Reportage "Ils m'ont frappé, torturé et ils ont violé les femmes qui étaient avec moi" : en RDC, les civils encerclés par la rébellion armée

Les forces rebelles encerclent Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo, où des centaines de milliers de déplacés ont trouvé refuge.
Article rédigé par Claude Guibal
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des soldats de l'armée congolaise au milieu des civils déplacés, au camp Bulengo à quelques kilomètres de Goma, à l'est de la République démocratique du Congo, le 16 février 2024. (GUERCHOM NDEBO / AFP)

Dans l'est de la République démocratique du Congo, la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda encercle Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu et ses deux millions d’habitants. Le conflit dure depuis 30 ans sur fond de rivalités ethniques et de pillage des ressources minières. Depuis que les insurgés ont repris les armes, en 2021, jamais les combats n’avaient été si proches de la capitale du Nord-Kivu, où des centaines de milliers de déplacés ont trouvé refuge. La situation humanitaire est catastrophique.

Il est allongé sur le lit, les yeux figés, des bandages sur tout le corps. Les éclats d’obus lui ont traversé les reins, emporté une partie du système digestif et arraché la main. Il est membre des wazalendos, ces milices d’autodéfense qui combattent avec l’armée congolaise. À l’hôpital Ndosho, jamais on a vu un tel afflux de blessés. Sidibé est le chirurgien en chef de l’équipe de la Croix-Rouge Internationale : "Avant, on avait des blessures par balles. Là, on parle d'obus, de mines antipersonnel, de mines antichars, ce sont des blessures très graves."

"J'ai perdu deux de mes enfants et mon mari"

Il y a quelques jours, l’équipe a amputé un bébé de trois mois, la jambe déchiquetée par une explosion. Les combats sont tout près. Ils font rage à Sake, le verrou de Goma, à 20 kilomètres de la capitale du Nord-Kivu. Tous les accès sont désormais bloqués, Goma est encerclée. Les camps de réfugiés sont saturés : un million et demi de personnes à la dérive.

"Sur la route on est tombés sur des combattants du M23. Ils m'ont frappé, torturé et ils ont violé les femmes qui étaient avec moi." L’homme qui parle s’appelle Gemsi, il vit réfugié dans le camp de Bulengo, sous une tente dont la bâche ne protège plus de la pluie. Partout les mêmes histoires, partout les mêmes yeux sidérés. Espérance, elle, a quitté Karuba quand les tirs et les explosions ont retenti à proximité du village : "Sur la route, en fuyant pour arriver ici, j'ai perdu deux de mes enfants et mon mari. Au bout de deux mois, j'ai appris que mon mari avait été tué mais je n'ai jamais retrouvé mes enfants. Cela fait deux ans que je n'ai aucune nouvelle d'eux."

À ses pieds, un enfant à la peau rongée par une maladie. Livrés à eux-mêmes, les enfants errent dans les champs voisins pour voler de la nourriture. Pour les femmes, obligées de sortir en forêt pour chercher du bois de chauffe, c’est l’enfer du viol, que 80% d’entre elles ont subi, et à plusieurs reprises. Chaque jour, la pression s’accroît sur Goma, quasiment coupée du reste du pays. Les rebelles du M23 sont sur les flancs du Nyiragongo, le gigantesque volcan qui domine la ville. Goma qui continue pourtant à vivre, comme sourde au fracas de la guerre.

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