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Pourquoi les Algériens rejettent massivement l’élection présidentielle du 12 décembre

Depuis le lancement officiel de la campagne présidentielle, des manifestants opposés au scrutin perturbent les meetings électoraux des cinq candidats en lice. 

Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Manifestation à Alger contre l'élection présidentielle du 12 décembre organisée par le régime. Une partie de la population ne veut plus d'un simulacre d'élections et réclame une véritable démocratie. (RYAD KRAMDI / AFP)

La campagne électorale qui a débuté le 17 novembre 2019 en Algérie se déroule dans une ambiance quelque peu agitée. Les meetings des cinq candidats en lice sont perturbés par les opposants malgré une importante protection policière.

Une réunion électorale d'Ali Benflis, 75 ans, ancien Premier ministre d'Abdelaziz Bouteflika entre 2000 et 2003, a été interrompue le 18 novembre à Souk Ahras par quatre personnes qui se sont levées à tour de rôle pour crier : "Vous avez pillé le pays, voleurs !" Elles "ont immédiatement été interpellées par des policiers en civil présents dans la salle", a précisé un journaliste local selon l'AFP. Les quatre manifestants ont été immédiatement condamnés par le tribunal de Tlemcen à 18 mois de prison, a annoncé le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Non loin de là, à Guelma, les slogans "Pas de vote", scandés par une centaine de manifestants massés à l'extérieur du meeting organisé le même jour par M.Benflis, ont résonné jusque dans la salle.

Un printemps algérien inédit

La présidentielle du 12 décembre est donc massivement rejetée par le Hirak, le mouvement de contestation qui agite l'Algérie depuis neuf mois. Le régime, c’est-à-dire essentiellement la hiérarchie militaire et le parti au pouvoir (FLN), veut à tout prix imposer son agenda électoral, alors que les manifestants refusent des élections qu'ils considèrent ni libres, ni honnêtes. Une partie de la population estime que ce scrutin ne servira qu'à recycler le régime en place. C’est pourquoi, les manifestants exigent au préalable un départ de la "clique au pouvoir".

Il faut dire que depuis l’indépendance du pays en 1962, la haute hiérarchie militaire et les apparatchiks du FLN ont confisqué le pouvoir. Un régime à la soviétique, aux mains d’une caste bureaucratique, autoritaire et corrompue qui impose ses vues à la justice et à la société civile. Sans parler de choix économiques et industriels maladroits ayant débouché sur une économie dirigiste et un Etat hypertrophié.

Longtemps la rente pétrolière et gazière, qui représente 95% des recettes d’exportation du pays, a permis de masquer les problèmes et de calmer l'opinion par une certaine redistribution sociale. Cet argent a également permis d’entretenir une clientèle électorale, voire d’acheter les votes dans les villages reculés du pays.

Les Algériens aspirent à une vraie démocratie

Un modèle mis à mal lorsque les cours du pétrole et du gaz passent de 115 à 60 dollars, comme c’est le cas depuis cinq ans. Aujourd’hui, les réserves de change de l'Etat algérien sont estimées à 60 milliards de dollars, soit l’équivalent d’à peine trois années de déficit de la balance des paiements. Rappelons que l’Algérie importe près de la moitié de ses besoins alimentaires.

Une situation encore aggravée par la paralysie de l’économie, provoquée par l’actuel blocage politique et les dizaines de patrons emprisonnés, en raison d’une campagne anti-corruption menée à la va-vite pour calmer l’opinion. Avec, pour conséquence, une baisse d’activité d'au moins 30% dans les secteurs clés du bâtiment et des travaux publics. Les commandes publiques tournent au ralenti avec déjà des milliers d’emplois perdus.

Cinquante-sept ans après l’indépendance du pays, les Algériens ne veulent plus d’un simulacre d’élection mais aspirent à une véritable démocratie. Une solution politique s’impose pour relancer rapidement l’économie du pays.

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