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L’insécurité en Afghanistan, pays à l’avenir incertain

Le 18 juin 2013, le gouvernement afghan prenait le contrôle de la sécurité à la place de la force internationale de l'Otan (Isaf). Le 25, un nouvel attentat secouait Kaboul. Alors que d’aucuns craignent le retour de la guerre civile une fois les troupes étrangères évacuées, l’Afghanistan n’est toujours pas sécurisé.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Les talibans ont revendiqué un attentat-suicide près du bureau de la présidence afghane et d'un bâtiment de la CIA à Kaboul, le 25 juin 2013. (Mustafa Bag / Anadolu Agency)

Le départ prévu fin 2014 de la majorité des 60.000 membres des troupes de l’Otan restant en Afghanistan – une étape sur la voie du retrait occidental du pays après 12 ans d’occupation – s’inscrit dans un processus, entamé en juillet 2011.
 
La suite ? L'Isaf doit garder un rôle de soutien, notamment aérien, en cas d'attaque massive des talibans, et assurer un rôle de formateur pour les quelque 350.000 membres des forces de sécurité afghanes (soldats, policiers et paramilitaires). Certains pays, comme la France, ont accéléré le retrait de leurs troupes. Les 500 soldats français encore engagés dans le pays après l’été seront affectés à l’hôpital militaire de Kaboul.

De nombreux observateurs doutent cependant de la capacité des Afghans à assurer seuls la sécurité de leur pays face aux talibans (20 à 30.000 combattants), sachant que le rythme des violences n'a pas faibli.

Les policiers afghans de la province de Laghman prêtent serment le 24 Juin 2013. (AFP PHOTO/ Waseem Nikzad )

Les talibans occupent le terrain
Chassés du pouvoir par les Occidentaux à la fin 2001, les talibans ont regagné du terrain ces dernières années, en menant une guérilla d’usure (attentats, sabotages, embuscades). Ils contrôleraient les 3/5e du territoire et domineraient le sud et l’est de l’Afghanistan.
 
Les talibans, qui considèrent le président Hamid Karzaï comme une «marionnette des Etats-Unis», ne lui reconnaissent aucune légitimité. Ce dernier a pourtant annoncé qu'il allait envoyer des émissaires au Qatar pour discuter avec les insurgés qui ont ouvert un bureau à Doha.
 
Islamistes radicaux, ils ont fait allégeance au mollah Omar et à son «Emirat islamique d'Afghanistan», nébuleuse ancrée dans le sud de l’Afghanistan. Ils sont aussi et surtout liés au réseau Haqqani, proche d’al-Qaïda et basé au Waziristan du nord, une zone tribale pakistanaise proche de la frontière afghane.

L'insécurité prévaut dans tout le pays 
Les talibans sont soutenus par une partie de la population, notamment les Pachtounes (40% des Afghans), qui dénonce l’occupation du pays et les victimes collatérales des opérations militaires des forces de la coalition. Mais le mouvement radical n'est pas pour autant apprécié de tous les civils qui paient un lourd tribut aux actes terroristes: 2.300 tués entre janvier et octobre 2012.
 
Les combats au sud et à l’est ont également déplacé quelque 450.000 personnes (chiffres ONU), dont 30.000 sont réfugiées dans les 55 camps qui se sont montés autour de Kaboul.
 
De nombreux analystes estiment que la mission de pacification et de démocratisation de l’Isaf est un échec, comme le montre RFI.


Aujourd'hui, la vie des Afghans, épuisés par la guerre et la corruption, est dominée par les divisions tribales (et les affrontements entre les seigneurs de guerre en quête d'influence), ethniques (Pachtounes et les autres), religieuses (sunnites et chiites). Le pouvoir central est faible et miné par les mésententes politiques de ses représentants. 

A cette situation, s'ajoute une guerre souterraine menée entre l'Afghanistan et le Pakistan. Lequel cherche à casser les volontés pachtounes pakistanaises de créer une zone indépendante étendue au nord-ouest et aux zones tribales de l’Afghanistan.
 
Egalement facteur de déstabilisation de la région, la production et le trafic de drogue, principales sources de financement des groupes terroristes. En 2011, selon les chiffres de l'ONU, la production d'opium en Afghanistan a dépassé 60%, et la superficie totale des cultures de pavot à opium a augmenté de 7%.
 
Un pays «quasi-imprenable»
En 2011, Maxime Pinard, chercheur à l’IRIS, expliquait dans le Nouvel Observateur: «Il est clair que la situation est pire qu'au début du conflit. Les rares progrès obtenus (droit des femmes, droit de vote, abolition de certains interdits formulés par les talibans...) risquent fort d'être remis en cause une fois les troupes occidentales parties.»
 
Evoquant la décennie d'occupation des troupes occidentales, il rappelle que «l'analogie avec le retrait de l'URSS en 1979 n'est pas totale et parfaite, mais elle rappelle que l'Afghanistan est un pays quasi-imprenable, si l'on se base sur des stratégies non-adaptées à la spécificité du pays».
 
L’attaque du 25 juin 2013, qui a visé des centres du pouvoir afghan et le bâtiment américain de la CIA à Kaboul, est un nouvel exemple de la fragilité du processus de paix dans un Afghanistan livré au chaos. Alors que l'élection présidentielle est prévue en avril 2014, les talibans disent avoir confiance dans l’avenir et dans le rapport de force qui prévaudra ensuite.

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