Business minier : les femmes ivoiriennes revendiquent leur part du gâteau
Christine Logbo est formelle : l’activité minière est un secteur d’avenir qui intéresse les femmes ivoiriennes. Celles-ci veulent se débarrasser des préjugés qui les ont longtemps tenues à l’écart de ce businness, devenu la chasse-gardée des hommes.
«Dans les mines artisanales par exemple où il faut creuser, aller en profondeur, transporter des volumes importants de terre, les laver, les concasser, naturellement on a envie de dire que les femmes qui sont supposées être un peu plus faibles physiquement ne s’intéresseraient pas à cette activité», déplore-t-elle.
Des préjugés que dénonce l’Association des femmes du réseau minier de Côte d’Ivoire. Créée en 2015, la FEMICI regroupe des géologues, des conductrices d’engins, des juristes et des spécialistes de l’environnement. Elle veut prouver que les femmes ont parfaitement leur place dans les activités minière en Côte d’Ivoire.
«Par exemple si vous allez dans le nord de la Côte d’Ivoire qui fait frontière avec des pays comme le Burkina, le Mali ou la Guinée, ce sont les femmes qui travaillent les minerais, les pierres précieuses, le diamant, l’émeraude», confie-t-elle à Géopolis.
«Des petites mains prêtes à tout faire»
Le problème, c’est que toutes ces femmes sont employées dans des mines artisanales où elles travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. Elles ne gagnent que des miettes et sont généralement considérées comme «des petites mains» prêtes à tout faire.
Que ce soit dans le concassage, dans le lavage et le tri de différents matériaux, dans les carrières, elles sont victimes d’une exploitation en règle qui se déroule parfois dans la clandestinité.
«Encore une fois, on est dans l’abus, dans l’exploitation. On parle de personnes qui cherchent à exploiter des petites mains. Les femmes que l'on y trouve, ce sont celles qui vivent seules, qui n’ont pas le choix. Des populations déjà fragiles et qui ont besoin d’une activité pour survivre», observe Chrisine Logbo.
L’association des femmes du réseau minier de Côte d’Ivoire enquête aujourd’hui sur la proportion de toutes celles qui sont exploitées sur des sites clandestins. Pour les sortir de là, il faut naturellement une volonté politique. Il faut aussi relever leur niveau d’éducation, plaide la présidente de la FEMICI.
Pour que ces femmes sortent de la clandestinité et qu’on arrête d’abuser d’elles autour des sites miniers où elles deviennent des prostituées, il faut qu’on renforce leur capacité dans ces zones minières très reculées. Quand vous êtes en zone rurale et que vous êtes analphabète, vous n’avez pas le choix. Mais dès lors que vous avez un petit niveau d’instruction, la capacité de lire et de comprendre, vous pouvez faire des choix plus justifiés».
L’objectif de la Femici est donc de sortir ces femmes ivoiriennes de la clandestinité pour qu’elles profitent pleinement des richesses minières de leur pays.
Moins de 1% de femmes dans la chaîne minière industrielle
Le secteur minier ivoirien est en pleine expansion depuis une décennie. L’activité est dominée par les productions de manganèse et d’or, mais le sous-sol renferme aussi du diamant, du fer, du nickel, de la bauxite et du cuivre.
Le Groupement professionnel des miniers de Côte d’Ivoire a répertorié à peine 112 femmes parmi les 6000 emplois directs et environ 400 parmi les 30.000 emplois indirects dans le secteur minier, qui contribue actuellement à 5% du Produit intérieur brut du pays.
«Il y a moins de 1% de femmes aujourd’hui dans la chaîne minière industrielle. Elles sont concentrées dans les zones du nord qui font le diamant, dans les zones du centre-ouest et du sud qui font de l’or et du manganèse. Oui, les femmes sont sous représentées dans l’industrie minière», déplore la présidente de la FEMICI.
Christine Logbo estime qu’il est temps de mettre les pendules à l’heure et de corriger cette injustice. Elle fait remarquer qu’au moment où l’industrie minière est en train de décoller, l’Etat ivoirien devrait favoriser des politiques de promotion du genre dans cette activité.
«Je peux vous citer des exemples de femmes qui sont géologues séniors aujourd’hui, qui n’ont pas encore été valorisées en prenant la tête d’un département dans une entreprise minière industrielle. C’est la même chose dans le secteur de l’exploitation minière artisanale. Sur les 47 permis ou autorisations octroyées à l’artisanat minier, il n’y a pas une seule qui a été octroyée à des femmes qui gèrent aujourd’hui des coopératives minières».
S'imposer face aux préjugés sexistes
Si la FEMICI souhaite l’intégration des femmes aux postes de responsabilités et de direction dans l’industrie minière, elle appelle aussi les Ivoiriennes à briser les plafonds de verre et à s’imposer face aux préjugés sexistes. Nous ne voulons pas bénéficier d’une politique de discrimination positive, précise Christine Logbo.
«Il faut que les femmes elles mêmes soient conscientes des opportunités qui existent autour d’elles et s’en saisissent. Parce qu’on aura beau dire qu’on met en place des politiques en leur faveur, si elles-mêmes ne sont pas conscientes, je suis désolée, ça ne changera rien».
Le combat mené par la FEMICI se situe aussi au niveau de la formation. Les femmes qui s’intéressent aux métiers des mines sont appelées à sortir de leurs préjugés qui veulent que les sciences ne sont pas faites pour elles.
«Les sciences, c’est pour tout le monde. Les femmes y compris. Et quand les femmes s’intéressent aux sciences, à la physique et aux mathématiques, elles sont excellentes», plaide Christine Logbo.
Des femmes géologues, techniciennes, conductrices d’engins, elles sont déjà disponibles en Côte d’Ivoire comme partout en Afrique de l’Ouest. Reste à les encourager pour susciter l’enthousiasme de celles qui veulent aussi s’investir dans l’industrie minière, conclut la présidente de la FEMICI.
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