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FIFF 2017. Marc Zinga: «Ma priorité, des rôles forts et de bonnes histoires»

L'acteur belge Marc Zinga, Magritte du meilleur espoir masculin en 2015, est l'un des membres du jury des longs métrages de la 32e édition du Festival international du film francophone de Namur (FIFF) qui s'achève le 6 octobre 2017. Rencontre avec l'une des nouvelles stars du cinéma francophone et un cinéphile qui doit sa carrière, entre autres, aux films de Spike Lee.
Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 7min
Le comédien belge Marc Zinga, membre du jury de la 32e édition du Festival international du film francophone de Namur (FIFF), le 29 septembre 2017 à Namur (Belgique).   (CITIZENSIDE / Olivier Gouallec / Citizenside)

Qu’est-ce que ça fait d’être membre du jury d’un festival francophone?
C’est un plaisir de participer à un jury parce que j’apprends énormément en tant que professionnel: je découvre toujours un peu plus les ficelles de la narration. En tant que cinéphile, c’est très agréable de pouvoir déguster tous ces films. Que tout cela fasse partie de la Francophonie rend les choses encore plus sympathiques parce que j’appartiens à cet espace. Enfin, c'est émouvant d’être à Namur parce que cela fait plusieurs années que je viens ici. La première fois, c’était pour présenter un court métrage (Grand Garçon) que j’avais réalisé. J’y ai remis un prix… J’ai beaucoup d’amitié pour ce festival.

Vous êtes Belge, né en République Démocratique du Congo. Ce type de festival aide-t-il à promouvoir les cinématographies africaines?
Bien sûr ! D’abord parce qu’une grande partie de l’Afrique est francophone. Ensuite, puisque la raison d'être du festival est de promouvoir la Francophonie à travers ce medium, le FIFF est de fait une belle vitrine pour les cinéastes de la terre mère. 

Le jury des longs métrages de la 32e édition du FIFF présidé par le cinéaste français Martin Provost. De gauche à droite, Christa Théret, Benjamin Siksou, Anne Emond, Martin Provost, Loubna Abidar, Marc Zinga et Issaka Sawadogo (FIFF)
 
C'est l'écueil que souhaitent éviter tous les acteurs noirs: incarner des personnages qui les renvoient uniquement à leur carnation ou à leurs origines parce qu’ils sont avant tout des comédiens. Est-ce que vous faites attention à ne pas être «le Noir de service» au cinéma? 
Ma priorité: des rôles forts et de bonnes histoires. C’est ce qui me plaît en tant que spectateur et par conséquent, c’est ce que je veux essayer de donner. Etre ramené à sa spécificité, personne n'y échappe. Le cinéma, parce que c'est une représentation du monde, implique une contextualisation sociale, politique, géographique et psychologique. La «norme», s’il y en a une, se réduit au personnage du bel homme blanc, hérérosexuel qui a entre 18 et 45 ans. Résultat: la grande majorité des actrices et des acteurs, qui sont en dehors de cette norme, viennent apporter leur diversité.

Quand vous avez voulu devenir comédien, ça a été facile pour vous en Belgique?
Les comédiennes et les comédiens sont sur un pied d'égalité du fait de ce que je vous disais tout à l'heure. On se retrouve, d'une certaine manière, tous victimes de notre apparence ou bien nous avons la possibilité d'en faire un atout. Finalement, il y a une relative justice car l’archétype de la norme peut devenir un piège: on peut se sentir enfermé dans le rôle du beau gosse de service. Ma chance réside dans le fait que je me suis uniquement laissé guider par ma passion et j'ai donc pu ainsi éviter toute pollution.


