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La tomate, or rouge du Nigeria, connaît des pépins

Gros consommateur de tomates, le Nigeria veut devenir autosuffisant avec ce produit qu'il importait massivement de Chine. Mais l'affaire se révèle plus complexe que prévu.

Article rédigé par Pierre Magnan
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Panneau indiquant l'usine de transformation de tomates Dangote, à Kadawa, à l'extérieur de la ville de Kano, dans le nord du Nigeria. Photo de décembre 2015. (AFP)

Aliko Dangote, Nigérian de son état et souvent présenté comme l’homme le plus riche d’Afrique, avait pour noble ambition, avec sa famille, de rendre son pays autonome dans la tomate, décida de créer une usine de traitement du légume-fruit rouge. Son objectif étant clairement de supplanter les importations de tomates transformées (concentré de tomates, très utilisé dans la cuisine nigériane), principalement en provenance de Chine, alors que le Nigeria est un des plus gros producteurs de tomates au monde et deuxième d'Afrique. Mais l'entreprise ne s'est pas révélée simple.

Pour mener à bien son projet, il a donc construit près de Kano, deuxième ville du Nigeria peuplée de plus de trois millions d'habitants au nord, cette usine de transformation de tomates avec le soutien du pouvoir, dont il est proche. "La tomate pourrait bien être l'or de Kano", pensait alors le gouverneur de la région. Inaugurée en mars 2016, elle est aujourd'hui fermée, se révélant incapable d'obtenir la quantité de tomates nécessaire à son fonctionnement, les agriculteurs ayant choisi d'autres cultures au début de la saison des pluies en mai.

(Il manque l'équivalent de 360 millions de dollars de concentré de tomates au Nigeria depuis les nouveaux déboires de Dangote farms)

Disposant d’une capacité journalière de transformation de 1200 tonnes de tomates, l’installation ne tournait qu'à 20% de son potentiel. La faute au fait que "près de 45% de la récolte, en raison d’un système de gestion post-récolte inadéquat", sont perdus, précise Ecofin.   

Tout avait été pourtant fait pour que l'affaire réussisse. L'investissement était important, de l'ordre de 20 millions de dollars. L’unité a été construite à côté de 170 000 hectares de champs irrigués, exploités par quelque 5000 fermiers pouvant produire près de 430 000 tonnes de tomates par an. La Banque centrale du Nigeria avait également apporté sa pierre à l’édifice en octroyant des prêts aux fermiers pour l’achat de graines et d’engrais.

L'usine avait déjà fermé une première fois en raison, déjà, d'un manque de tomates. "L'usine était restée inutilisée pendant plus de deux ans jusqu'en mars 2019 en raison d'une rupture d'approvisionnement". Une fois le problème (financier ou phytosanitaire, selon les sources) réglé, "l'usine n’a pas été en mesure d’augmenter sa production au-delà de 20% de sa capacité en raison d’un approvisionnement insuffisant en tomates, la plupart des agriculteurs n’ayant pas le crédit nécessaire pour développer leur production", rapporte l'agence Bloomberg

De nombreux acteurs sont intervenus pour tenter d'aider l'usine. Le pays a ainsi décidé de subventionner la production de tomates. Dangote Farms a également acquis une ferme de 5000 hectares pour cultiver une variété de tomates à haut rendement répondant aux besoins de son usine, tout en introduisant la même souche dans d’autres fermes pour augmenter leur productivité.

Rien de tout cela n'a semble-t-il suffit à asseoir la rentabilité de l'usine. Mais la volonté du pays d'être autonome dans sa consommation de tomates perdure. "Le gouvernement fédéral interdira définitivement l'importation de concentré tomate au Nigeria avant la fin de 2019, a affirmé le ministre de l'Agriculture et des Ressources naturelles", précise le site d'information économique Commodafrica. 

Une décision qui risque de peser sur les pays voisins qui, pour certains, souffraient déjà de la baisse des importations nigérianes. C'est ainsi que selon Ecofin, "le gouvernement togolais a racheté les productions de tomates, pour les distribuer à l'armée, mais surtout dans l’optique de soutenir les acteurs de la filière. En effet, ceux-ci éprouvent de plus en plus de difficultés pour vendre sur le marché nigérian qui est pour eux un gros débouché". 

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