées par des policiers.
"C'est affreux ce qui se passe aujourd'hui", disait, au bord des larmes, une avocate, Yamina. "Nous sommes pacifiques, et ils nous interdisent l'avenue Bourguiba alors qu'ils l'ont livrée aux salafistes", criait-elle. Même tristesse affichée pour l'ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, Mokhtar Trifi : "Je suis consterné. Les gens que la révolution a amenés au pouvoir sont aujourd'hui ceux qui nous empêchent de manifester". "Regardez, c'est ça la Tunisie de la liberté, la Tunisie d'Ennahda", lâchait un autre manifestant, dégoûté.
"Un degré de violence inacceptable"
Le président tunisien Moncef Marzouki a réagi lundi soir à ces violences. "Un tel degré de violence est inacceptable", a-t-il déclaré sur la chaîne nationale. Il a mis en cause aussi bien les manifestants qui ont bravé l'interdiction de défiler sur l'avenue Bourguiba que les policiers qui les ont brutalement dispersés.
"Je regrette profondément que des manifestants pacifiques aient été blessés", a dit Moncef Marzouki. "Je soutiens le gouvernement qui travaille jour et nuit. La Tunisie est en convalescence mais certains veulent son naufrage", a poursuivi le président tunisien. "Il est insensé de demander à un gouvernement qui a 90 jours de 'dégager'", a-t-il ajouté, en appelant "à la responsabilité de tous".
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