Marc Zinga et Benoît Poelvoorde dans «Les Rayures du zèbre» (2014) de Benoît Mariage. C'est ce rôle qui a valu le Magritte du meilleur espoir masculin au premier en 2015  (FORMOSA PRODUCTIONS / ARCHIVES DU 7EME ART / PHOTO12)

Qu’est-ce qui vous a amené au cinéma? Le déclic s’est produit comment?
Il y a d’abord l’envie de raconter des histoires. Cela m’est venu instinctivement comme chez beaucoup d’enfants. Mes plus lointains souvenirs sont ceux où je me vois assis par terre devant quelques objets et que je m’invente une histoire avec tout ça. Ensuite, les films de Spike Lee que j’ai vus quand j’étais enfant, notamment Do the Right Thing (1989), m'ont fait choisir ce medium.  

Quels sont les films africains qui vous ont marqué? 
Récemment, Timbuktu d’Abderrahmane Sissako et Un Homme qui crie de Mahamat Saleh-Haroun. Ce sont deux très grands films. Le premier a une poésie, une âme… Timbuktu s'apparente à une brise qui souffle sur vous et qui vous marque à jamais. Un Homme qui crie amène une trame plus conventionnelle mais il y a une telle force poétique dans la narration, dans la qualité de la mise en scène que vous ne pouvez qu'être admiratif de l'œuvre.

Vous serez bientôt à l’affiche de «The Mercy of the Jungle» du réalisateur rwandais Joel KarekeziRecevez-vous régulièrement des propositions émanant du continent?
J’ai la chance d’avoir suscité l’intérêt de certaines personnes en Afrique. Encore une fois, mon critère premier est lié la qualité des histoires. Quant à la portée sociale et politique que cela pourrait avoir – un acteur de la diaspora africaine qui tourne en Afrique –, je pense que cela tient tout simplement au fait de faire au mieux son travail de comédien. Cela suffit à apporter une pierre à l’édifice de l’évolution des mentalités. J’ai la grande chance d’avoir abordé l’œuvre d’Aimé Césaire et, avant d’être politique, c’est une œuvre poétique et humaniste. C’est quelqu’un qui capte l’essence de l’âme humaine et qui nous la donne à voir et c’est ce qui compte. Ça prend la forme en grande partie d'une analyse de la réalité des Noirs dans le monde et dans l’Histoire. Mais avant tout, il parle de l’humain.

Marc Zinga prend la pause lors du photocall du film «Dheepan» de Jean-Jacques Audiard (qui a remporté la palme d'Or de cette édition) le 21 mai 2015 lors de la 68e édition du Festival de Cannes. (AFP PHOTO / ANNE-CHRISTINE POUJOULAT )

Votre carrière se construit dans un espace francophone, européen avec des incursions hollywoodiennes. Vous étiez, par exemple, au casting de «007 Spectre» (le dernier James Bond), une grosse production américaine. Hollywood vous intéresse ou encore une fois, seuls les projets sont déterminants?  
C’est le principe qui me guide dans le choix des projets. Mais je ne peux pas nier que le savoir-faire américain, combiné avec l’hégémonie de cette culture, fait que je reste très réceptif à ce que propose Hollywood et le cinéma indépendant américain. 

Vos parents sont-ils pour quelque chose dans votre vocation? 
J’ai surtout eu la grande chance d’avoir leur confiance au moment où j’ai choisi cette voie professionnelle. C’est rare! Car quelles que soient ses origines sociales et culturelles, décider d’aller faire une école d’acteurs, ça fait souvent peur aux parents. Pour ma part, cela n’a pas été le cas. Peut-être parce que plus jeune, j’avais fait de la comédie. Ça a dû leur mettre la puce à l’oreille.

Est-ce que vous vous intéressez à l'actualité politique de votre pays d'origine, la RDC?
Pour répondre franchement à votre question, nous sommes hors sujet parce que nous sommes là pour parler de cinéma. Maintenant, à titre personnel, je suis sensible au monde qui m’entoure et bien évidemment à mes origines. Disons que pour que les poules soient bien gardées (sourire), quand je suis à un festival de films, je parle de films.

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