Suspension des expulsions vers l'Afghanistan : "Les renvoyer les exposerait à des dangers", selon un chercheur de l'IRIS
Karim Pakzad salue la décision de la France de suspendre, début juin, les expulsions vers l'Afghanistan en raison du contexte sécuritaire dans le pays, où les talibans s'emparent peu à peu de toutes les grandes villes.
"Les talibans considèrent tous ceux qui ont collaboré avec les occidentaux, ou qui sont liés d'une manière ou d'une autre à ces pays, comme des traîtres", explique Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS (Institut de Recherches Internationales et Stratégiques), spécialiste de l’Afghanistan jeudi 12 août sur franceinfo. Il salue la décision de la France, qui n'expulse plus les ressortissants afghans depuis début juin.
franceinfo : Les Afghans qui seraient renvoyés dans leur pays risquent-ils leur vie ? La France n'avait pas d'autres choix que d'arrêter les expulsions ?
Karim Pakzad : Les renvoyer les exposerait à des dangers, notamment s'ils sont renvoyés dans leurs provinces d'origine, où les talibans sont maîtres. Les talibans considèrent tous ceux qui ont collaboré avec les occidentaux, ou qui sont liés d'une manière ou d'une autre à ces pays, comme des traîtres. Mais quelques jours après la décision du gouvernement français, plusieurs pays européens dont l'Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas ont écrit au commissaire européen pour dire qu'il fallait continuer à renvoyer les déboutés du droit d'asile afghans pour ne pas encourager l'arrivée d'autres réfugiés. Je pense qu'il faudrait que l'Union européenne, prenne une position commune, une position défendable par l'ensemble des pays.
"Je pense que c'est une sage décision de la part de la France, mais le problème c'est qu'elle est quasiment seule à l'avoir prise."
Karim Pakzadà franceinfo
Les talibans se rapprochent de Kaboul, ils sont à 150 kilomètres de la capitale et les négociateurs proposent un accord de partage du pouvoir aux talibans, en échange de la fin des violences. Est-ce réaliste ?
Si cette proposition vient du gouvernement de Kaboul ce sera une nouveauté. Cette éventualité existait : Antony Blinken, secrétaire d'État aux affaires étrangères américaines a envoyé, il y a à peu près trois mois, un plan de paix et de négociations qui exigeait la mise en place d'un gouvernement provisoire. La situation est telle que le gouvernement de Kaboul doit négocier de manière sérieuse et être prêt à partager le pouvoir avec le mouvement des talibans. Pour l'instant, les talibans sont prêts au partage. Mais on ne peut pas faire confiance à un mouvement islamiste très fondamentaliste qui a le pouvoir militaire sur le terrain. L'ensemble des pays voisins, y compris le Pakistan, qui a été la base arrière des talibans depuis toujours, les pousse à éviter de prendre le pouvoir par la force. Dans ce cas, l'Afghanistan entrerait dans une nouvelle période de guerre, une guerre civile inter-ethnies qui déstabiliserait encore le pays.
Après vingt ans de présence étrangère, le retrait des troupes américaines de l'Afghanistan sera définitif le 31 août. Ces vingt années n'ont servi à rien ?
Non, absolument à rien. Dès 2008 je préconisais des négociations avec les talibans, alors qu'il y avait eu 150 000 soldats américains et d'autres pays de l'OTAN en Afghanistan, et que les talibans n'avaient pas la même force qu'aujourd'hui. Dès cette époque, on voyait que les talibans étaient imbattables sur le plan militaire dans un pays extrêmement compliqué. Malheureusement, Barack Obama n'a pas écouté le conseil de Joe Biden, qui était alors vice-président.
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