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Africités: les villes d'Afrique doivent passer d'emblée au développement durable

En 2040, l’Afrique comptera un milliard d’urbains, 2 fois plus qu'aujourd'hui. A ce rythme, les services de base (eaux usées, déchets, transports, logements) vont impliquer un énorme effort d’investissement. Ce que Paris a fait en 100 ans, Lagos, Dakar ou Bamako devront le faire en 30. Michel Lachkar s'est rendu au sommet Africités, où élus locaux et experts cherchent les voies d'un futur durable.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le Caire, ville dont la population croît le plus vite: embouteillages, pollution de l'eau et de l'air, et des milliers de tonnes de déchets à traiter. (afp/Jacques Serpinski)

La plupart des capitales africaines ont vu leur population se multiplier par cinq ou six en 60 ans. Dans l’histoire de l’humanité, c’est sans précédent. 

14% des Africains vivaient en ville en 1950, aujourd'hui ils sont 42%. Un rythme spectaculaire, mais trop rapide car les services de bases et les infrastructures ne suivent pas. Les banlieues de certaines métropoles sont des bidonvilles géants.
 
En 2050, 60% de la population africaine habitera en ville. Cette population aura besoin d'eau potable, de traitement des eaux usées et des déchets, d'infrastructures sanitaires, de transports collectifs, etc. Pour cela, «les villes d'Afrique sub-saharienne ont besoin d’au moins 30 milliards de dollars d'investissements par an», affirment les experts réunis au sommet Africités à Marrakech, au Maroc. Sans parler de tous les autres investissements dans l’éducation, la santé, les routes…
 
L’avenir du monde se joue dans les villes d’Afrique
«Il incombe à l’Afrique d’inventer une manière de maîtriser et de planifier cette urbanisation extrêmement rapide», affirme l’ancien maire de Johannesburg, Parks Tau. Cette urbanisation accélérée peut être une opportunité de développement, mais présente aussi un risque de désordre et de chaos si elle n’est pas maîtrisée.

Il s'agit d'«une opportunité car l’urbanisation s’accompagne le plus souvent d’une baisse de la fécondité, d’une meilleure éducation des enfants, d’une plus grande capacité d’épargne et d’investissement. Une transition démographique synonyme de décollage économique», affirment les démographes présents à Marrakech.
 
L’avantage de l’Afrique, c’est qu’elle peut éviter les erreurs de l’Asie ou de l’Amérique latine et passer directement au développement durable. L’Afrique peut sauter l’étape du pétrole et du charbon en bénéficiant des technologies les plus modernes, notamment l’énergie solaire. Elle peut pour cela s’appuyer sur la force de sa jeunesse de mieux en mieux formée.

L'Afrique ne représente aujourd'hui que 5% des gaz à effet de serre émis dans l'atmosphère, mais ce chiffre est appelé à augmenter fortement. Si l’Afrique n’opte pas pour un développement durable, le monde n’a aucune chance de maîtriser ses émissions de gaz à effet de serre et en conséquence le réchauffement climatique. 
 
Economie Circulaire
Pour cela, plusieurs défis sont à relever. Dakar, par exemple, avec ses sept millions d’habitants doit ramasser des milliers de tonnes de déchets journaliers qu’elle jette dans sa décharge à ciel ouvert de MBeubeuss.

Mais elle pourrait valoriser ses ordures et en faire de l’électricité, du biogaz, voire de l’engrais. La technologie existe, «il faut maintenant trouver les financements pour installer des usines de valorisation des déchets et mettre en place une véritable économie circulaire qui recycle et économise les matières premières», explique le maire de Rufisque, ville proche de Dakar.
 
Il faut également mettre en place des transports collectifs pour réduire les embouteillages et la pollution qui empoisonne le quotidien des habitants. Pour baisser les émissions de gaz à effet de serre, il faut réduire la place de la voiture individuelle, densifier les villes et éviter leur étalement anarchique. Cela nécessite une véritable planification urbaine. 

Développement durable : une obligation
Dakar comme d’autres grandes capitales africaines subit déjà les effets du changement climatique, avec une érosion côtière catastrophique et des intrusions marines qui ont inondé il ya quelques jours un quartier de la capitale sénégalaise.

La maire de Dakar Soham El Wardini prône la sobriété énergétique: «Je veux pour Dakar des bâtiments à la ventilation naturelle économes en énergies, avec des matériaux locaux. Je veux réduire le gaspillage de l’eau et de l’énergie, avoir une ville propre et améliorer la qualité de l’air.»
 
Pour éviter la congestion et les embouteillages, ses prédécesseurs ont bien créé une autoroute urbaine, mais le péage pour l’emprunter est tellement cher qu’elle est le plus souvent vide. Il faut faire des choix qui ne laissent pas de côté les plus pauvres. Pas toujours facile. «Pour payer le traitement des déchets, l’électricité et l’eau, un habitant de Bamako devrait y laisser presque la moitié d’un salaire minimum chaque mois», affirme une élue de la capitale malienne.
 
Les villes africaines, fortes de leur vitalité et de leur mixité sociale, ne veulent pas ressembler aux villes européennes et encore moins américaines. Elles veulent trouver leur propre modèle, peut être plus proche de la nature et du village africain.

Pour le moment, elles sont engagées dans un tout autre modèle qui mène à des villes chaotiques. Il faut déjà régler les problèmes de congestion automobile et de déchetteries à ciel ouvert. Rendre la ville moins anarchique et favoriser le vivre ensemble. Sinon, ce sera le chaos, avec son lot de problèmes sociaux, de délinquance et de migrations forcées. Tous ces thèmes sont au centre des discussions cette semaine au sommet Africités de Marrakech.

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