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Nacer Boudiaf : «Le système impose à Bouteflika les pires tortures de sa vie»

Le président algérien Mohamed Boudiaf a été assassiné en direct à la télévision le 29 juin 1992, un acte isolé selon la version officielle. Son fils Nacer, qui n’a jamais cru à cette thèse, décide de faire revivre les idéaux de Boudiaf en relançant «Le Rassemblement national».
Article rédigé par Mohamed Berkani
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Nacer Boudiaf relance «Le Rassemblement national» (DR)
Vous rappelez-vous ce que vous faisiez ce jour-là, le 29 juin 1992 ? Comment avez-vous vécu ce drame ?
Ce jour funeste restera gravé dans ma mémoire et celle de beaucoup d'Algériens qui ont ressenti un immense gâchis, parce que l'espoir qu'a suscité Mohamed Boudiaf venait de s'envoler pour laisser l'Algérie à des lendemains incertains, avec le résultat qu’on connait : plus de 250.000 morts et des milliers de disparus. Ce jour-là, je me dirigeais vers mon travail et en arrivant à la réception, je vois quelqu'un débouler en criant : «on vient d'assassiner le Président !». Je suis resté figé quelques secondes qui m'ont paru interminables, je n'arrivais pas à concevoir une telle chose, ni à l'admettre d'ailleurs. Je me suis remémoré toutes les souffrances que cet homme avait endurées pour son pays. Peu à peu, je reprends mes esprits et décide de partir à la présidence. Une fois arrivé, je rentre au salon et là je vois Fatiha Boudiaf (sa mère, ndlr) au téléphone entrain de pleurer, tout s'est écroulé pour moi. Car avant d'arriver à la présidence je me suis dit peut-être qu'il n'est pas mort, qu'il est seulement blessé, mais la réalité est là. Je quitte le salon sans dire un mot à Fatiha Boudiaf.

Pourquoi avez-vous décidé ces jours-ci de relancer le « Rassemblement national » ?
L'Algérie est malade non pas seulement des pratiques nées du système hérité de Ben Bella et de Boumediène (les deux premiers présidents de l’Algérie indépendante, ndlr), mais elle est également malade de la passivité du peuple. Les Algériens ne protestent pas par peur de retomber encore une fois dans les années rouges, comme ce qui passe actuellement dans certains pays. C'est pour signifier qu'il faut une fin à tout que j'ai décidé de relancer le projet de société de Boudiaf, un projet issu du cœur d'un homme qui est né et qui est mort parce qu'il a toujours vécu avec cette devise : «l’Algérie avant tout». N'est-ce pas simple et grandiose comme projet de mettre l'Algérie avant les mesquineries pour lesquelles les animateurs de la scène politique s'entre-tuent. Regardez ce qui se passe comme folklore au sein du FLN, n'est-ce pas suffisant pour rappeler le projet de Boudiaf tourné vers l’avenir ?
 

Croyez-vous qu’une alternance est possible en Algérie ?
Le système ne se succède pas à lui-même, il ne fait que continuer d'éliminer les hommes bons comme Abane, Boudiaf, Ben M'Hidi, Didouche, Krim, Ben Boulaid (héros de la Révolution, ndlr), pour offrir le fauteuil à des Saidani (actuel Secrétaire général du FLN, ndlr). C'est l'injustice à très grande échelle qui a permis que le FLN, fondé par de grands hommes, se retrouve maintenant «géré» par des hommes qui sont poursuivis par la justice pour leurs malversations tout en sachant pertinemment qu'ils sont en train de vivre leurs derniers moments parce que le peuple les a vomis.

Si le système avait un tant soit peu de respect pour la dignité de l'Algérien, il n'aurait pas abusé de la patience du peuple pour imposer à Bouteflika les pires tortures de sa vie et au peuple un homme malade qui ne demande qu'à vivre tranquillement les derniers jours de son existence. Comment le peuple accepte-t-il qu'un joueur de football soit mis sur le banc de touche parce qu'il manifeste des signes de faiblesse et accepte en parallèle un homme qui a subi plusieurs AVC à la tête de l'Etat ? N'est-ce pas honteux que la sœur Tunisie élise très démocratiquement ses hommes et ses institutions, que le Nigéria élise dans la paix et la stabilité son nouveau Président, et que l'Algérie dont la Révolution du 1er Novembre a inspiré plusieurs peuples africains pour leur indépendance, reste en 2015 pendue à l'abus de pouvoir.

Pour tout cela, des milliers d'Algériennes et d'Algériens me sollicitent pour la «rupture» pour laquelle Boudiaf a été victime d'un «acte isolé», une thèse de plus en plus remise en question même par un Ali Haroun, qui a très longtemps cautionné le système. 

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