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Attaque à Ouagadougou : "Le Burkina Faso ne vivait pas du tout dans la peur d’une menace islamiste"

Gérard Grizbeck, correspondant en Afrique pour France 2, fait le point sur la situation après l'attaque qui a fait au moins 26 morts. 

Article rédigé par Hervé Brusini - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des véhicules blindés dans les rues de Ouagadougou, samedi 16 janvier, au lendemain d'une attaque jihadiste contre l'hôtel Splendid.  (AHMED OUOBA / AFP)

Explosions, coups de feu, exécutions. L’action terroriste menée à Ouagadougou, dans la nuit du vendredi 15 au samedi 16 janvier, a stupéfait le Burkina Faso. Le pays se croyait, a priori, épargné par l’islamisme en armes. Cette fois-ci, tout a changé.

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La nature même des cibles -une terrasse de café et un grand hôtel- n’est pas sans rappeler "ce que Paris a vécu le 13 novembre", affirme Gérard Gizbeck, le correspondant en Afrique de France 2. Voici les premiers constats qu'il tire sur les lieux même de l'attentat, alors que l'assaut contre les jihadistes est terminé et que le dernier bilan provisoire, samedi à 16h, fait état de 26 morts. 

Francetv info : Quelle est l'ambiance sur place ?

Gérard Gizbeck : L’atmosphère est étrange. Tout le long du parcours qui va de l’aéroport à la zone des attentats, la route est gardée par de nombreux militaires en armes. Le centre-ville offre un spectacle plus étonnant encore. D’habitude, il est bondé et en ce moment même seules quelques personnes commencent à arriver dans ce qui est devenu, depuis hier soir, un quartier fantôme. Les seuls occupants de la zone sont les militaires, les gendarmes et la police. A présent seulement, la population ose sortir pour demander où en est la situation. Ce sont essentiellement des jeunes hommes qui viennent demander, à nous aussi journalistes, des renseignements. Tout cela témoigne du traumatisme face à ce que l’on peut qualifier de véritable bataille. Visiblement, le choc d’hier soir et ce matin a été violent, des douilles jonchent le sol. A n’en pas douter, Ouagadougou a vécu des scènes de guerre.

Le pays ne s’attendait pas à une attaque de ce genre ?

Oui, la surprise ici est grande. Si j’ose dire, il n’y a pas ici de tradition islamiste. Le Burkina Faso a certes connu quelques problèmes avec les jihadistes ces derniers temps, mais cela se situait essentiellement à la frontière avec le Mali. D’ailleurs, là-bas, un Occidental a été pris en otage il y a quelques mois. Ouagadougou, en revanche, a toujours été épargnée. Cette capitale est fière de son activité politique par exemple. On met ici volontiers en avant l’existence de débats démocratiques, l’éviction de Blaise Compaoré au pouvoir depuis 27 ans, ou encore la mise en échec récente d’une tentative de putsch. Ce pays ne vivait pas du tout dans la peur d’une menace islamiste. Il se vivait dans les rails de la démocratie retrouvée, et cela dans un véritable enthousiasme. Là, subitement, la population s’interroge : "sommes-nous comme le Mali, comme le Niger ? Sommes-nous comme tous ceux qui en Afrique de l’Ouest sont touchés par la montée de l’islamisme ?"

Quelle est la cible privilégiée de cette action ?

Il est évident que nous sommes d’abord face à une opération anti-occidentale. La cible elle-même l’indique, à savoir l’hôtel le plus chic de la ville avec ses résidents, des Français certes, mais aussi beaucoup d’autres Occidentaux. Il est vrai que Ouagadougou abrite également un cantonnement des forces spéciales françaises d’à peu près 200 hommes. Le message terroriste est donc adressé aussi à la France.

Mais cette action est un défi bien plus large. Les auteurs de cette tuerie aspirent à un retentissement médiatique important et de fait, on peut observer la ressemblance avec les attentats de Paris de cette opération. On a tiré sur le café Capuccino qui est typiquement une évocation locale de la 'dolce vita', du plaisir, du bonheur, et de la joie de prendre un verre ensemble.

Et que dire de la revendication par Aqmi ? 

Cet attentat est aussi le fruit d’une bataille pour le leadership islamiste dans cette partie de l’Afrique de l'Ouest, entre Daesh et Al-Qaïda. Ou plutôt de qu’il en reste c’est-à-dire Aqmi (Al qaïda au Magreb islamique) qui est le premier groupe terroriste à avoir revendiqué cette action. Il s’agit pour Mokhtar Belmokhtar, le chef de cette branche de montrer qu’il est le plus fort dans cette zone. Tout cela pour que les jeunes qui pourraient se radicaliser viennent vers lui et son groupe. Cette action terroriste est donc due aussi à une lutte d’influence par extrême violence interposée. 

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