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Climat : pourquoi la sécheresse hivernale que traverse la France n'augure rien de bon pour l'été

Les nappes phréatiques sont au plus bas, après la sécheresse exceptionnelle de l'été 2022. Or l'Hexagone entame sa quatrième semaine sans pluie, et les réserves souterraines en eau ne se sont toujours pas reconstituées.
Article rédigé par Marine Cardot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
Le manque de précipitations cet hiver n'a pas permis de reconstituer le niveau du lac de la Gimone à Saint-Blancard (Gers), dont le niveau d'eau est toujours très bas, le 9 février 2023, après la sécheresse de 2022. (SEBASTIEN LAPEYRERE / HANS LUCAS / AFP)

Les jours se succèdent sans une goutte de pluie ou presque. La France hexagonale a battu un nouveau record climatique, lundi 13 février : celui du nombre de jours sans pluie en hiver. Depuis 23 jours, le cumul des précipitations quotidiennes à l'échelle du pays était inférieur à un millimètre, selon Météo France. Le précédent record hivernal de 1989, avec 22 jours sans pluie, est dépassé.

Après la sécheresse de l'été passé et une année 2022 qui a été la plus chaude jamais enregistrée, le manque de pluie cet hiver est une mauvaise nouvelle. Nappes phréatiques au plus bas, anticyclone sur toute la France, risque d'une année El Niño… On vous explique pourquoi les signaux d'alerte se multiplient et font craindre une sécheresse intense pour l'été prochain.

Parce que les nappes phréatiques sont au plus bas (et qu'il reste peu de temps pour les remplir)

L'année 2022 a été terrible pour les sols. Une sécheresse exceptionnelle a sévi dans toute la France, avec des restrictions d'eau dans presque tous les départements et même des coupures dans certains villages. Juillet 2022 a même été le mois de juillet le plus sec depuis 1959, avait annoncé sur franceinfo le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. A la fin de l'été, les agriculteurs en particulier espéraient un hiver pluvieux, à même de recharger les nappes phréatiques, tout à fait à sec. 

Mais pour l'instant, les réserves en eau ne se reconstituent pas. A l'heure actuelle, "25% des nappes phréatiques françaises sont à un niveau extrêmement bas, 25% à un niveau bas, 25% légèrement sous la moyenne, et le dernier quart dans la moyenne et au-dessus", détaille le docteur en agroclimatologie Serge Zaka, interrogé par franceinfo. Ces niveaux sont inférieurs à ceux de 2022 à la même période, selon le spécialiste.

Or c'est en hiver que les nappes phréatiques doivent absolument se remplir. La période de recharge des nappes, de novembre à mars, est "cruciale", d'après Serge Zaka. "Cela conditionne ce qui va se passer toute l'année. Si elles ne se rechargent pas, le risque de sécheresse est accru." Pour le moment, le niveau des pluies ne permet pas de compenser la sécheresse de 2022, selon l'expert.

"C'est une bombe à retardement : dès que les faibles quantités d'eau dans le sol seront utilisées par les végétaux, on devra puiser dans les nappes pour arroser les cultures, et on aura les mêmes conséquences que l'an dernier."

Serge Zaka, docteur en agroclimatologie

à franceinfo

La situation est d'autant plus préoccupante que la période de recharge des nappes phréatiques s'arrête bientôt. "A partir de début avril et du bourgeonnement, la majeure partie de l'eau sera directement absorbée par les plantes, et ne descendra plus dans les nappes phréatiques", explique Serge Zaka. Si ces réserves naturelles sont trop basses au début du printemps, les conséquences pourraient devenir dramatiques. Il reste donc un mois et demi pour les remplir.

Parce que l'Hexagone entame sa quatrième semaine sans pluie (et que ça devrait continuer)

La pluie a brutalement arrêté de tomber le 21 janvier sur la France métropolitaine. Et depuis, il a très, très peu plu. Le pays entame sa quatrième semaine sans précipitations ou presque. "L'indice d'humidité des sols est largement plus bas que ce qu'on doit observer normalement, se désole Serge Zaka. Et le record de 23 jours sans pluie va être prolongé, car il ne va pas pleuvoir dans les prochains jours."

La faute, selon Météo France, a un anticyclone qui stagne sur l'Europe de l'Ouest depuis plus de trois semaines. Outre l'absence de pluie, les températures, dans l'après-midi, sont déjà presque printanières. "Les températures maximales (...) sont proches des valeurs moyennes pour un mois de mars, voire un mois d'avril", remarque l'institut météo. Par ailleurs, il n'y a pas eu de vague de froid cet hiver, souligne Serge Zaka.

"C'est le même anticyclone qu'on avait eu en 2022, note l'expert en agroclimatologie, et le beau temps va perdurer au moins jusqu'à la fin du mois de février." Les prochains jours s'annoncent encore très secs. Météo France prévoit malgré tout un peu de pluie au nord de la Loire dimanche, "mais en quantité misérable".

"Bien sûr, s'il pleut beaucoup au printemps et en été, on n'aura pas de problème. Mais dans le cas contraire, on sera obligé de puiser dans les nappes pour irriguer, et l'eau potable sera très vite limitée, peut-être dès le milieu du printemps."

Serge Zaka, docteur en agroclimatologie

à franceinfo

A plus long terme, les prévisions saisonnières de Météo France ne donnent pas de tendance claire pour les trois prochains mois. En effet, selon l'institut, la France a autant de chances de voir un printemps plus sec, plus humide ou conforme aux normales de saison.

Parce que les météorologues craignent une hausse des températures avec le retour d'El Niño

Les scientifiques redoutent les conséquences de la fin de La Niña et du retour de son pendant : El Niño. Ces phénomènes climatiques, qui trouvent leur origine au-dessus de l'océan Pacifique, influencent le cycle des précipitations et le climat de nombreuses régions du monde. Y compris en Europe. Si La Nina provoque un refroidissement, El Niño, lui, entraîne un réchauffement, expose Météo France. "Statistiquement, ça veut dire qu'on a plus de chances d'avoir une année plus chaude sur l'ensemble de l'année, pas juste l'été", résume Serge Zaka.

"Pour l'année [2023], notre modèle climatique indique la fin de trois années consécutives avec La Niña, et un retour à des conditions relativement plus chaudes dans certaines parties du Pacifique tropical. Ce changement devrait conduire à ce que la température mondiale en 2023 soit plus chaude qu'en 2022", confirmait en décembre dernier le Met Office, l'institut météo britannique.

Ce réchauffement des températures en 2023 fait donc craindre une aggravation de la sécheresse. En effet, les hautes températures "favorisent l'évapotranspiration", c'est-à-dire l'évaporation au niveau du sol et par la transpiration des plantes, explique Serge Zaka, "donc on a une perte d'eau plus importante, surtout sur les premiers 40 centimètres du sol". Tous ces facteurs sont autant de signaux d'alarme, mais le spécialiste de l'agroclimatologie tient à rappeler que "le tableau n'est pas catastrophique". "On est sur un départ qui n'est pas bon du tout, mais une sécheresse intense cet été est conditionnée par ce qui se passera au printemps", conclut-il.

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