Tunisie : "Nous continuons à exporter" malgré la crise du coronavirus, explique un chef d'entreprise
La société Moulins Mahjoub, près de Tunis, poursuit son activité en période de confinement total.
Comment la crise du coronavirus est-elle vécue dans une entreprise tunisienne ? L’exemple des Moulins Mahjoub à Tebourba (30 km à l’ouest de Tunis) à qui franceinfo Afrique avait rendu visite en octobre 2019. Malgré la crise, la société continue à produire et à exporter alors que la Tunisie est confinée. Au 16 avril 2020, on y comptait 864 cas et 37 décès (pour 11,7 millions d’habitants), selon des chiffres officiels.
"Malgré la crise, ça va. Tant que la santé est bonne, 90 % des choses vont !", dit en riant Abdelmajid Mahjoub, directeur général des Moulins Mahjoub, qui fabrique de l’huile d’olive bio, entre autres produits. Jusque-là, il n’y aucun cas déclaré de coronavirus dans son entreprise, ni dans la région de Tebourba, rapporte-t-il.
"Le gouvernement a fait un bon travail"
Depuis la crise et le confinement mis en place depuis le 22 mars, la société, qui exporte 100% de sa production, connaît une baisse de son activité saisonnière de l’ordre de 20%. Notamment en raison de la fermeture des boutiques de Pain Quotidien, chaîne belge de boulangerie et de restauration présente dans 25 pays, l’un de ses partenaires les plus importants. "Mais pour le reste, nous continuons à exporter nos produits sans aucune entrave. Par exemple, nos cargaisons partent vers l’Europe deux ou trois fois par semaine", constate le dirigeant. Il précise que son entreprise n’a procédé à aucun licenciement et ne compte renvoyer aucun de ses 200 employés.
Pour Abdelmajid Mahjoub, la bonne santé de la société est également liée à l’environnement général en Tunisie. "Le gouvernement actuel a fait un bon travail, explique-t-il. Pour la première fois depuis la révolution en 2011, des dirigeants et un Premier ministre (Elyes Fakhfakh, NDLR), venu du monde des affaires, se sont inscrits dans un temps logique pour orienter leurs décisions. Le changement est stupéfiant", dit-il.
Un "temps logique" ? "Le gouvernement a d’abord pris le temps de comprendre les spécificités nationales de la pandémie. Ensuite, il a indiqué qu'il était important que les experts prennent eux-mêmes le temps de comprendre ces spécificités et de s'y adapter dans la préparation d'une riposte nationale. Enfin, il y a eu un vote au Parlement donnant plein pouvoir au chef du gouvernement. Cela a raccourci les délais pour la prise des premières mesures importantes touchant directement la vie des gens. Résultat : la majorité des citoyens a adhéré à ces mesures malgré leur rigueur", répond Abdelmajid Mahjoub. Au niveau de sa société, il constate que les pouvoirs publics ont tout fait pour maintenir la chaîne logistique. Permettant ainsi l’écoulement, même réduit, de la production.
Le chef d’entreprise a apprécié que par la suite, le Premier ministre vienne plusieurs fois à la télévision pour expliquer sa politique et ce qu’il convenait de changer en fonction des évolutions de la situation. "Cela a aidé les gens dans leur confinement. Ils savent ainsi ce qu’ils ont à faire et pourquoi ils le font", constate-t-il. Une attitude qui contribue au civisme, explique-t-il.
L’adhésion du personnel
Les Moulins Mahjoub n’avaient pas attendu pour relayer le message de l’importance du confinement auprès de leurs salariés. L’entreprise a également pris des mesures spécifiques pour pouvoir poursuivre son activité. "Tous les jours, un médecin prend la température de tout le personnel", raconte Abdelmajid Mahjoub.
Il n’a pas été nécessaire d’imposer aux salariés des coiffes, masques, gants et blouses jetables, dans la mesure où ils en étaient déjà pourvus pour travailler en salle propre, comme l’exige l’activité agroalimentaire. Pour y pénétrer, chacun devait déjà prendre une douche tous les matins. Face à la pandémie, il a fallu instaurer une nouvelle distanciation dans les locaux de production. "Aujourd’hui, deux ouvrières doivent toujours se trouver à plus de deux mètres l’une de l’autre", explique le responsable. Tout a été réorganisé en conséquence et les postes de travail ont été modifiés.
"Les ouvrières comprennent ces mesures et y adhèrent. Pour celles-ci, c’est une façon de s’inscrire dans le lien social", observe le chef d’entreprise. Et de manifester leur solidarité vis-à-vis de leurs compatriotes. L’une d’elles a ainsi téléphoné à ses chefs pour signaler qu’elle avait dû recevoir son frère venu du Qatar. Conséquence : la loi l’y contraignant, elle doit rester deux semaines en quarantaine, comme son parent. "Mais elle recevra son salaire intégralement", précise son patron.
Dans ce contexte, Abdelmajid Mahjoub n’est pas inquiet pour la période post-confinement. "Je ne suis pas pessimiste, je pense qu’on va passer ce cap", explique-t-il. Même s’il dit percevoir de l’appréhension "chez ceux qui n’ont pas de vision". "Pour les sociétés qui ont une vision de ce qu’elles entendent faire, il n’y pas vraiment d’inquiétude", précise-t-il. Il cite ainsi l’exemple des entreprises de textile tunisiennes qui se reconvertissent, "avec une énergie inimaginable", dans la production de masques et de vêtements spécialisés. Et d’ajouter avec enthousiasme : "A Sousse (140 km au sud de Tunis, NDLR), l’école d’ingénieurs a conçu un respirateur", en lien avec la faculté de médecine locale. Un respirateur "100% tunisien", comme l’annonce fièrement la presse du pays. Ou comment se manifestent l’esprit d’initiative et l’esprit d’entreprendre en Tunisie...
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