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Témoignages En Afghanistan, le mariage forcé des petites filles pour survivre : "Nous sommes obligés de la sacrifier"

Depuis la prise du pouvoir par les talibans le 15 août 2021, le pays est plongé dans une des pires crises humanitaires au monde. 70% de la population ne mange pas à sa faim, les familles se sont endettées et plusieurs ont marié de force l’une de leurs fillettes.

Article rédigé par franceinfo - Sonia Ghezali
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
À Shourandam, dans les environs de Kandahar (Afghanistan), des distributions de nourriture s'organisent en novembre 2021.  (THIBAULT LEFÉVRE / RADIO FRANCE)

Un trou de quatre mètres carrés pour domicile. Mubarak vit avec son mari et leurs quatre enfants au milieu de cette fosse creusée dans la terre. Une bâche tendue au-dessus de leur abri les protège du soleil brûlant. La mère couve du regard son fils. Le petit garçon, renversé par une moto quelques mois plus tôt, est handicapé. C’est pour lui qu’elle a pris la décision de marier sa fille, âgée de seulement 10 ans. "Je veux utiliser l’argent de la vente pour mon fils", explique Mubarak, qui espère obtenir une dot d’environ 4 500 euros.

"Le mari que nous lui avons trouvé est sourd mais nous n'avons pas le choix. Nous sommes obligés de la sacrifier pour pouvoir emmener notre fils consulter un médecin à Kaboul ou au Pakistan."

Mubarak

à franceinfo

Fin de l'aide internationale

En Afghanistan, 70% de la population ne mange pas à sa faim. Le pays, dont l'économie était sinistrée par quarante ans de guerre, vivait déjà sous perfusion de l'aide internationale. Avec la prise du pouvoir par les talibans il y a un an, le 15 août 2021, cette assistance a cessé, faisant perdre à l'Afghanistan 40% de son PIB.

Dans les camps de déplacés de Qala-I-Now, la capitale provinciale de Badghis dans l’est du pays, les familles vivent dans le plus grand dénuement et en viennent à prendre des mesures inimaginables. Il y a un mois, Rabia Aghamamat a également donné sa fille Khassagoul en mariage. Elle n'a que 12 ans. "La personne à qui nous avions emprunté de l’argent nous demandait chaque jour de la rembourser. C’est pour ça que nous avons donné notre fille a un homme qui a 40 ans. Il nous avait prêté 50 000 afghanis, souffle Rabia. Il nous a dit : 'Si vous n’avez pas d’argent pour me rembourser, donnez-moi votre fille'. Personne chez moi ne travaille, mon mari est handicapé et mon fils n’a que 10 ans."

Un vrai repas "tous les dix jours"

Rabia a quitté son village frappé par la sécheresse il y a quatre ans, fuyant aussi les combats qui opposaient les talibans aux forces gouvernementales. Démunie, la famille a sombré davantage dans la misère au cours des derniers mois : "Le riz et l’huile coûtent très cher. On dîne une fois tous les dix jours, sinon on ne mange que du pain avec du thé, et, parfois, on dort le ventre vide. On ne peut même pas acheter de l’eau potable."

"Je ne suis pas contente d’avoir donné ma fille en mariage, elle n’est pas prête pour tomber en enceinte ni pour s’occuper d’une maison. J’ai pris cette décision pour mes autres enfants, parce qu’on mourait de faim."

Rabia Aghamamat

à franceinfo

À Badghis, 90 % de la population ne mange pas à sa faim. Les familles sont de plus en plus nombreuses à donner leur fillette en mariage, espérant obtenir des dots qui leur permettent de survivre, ne serait-ce que quelques mois.

En Afghanistan, le mariage forcé des petites filles pour survivre. Reportage de Sonia Ghezali.

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