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Un centre panafricain pionnier au Congo pour aider les Etats du continent à développer l'Intelligence artificielle

Brazzaville accueille le "tout premier" centre de recherche sur l'Intelligence artificielle grâce à l'appui de la Commission économique pour l'Afrique.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 8min
Le hub panafricain dédié à l'Intelligence artificielle est abrité par l’université Sassou-Nguesso de Kintélé à Brazzaville, la capitale du Congo. (CEA)

Le continent africain dispose désormais d'un hub pour l'accompagner dans le développement de l'Intelligence artificielle (IA). Le Centre africain de recherche sur l'Intelligence artificielle (ARCAI) a été inauguré le 24 février 2022 à Brazzaville, dans la capitale congolaise, où il est abrité dans les locaux de l'université Kintélé.

Un centre pionnier au Congo 

Il est annoncé comme le "tout premier" en Afrique par la Commision économique pour l'Afrique (CEA) qui y a investi "autour d'un million de dollars". "Le développement du centre a duré un an", explique à franceinfo Afrique Mactar Seck, chef de la section technologie et innovation à la CEA. La mission de l'ARCAI : "Permettre aux populations africaines de bénéficier de la révolution industrielle", la nouvelle qui s'amorce avec l'Intelligence artificielle, en s'appuyant sur la formation et le soutien à la recherche.

"Nous avons élaboré un contenu LMD (Licence-Master-Doctorat) qui va être dispensé à partir de l’année prochaine, en collaboration avec l'université Sassou N'Guesso", indique Mactar Seck. Le centre est notamment équipé "d'une plateforme d'e-learning qui peut accueillir 10 000 étudiants simultanément". Des cours en présentiel seront également disponibles à destination "des acteurs du secteur privé et des gouvernements".  

Quant à la recherche, qui sera conduite dans les domaines de l'agriculture, la santé, l'environnement et l'industrie, elle démarrera à l'arrivée des équipements adéquats attendus "au mois de mai 2022", à savoir des ordinateurs performants, notamment pour "la structuration de données" qui nécessite "de puissantes machines". "Les cours en ligne ont déjà commencé", précise Mactar Seck. "Nous attendons des chercheurs africains mais aussi de tous les continents. Il y a un partenariat qui est en train d’être mis en place avec plusieurs universités qui travaillent dans le domaine de l'Intelligence artificielle en Afrique et en Europe, aux Etats-Unis et en Angleterre." Par ailleurs, des institutions comme l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et des grandes entreprises du digital comme Cisco et Google "réfléchissent aux partenariats qu’elles pourraient nouer avec le centre". 

"Aller au-dela des effets d'annonce"

Grâce à l'ensemble de ce dispositif, l'ARCAI devrait remplir sa vocation. "Il faut d’abord maîtriser cette technologie qui permet, non seulement de lutter contre la pauvreté, mais aussi de créer beaucoup d’emplois pour les jeunes sur le continent et de la valeur ajoutée. La contribution au PIB est extrêmement importante", rappelle Mactar Seck. En théorie, les pays africains l'ont compris, comme le Rwanda qui vient de lancer son centre dédié à l'IA, mais la majorité d'entre eux est loin de réunir les prérequis pour tirer avantage de toutes les opportunités liées à cette technologie. Lors de l'inauguration du centre de recherche au Congo, la secrétaire exécutive de la CEA, Vera Songwe, a "noté qu’il est urgent que le gouvernement (congolais) fournisse l'Internet haut débit, rapide, abordable et fiable pour faciliter la transformation numérique si indispensable".

"Je partage la préoccupation de Vera Songwe : avant de parler d'Intelligence artificielle, il faut parler de l’accès à Internet, de son coût, pointe Julie Owono, directrice exécutive de l'ONG Internet sans frontières. Celui-ci représente une part beaucoup trop importante du budget d’un citoyen africain moyen. Selon les dernières statistiques de l’Alliance for Affordable Internet, les Africains dépensent 5% de leur budget mensuel pour accéder à 1Go d’Internet alors que la moyenne fixée par l'Union internationale des télécommunications (UIT) est de 2%."

