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Quel avenir énergétique pour l'Afrique : le charbon ou les renouvelables ?

Le continent est aujourd'hui confronté à un véritable dilemme énergétique.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 4 min
Un garde surveille les installations de la centrale éolienne installée sur les bords du lac Turkana (nord-est du Kenya) le 6 août 2019. (SIMON MAINA / AFP)

L'Afrique est à la croisée des chemins : les choix énergétiques faits aujourd'hui sont essentiels pour son développement futur, avertissent diplomates et experts qui participent à la COP25 à Madrid. Des choix qui détermineront aussi le fait de savoir si le continent sera en mesure de limiter le phénomène du réchauffement climatique.

Deux tiers des Africains vivent aujourd'hui sans électricité. Si les Etats du continent ne s'orientent pas vers les énergies renouvelables (appelées aussi propres), ils risquent de suivre la trajectoire, basée sur des énergies polluantes, qu'empruntent la Chine et l'Inde. En 2017, on estimait que la pollution atmosphérique dans ces deux pays était responsable d'environ deux millions de morts, concentrant ainsi "plus de la moitié" des victimes au niveau mondial, rapporte le site latribune.

Une croissance tirée par le pétrole, le gaz et spécialement le charbon pourrait conduire la planète en dehors des clous fixés par l'accord de Paris sur le climat, soit l'objectif d'un réchauffement climatique maintenu bien en dessous de 2°C, voire à 1,5°C. La température moyenne mondiale a déjà augmenté de 1°C par rapport à la période pré-industrielle, selon l'AFP.

L'Afrique n'a pas de responsabilité dans la crise climatique

Selon l'AFP, l'Afrique accueille 17% de la population mondiale, mais ne représente que 4% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Sans l'Afrique du Sud et le Maghreb, zone riche en hydrocarbures, ce pourcentage tombe à 1%. "Les Africains ne sont pas responsables du début de l'histoire dans la crise climatique, mais ils vont avoir un grand impact sur la manière dont elle va se terminer", explique à l'AFP Mohamed Adow, dirigeant du think tank PowerShiftAfrica et vétéran des négociations climatiques à l'ONU. "Le continent est sur le point de basculer vers une voie de développement qui peut soit être propre, soit basée sur les énergies fossiles", souligne-t-il.

L'Afrique pourrait abriter au moins la moitié de la croissance de la population mondiale au cours des 30 prochaines années, avec un doublement des habitants en zone subsaharienne, selon l'ONU. Une croissance démographique qui aura des conséquences énérgétiques et climatiques au niveau planétaire.

Pour Tosi Mpanu Mpanu, négociateur à la COP25 pour la République démocratique du Congo (RDC), la direction que va prendre le continent dépendra énormément de l'aide qu'il recevra d'autres régions et des institutions internationales. "Si nous devons vivre dans un monde où le réchauffement est contenu à 1,5°C, l'Afrique a un rôle à jouer", dit-il. "Mais nous avons besoin de ressources financières, de transferts de technologies, de moyens pour leurs mises en œuvre, ce ne sont pas des demandes extravagantes."

Centrale à charbon à Eskom, province de Mpumalanga, dans l'est de l'Afrique du Sud. Photo prise le 20 mai 2018. (REUTERS - SIPHIWE SIBEKO / X90069)

Le charbon et les financements chinois

Pour l'Egyptien Mohamed Nasr, diplomate au ministère égyptien des Affaires étrangères et actuel président du bloc constitué par les 54 nations africaines dans les négociations climatiques, le continent se trouve face à un dilemme. "Nous voulons agir contre le changement climatique. Mais la pauvreté est très élevée, il y a des besoins dans l'éducation, la santé. La plupart des pays africains sont très endettés", explique-t-il.

L'Egypte offre un bon exemple de ces tiraillements. Le Caire achève ainsi de construire le plus grand parc solaire au monde, avec des financements de la Banque mondiale. Mais sa capacité de 2 000 megawatts n'est rien à côté de la centrale à charbon dans la zone de Hamrawein, en construction avec des financements chinois. "La Chine finance des projets basés sur le charbon représentant 30 gigawatts en Afrique", indique à l'AFP Christine Shearer, de l'ONG Global Energy Monitor. "Nombre de ces projets entreront en service dans cinq ou dix ans, enfermant les pays dans le charbon précisément au moment où les prix des énergies solaire et éolienne devraient tomber bien en-dessous de ceux du charbon."

"La production africaine de charbon s'est envolée entre 2006 et 2018 de 140,5 millions de tonnes d'équivalent pétrole à 156 millions de tonnes", rapporte Le Point. Le continent possèderait 1,3% des réserves mondiales. L'Afrique du Sud (7e producteur au monde) "représente 94% de la production africaine" du minerai mais "d’autres pays comme le Zimbabwe ou le Nigeria disposent de grandes réserves", selon le site de l'agence Ecofin. Aujourd'hui, seul Pretoria a une industrie du charbon développée qui "assure 86%" de son électricité, "contre 2% pour le solaire et l'éolien", précise Le Point. Ce qui a entraîné des problèmes de santé liés à ce mode d'énergie, comme des maladies respiratoires...

Projets d'énergie propre

"Dans le même temps, des projets et des secteurs autour de l'énergie propre émergent en Ethiopie, au Kenya, au Maroc et en Algérie", note Lauri Myllyvirta, analyste au Centre for Research on Energy and Clean Air. Il faudra attendre plusieurs années pour savoir qui l'emportera dans cette lutte acharnée entre énergies propres (solaire, hydraulique, géothermie...) et fossiles.

Pour Mohamed Adow, de PowerShiftAfrica, "l'ONU doit inciter l'Afrique à rester sur une voie 'propre'. Mais pour y arriver, il faut de l'argent et les technologies pour passer à l'étape d'après les énergies fossiles", insiste-t-il.

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