Afghanistan : l'avenir incertain de l'armée après le départ de la coalition
Ils sont 12.000 hommes au total. Sur une colline, une dizaine de soldats encore maladroits simulent l’attaque d’une maison. Sebratula a 24 ans. Il a rejoint l’armée il y a trois mois, après un attentat des talibans. "J’ai vu mes amis du village, qui étaient dans l'armée nationale, qui ont été tués, j’ai vu les attaques suicides, les vols et le racket, je les ai vus enlever des petits enfants, alors je suis prêt à défendre mon pays jusqu'à mon dernier souffle ".
Ces jeunes patriotes, motivés, prêts à donner leur vie pour 300 dollars par mois, reflètent totalement l’image que l’armée afghane veut donner. Elle compte aujourd’hui 350.000 hommes, alors qu’elle était quasi inexistante en 2001. Et pour le général Aminullah Patiani, le commandant de la base, c’est grâce au travail de l’OTAN. "Les bâtiments que vous voyez n’existaient pas il y a 10 ou 12 ans. Plus de 100 millions de dollars ont été dépensés ici. L’entrainement qu’on dispense, c’est celui de la communauté internationale, des Américains, des amis français, des Anglais et des autres pays. Ils ont été là pour la formation, ils nous ont beaucoup aidés ".
Une réalité beaucoup plus sombre
Mais, derrière cette image de réussite, la réalité est beaucoup plus sombre. 4.600 soldats afghans sont morts cette année. Il y aurait entre 30.000 et 35.000 déserteurs. Et les soldats manquent de tout. L’un des seuls à le dire ouvertement, c’est le colonel Baba Gul, il s’exprime en tant que citoyen afghan. Pour lui, même si l'Otan laisse ici quelques milliers d’instructeurs en 2015, les occidentaux n’ont pas rempli leur mission. "Ce n'est pas suffisant et pas complet, ils n'ont pas fait ce qu’il faut, on n'a pas une armée bien équipée et bien formée. Par exemple, il faut la force aérienne, on n'a pas assez d’armement, même les munitions, ce n'est pas suffisant. Je suis pessimiste, l’année 2015, ce sera très sombre " explique le colonel Baba Gul.
Autre sujet tabou : celui des talibans entrés clandestinement dans l’armée. "Aujourd’hui, il y a des talibans infiltrés dans l’armée.. On ne peut pas cacher la vérité, il y a une infiltration des talibans au sein de l’armée, c’est clair. C’est la guerre entre les Afghans ".
Une guerre économique
Cette guerre est aussi économique. Un exemple : la route de Bamian, au sud de Kaboul. 130 kilomètres de goudron. Un projet financé par l’Italie avec plusieurs centaines de millions d’euros. Et construit notamment par les Chinois. Il n’a jamais abouti. Au ministère des Transports, un peu gêné, Ali Najafi, l’ingénieur, le reconnaît : une grande partie de l’argent a été versée aux combattants islamistes. "Au début tout se passait bien niveau sécurité. Mais ça s'est très vite dégradé. Les talibans n'ont pas arrêté de nous attaquer. Ils ont brûlé du matériel et un Chinois a été tué. On était vraiment découragé. Alors on a embauché des gens de la région, pour nous aider et négocier l’accord des talibans. Et du coup, une partie de l'argent de la compagnie est partie dans les poches des talibans ".
"Bien sûr, il y a de la corruption, une partie de l'argent va dans la poche des talibans"
Ce racket est aujourd’hui systématique, tout comme la corruption. C’est ce que dit Hadji Ahmad Zia, businessman. Il emploie 300 personnes, il a été enlevé cet automne par les talibans et il a dû payer une rançon. "Bien sûr il y a de la corruption ; une partie de l'argent va dans la poche des talibans. A 40 kilomètres d’ici j’ai un verger avec des pommiers, eh bien ils prélèvent 20%. Et ils prennent leur part sur tous les produits, même l’opium. Il y a une part pour eux et il y a une part qui va au gouvernement ".
L’opium, ici, c’est toujours le nerf de la guerre. L'Afghanistan reste le premier producteur mondial d’héroïne. Selon plusieurs experts, pour revenir à une économie normale, le pays aurait besoin d’une aide financière pendant au moins 20 ans.
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