Si Julie Owono estime que "c'est une très bonne nouvelle que des centres de recherche en Intelligence artificielle se développent sur le continent", elle note cependant que ces problématiques sont "extrêmement concurrentielles". "Il y a des pays qui font de la recherche en Intelligence artificielle une priorité depuis des années et investissent des milliards de dollars". Par conséquent, "essayons d’aller au-delà des effets d’annonce − on en lit beaucoup quand il s’agit de connectivité, d’Internet, de digital et de numérique en Afrique − et mettons des moyens réels dans la recherche, dans le développement de celle-ci, dans la formation d’ingénieurs et dans la formation en mathématiques." 

Une enquête réalisée par l'Unesco auprès d'une trentaine de pays africains montre leur intérêt pour l'IA mais souligne qu'ils ne sont pas bien outillés pour en profiter. "Le continent africain enregistre des signes encourageants en matière d’innovation et de développement" dans ce domaine, constate l'agence onusienne. Cependant, "le développement et la gestion de l'IA dans le but d’optimiser les avantages et de minimiser les dommages se heurtent à des problèmes de compétences humaines et institutionnelles."

Fixer davantage les règles du jeu

Aussi, le rapport suggère-t-il, par exemple, "un nécessaire renforcement des initiatives politiques en faveur de la gouvernance de l'Intelligence artificielle", tout comme "le développement des cadres juridiques et réglementaires". "Même si 22 pays déclarent disposer d’un cadre juridique pour la protection des données personnelles, indique l'enquête, une adaptation de ces dispositions aux nouvelles utilisations et applications des données de l'IA sera sans doute nécessaire. Car "au-delà de la gouvernance des données et de la protection des données personnelles, il est indispensable d’instaurer une protection contre les préjugés et la discrimination algorithmiques. Seuls neuf pays déclarent avoir pris des mesures pour faire face à ces défis".  

La CEA compte évidemment aider les Etats africains à surmonter tous ces obstacles. "La question de la protection des données ne se pose pas seulement quand il s’agit d'Intelligence artificielle, insiste Mactar Seck. C'est tout l'écosystème numérique qui l’exige. On ne peut pas utiliser le digital sans s’assurer qu’il y ait un cadre réglementaire qui peut protéger les personnes dans l’utilisation de ces technologies. C’est la raison pour laquelle nous avons organisé à Lomé (Togo) le premier sommet africain sur la cybersécurité (en mars 2022, NDLR) pour identifier les défis qui sont posés au continent africain. La cybercriminalité pose un défi majeur dans le développement économique des Etats. Rien qu’en 2020, elle a contribué à une réduction de 10% du PIB de l'Afrique. Ce qui est énorme en comparaison de la moyenne de 0,8% dans le monde."

"La connectivité est un problème, la cybercriminalité est un problème, poursuit le chef de la section technologie et innovation à la CEA. Il faut que les Etats collaborent au niveau sous-régional, continental et mondial pour protéger les données à caractère personnel. La convention africaine sur la cybercriminalité a été adoptée en 2014, mais seuls dix pays l’ont ratifié alors qu’il en faut quinze pour qu'elle entre en vigueur. C’était aussi l’un des objectifs du sommet de Lomé : sensibiliser les Etats afin qu'ils la ratifient afin de bénéficier d’un dispositif pour lutter contre la cybercriminalité et de fournir plus de garanties à leurs citoyens".  A la CEA, on reste confiant sur la capacité des Etats africains à profiter de "ces technologies émergentes" parce que leur déploiement "n’est pas compliqué, les outils sont là, il faut juste avoir de la matière grise pour développer les applications" − les jeunes talents africains sont nombreux −, "mettre en place les infrastructures, la connectivité et faire en sorte qu'elle soit accessible".

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