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Qualité de l'air dans les stations de métro : "Quand on se mouche, le mouchoir est noir !"

La pollution est bien plus importante dans les couloirs du métro et du RER qu'à l'extérieur. Une situation qui inquiète depuis longtemps les conducteurs de la RATP.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des salariés assurent le travail de maintenance à l'intérieur de station Laumière à Paris. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Vous trouvez l'air parisien pollué, quand vous marchez dans la rue ? Dites-vous que ce n'est rien comparé à ce que l'on trouve dans les stations de métro et de RER dans la capitale. Aux heures de pointe, le compteur mis en place dans le métro parisien par la RATP peut indiquer un taux de particules de 300 microgrammes par m3. Un chiffre important surtout quand on sait que le seuil d'alerte est déclenché, à l'extérieur, à partir d'une concentration de 80 microgrammes par m3. Mais la réglementation n'est pas la même dans le métro.

La raison de cette surpollution souterraine ? "Les concentrations en particules fines sont bien plus importantes en raison, à la fois de l'espace confiné mais aussi de l'activité des rames elle-même : le roulage et le freinage donnent lieu à des frottements intenses, d'autant plus que le train est chargé en voyageurs", détaille Le MondeAlors que se tiennent, les 22 et 23 septembre, les Assises nationales de la qualité de l'air, comment est vécue cette situation par les agents de la RATP ? 

Des filtres dans les narines

"L'impact de la pollution ? Il se voit tout de suite, estime Jean*, conducteur de rames de métro à la RATP depuis trente ans, contacté par franceinfo. Vous vous mouchez plusieurs fois au cours du service, votre mouchoir est noir. Toute la pollution rentre de l'extérieur et s'amasse, des dégagements de fumée à la poussière extérieure et, évidemment, l'air pollué !" 

Pour essayer de diminuer les risques, il explique avoir recouru, "comme d'autres collègues", "à des filtres dans les narines qu'on achète en pharmacie". Mais il n'a pas tenu longtemps : "Je n'ai pas réussi à m'habituer à ces petits paniers qu'on se met dans le nez et qui sont tenus par un arceau", souffle-t-il.

Le même mot revient chez les conducteurs interrogés par franceinfo : "Inquiétude". Sur le niveau de poussière constaté partout.

Quand on voit les casiers des vestiaires, c'est tout le temps plein de poussière !

Un conducteur RATP

à franceinfo

Jean surenchérit : "On nettoie régulièrement nos placards pour se changer. Et en quelques jours, c'est recouvert d'une couche de saleté". Et il s'étonne de la différence avec des métros étrangers : "Je voyage un peu et je constate qu'au Japon, par exemple, tout est nickel. Les conducteurs arrivent même à travailler avec des gants blancs. Ici, ce n'est même pas la peine d'essayer. Chez nous, tout est poussiéreux, les quais, les escaliers, les rames, les casiers..."

L'anxiété est nourrie par le manque d'instruments de mesures pertinents à leurs yeux. "On n'a pas de mesures en continu sur ce qu'on peut absorber comme particules fines pendant un service qui dure sept heures trente, explique Quentin*, un autre conducteur. Il n'y a rien qui correspondrait à un seuil acceptable ou non sur cette durée." 

Les résultats de la qualité de l'air mesurée par la RATP dans trois stations test (Châtelet, Auber, Franklin-Roosevelt) ne remplacent pas, à leurs yeux, une mesure "aérodynamique" de l'air aspiré par les conducteurs. Même son de cloche du côté d'un chef de manœuvre (aiguilleur), qui travaille lui aussi en sous-sol, et souligne être confronté au même problème.  

"Le problème date d'il y a longtemps"

"J'avais interpellé la direction de la RATP là-dessus, il y a longtemps, se souvient Thierry Bonnet, secrétaire général adjoint de SUD-RATP. Le médecin m'avait répondu que la pollution atmosphérique descend dans le métro à cause de la gravité et que ça se déplace en sous-sol. Sauf à faire diminuer la pollution atmosphérique, il y a peu de solutions, même s'il y a aussi des productions de particules venant du matériel roulant en cas de freinage. Cela fait très longtemps que le problème est connu !"

Au point qu'"en 2008 a été créé l'Observatoire des conditions d'exercice de métier à la RATP, qui anticipait la pénibilité, souligne-t-il. Et on avait déjà remarqué, parmi les facteurs de pénibilité, l'exposition possible à la pollution atmosphérique." 

Reste une question : les agents, et plus spécifiquement les conducteurs de la RATP, ont-ils un risque de mortalité aggravée spécifiquement à cause de la pollution ? Difficile à savoir. L'Institut national de veille sanitaire (Invs) dispose d'un instrument précieux : l'analyse de la mortalité des agents et ex-agents de la RATP sur la période 1980-1999. Avec beaucoup de précautions, cette étude concluait qu'en dehors des "cardiopathies ischémiques" (maladies coronariennes), "aucune autre pathologie ou cause de décès n'apparaît en excès dans la cohorte" étudiée, par rapport au reste de la population. Une nuance toutefois, l'étude porte sur l'ensemble des salariés de la RATP, et non spécifiquement ceux qui travaillent en sous-sol.

Contactée par franceinfo, la direction de la RATP affirme, de son côté, qu'elle va généraliser, d'ici à quinze ans, les nouveaux trains de freinage électrique, moins générateur de particules fines. Et fait valoir qu'en changeant les trains de la ligne 1 du métro en 2011, elle a également réussi à diminuer de 60% le taux de particules fines à la station Franklin-Roosevelt. 

*Les prénoms ont été changés

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