Madagascar réclame à la France trois crânes conservés au musée de l'Homme à Paris

Le Sénat doit adopter lundi une loi pour faciliter la restitution à des États étrangers de restes humains appartenant aux collections publiques françaises. C'est notamment le cas de trois crânes, acquis du temps de la conquête coloniale, et demandés par Madagascar.
Article rédigé par Farida Nouar
Radio France
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Le musée de l'Homme, le 20 janvier 2022, à Paris. (MARTIN NODA / HANS LUCAS)

Restituer des restes humains abrités dans des musées français à des États étrangers. Le Sénat doit adopter définitivement une loi à ce sujet lundi 18 décembre. L'objectif est de créer une dérogation au "principe d'inaliénabilité" des collections, afin de "réconcilier les mémoires" quand ces vestiges ont été "acquis de manière illégitime voire violente", selon la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak.

Jusqu'ici, les restitutions ont été organisées par des lois prises au cas par cas, pour rendre par exemple la "Vénus hottentote" à l'Afrique du Sud. Mais les demandes se multiplient. C'est le cas de Madagascar qui réclame trois crânes, dont celui supposé d'un roi décapité par les troupes coloniales.

"Sans le crâne, pas de relique possible"

L’attente est si forte à Madagascar qu’elle en est devenue une promesse présidentielle. Pour le pays, ces trois crânes sakalaves, du nom de ce peuple vivant dans l’ouest de l’île, doivent retrouver leurs descendants. Mais ils sont conservés à des milliers de kilomètres, au musée de l’Homme à Paris. L'un d'eux a une importance particulière : celui supposé du roi Toera, figure de la résistance, décapité en 1897 lors d'une attaque des troupes coloniales françaises.

"Le roi Toera est le dernier roi indépendant du Menabe, d'une royauté qui remonte au XVIIe siècle, considérée comme la royauté mère pour tout l'ouest sakalave, tout l'ouest malgache, et pour leur religion", détaille Klara Boyer-Rossol, historienne, chercheuse au Centre international de recherche sur les esclavages et les post-esclavages. "Parce que la religion se base sur le culte aux ancêtres royaux. Et une des grandes cérémonies de ce culte, c'est le Fitampoha, le Bain des reliques royales sakalaves. Or la dernière relique royale manque. Et sans le crâne, pas de relique possible."

C’est elle qui après des années d’enquêtes et de recherches identifie avec une très forte probabilité le crâne royal. Mais l’ADN récupéré sur un os du roi et envoyé au musée est trop dégradé pour être comparé.

Une commission franco-malgache pour authentifier les crânes

Même si l’identification a échoué, ces crânes doivent retrouver leur terre d’origine, défend l’historienne. "Il ne s'agirait pas de demander la restitution dudit nommé roi Toera, mais de demander la restitution de trois Sakalaves dont les restes ont été illégitimement prélevés dans ce contexte de conquête armée coloniale et transférés en France au muséum de Paris."

À Madagascar, celui qui ne peut se rattacher à ses tombes, aux restes de ses ancêtres, est considéré presque hors de l'humanité.

Klara Boyer-Rossol, historienne

à franceinfo

D’où l’importance de cette loi sur les restitutions des restes humains en général. L'"identité sociale se fonde sur la relation avec les ancêtres, affirme Klara Boyer-Rossol. Les communautés concernées, les descendants ont besoin de pouvoir effectuer leurs rites, leurs hommages à leurs morts."

Une commission mixte franco-malgache sera chargée de documenter scientifiquement et historiquement l’authenticité de ces crânes. Le processus de restitution pourrait donc prendre du temps et le crâne supposé du roi Toera ne pas être rendu pour le prochain Fitampoha, le Bain des reliques royales, en été 2024.

Madagascar réclame à la France trois crânes conservés au musée de l'Homme à Paris. Reportage de Farida Nouar

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