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Côte d'ivoire: un projet écologique pour atténuer la rivalité entre paysans et éleveurs

La réhabilitation du Parc national de la Comoé, classé au Patrimoine mondial, est au cœur d'un projet écologique inédit. Son objectif: réconcilier cultivateurs et éleveurs, communautés en conflit à cause de la désertification en cours.

Article rédigé par franceinfo Afrique
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Des éleveurs peuls guident le bétail dans un champ de mil après la récolte, près de Bouna, dans le nord-est de la Côte d'Ivoire, le 21 janvier 2019. (SIA KAMBOU / AFP)

Agriculteurs et éleveurs appartiennent à des communautés rivales, mais leurs échanges sont désormais cordiaux. Traoré Brahima, un cultivateur, et Barry Soumaila, un jeune éleveur, marchent côte à côte, près du barrage de Danoa, dans le nord-est de la Côte d'Ivoire, à quelques centaines de mètres de la frontière avec le Burkina Faso.

La Côte d'Ivoire a lancé un programme pilote qui prévoit la réhabilitation mais surtout la gestion concertée de points d'eau (barrages) avec des comités locaux de gestion (CLG). Lesquels regroupent toutes les parties prenantes: éleveurs, propriétaires, paysans locataires ainsi que les entreprises locales ou les enseignants.

Ces dernières années, les conflits entre éleveurs et agriculteurs d'Afrique de l'Ouest et centrale, ont fait des milliers de morts au Nigeria, en Centrafrique, au Tchad et au Mali, notamment. La région de Bouna, en Côte d'Ivoire, qui a connu un pic de violence en mars 2016, n'a pas été épargnée. 

Conflits nourris par les rivalités ethniques

A la recherche de pâturages, les bovins piétinent les cultures des populations sédentaires, Koulango, propriétaires, et Lobi, agriculteurs, ce qui exacerbe les conflits. Lesquels sont souvent attisés par des rivalités ethniques. 

Les éleveurs peuls avaient aussi tendance à emmener leurs bêtes paître dans le parc de la Comoé, surtout en saison sèche, explique, à l'AFP, le commandant D'Angouss Kissi, de l'Office ivoirien de Parcs et réserves (OIPR).

"Notre mission, c'est de protéger le parc. Mais nous nous sommes rendus compte que la surveillance seule ne permettait pas d'endiguer les entrées illégales de bovins. Il fallait trouver autre chose", dit-il. "Il fallait trouver des pâturages et de l'eau aux bouviers (éleveurs de bovins) à l'extérieur du parc. Tout en apaisant la situation et en évitant de nouveaux conflits".

A Danoa, les discussions entre villageois ont lieu sur la place centrale. En présence du roi du village avec, à ses côtés, des propriétaires koulango, et en face, agriculteurs lobi et éleveurs peuls.

Couloirs de transhumance menant au barrage

Exit les disputes, place aux échanges. On y parle de la mise en place des couloirs de transhumance, qui mènent au barrage et à des zones de pâturage créés ex-nihilo par l'OIPR. Lequel y plante des herbes destinées au bétail. On discute aussi du prix d'accès à l'eau. Il y a des tarifs "cassés" pour les membres de la communauté (2000 francs CFA, soit 3 euros, par mois pour chacun des troupeau) contre 15.000 FCFA (23 euros) pour les éleveurs venant d'ailleurs.

"Avant, il y avait des palabres (disputes) tous les jours. Problème d'eau, d'herbe, pas de route pour les animaux. Du coup, pour éviter les conflits, on allait au parc", explique l'éleveur Barry Bounangui.

"Aujourd'hui, agriculteurs et éleveurs se fréquentent, c'est une bonne chose. L'association a donné la force et la confiance. Les couloirs de transhumance nous aident beaucoup. Mais pour que ça continue, il faut que le barrage (qui fuit) soit réparé", conclut-il, à l'adresse du commandant Kissi.

Un "modèle en construction"

Quant aux propriétaires, ils se félicitent de l'initiative. "On a fait des sacrifices. On a donné des terres pour les couloirs de transhumance. On a expliqué aux nôtres que c'était pour le bien commun. Il faut éviter les confits, c'est mieux pour tout le monde"

Du côté des agriculteurs, c'est plus tendu. "Les boeufs viennent dans les champs. Ils détruisent tout. J'ai dit à l'éleveur d'arrêter mais il recommence et il recommence... Ça ne peut plus durer!" 

A l'issue de la rencontre, un éléveur confie à l'AFP: "Les agriculteurs veulent tout. Ils ne laissent pas passer, ils brûlent les champs et ils ne laissent pas un brin d'herbe". 

"C'est un modèle en construction mais il faut amener les gens à se rencontrer, se parler et s'accepter. Rien que de les avoir mis à la même table, c'est déjà une victoire", explique Sanogo Issoufou, membre de la GIZ. L'agence de coopération allemande a investi 1,2 million d'euros sur quatre ans pour soutenir la Côte d'Ivoire dans ce programme pilote.  

"Avec la gestion concertée, la situation économique est meilleure pour tout le monde et peut générer des revenus supplémentaires. On espère créer un cercle vertueux", conclut Sanogo Issoufou.

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