Ouragan Irma : La France n'a pas "anticipé" les éventuels déplacements de population liés au changement climatique
Après le passage de l'ouragan Irma à Saint-Martin, le chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, François Gemenne, estime que la France n'a pas "anticipé" le phénomène.
A Saint-Martin, les évacuations se poursuivent après le passage de l'ouragan Irma. Des renforts militaires arrivent pour sécuriser l'île et aider les sinistrés. Mais certains habitants pourraient quitter l'île définitivement avec le peu de biens qu'il leur reste. Pour François Gemenne, chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, on est sans doute face à un exil "lié à une catastrophe, elle-même sans doute liée au changement climatique".
"Le nombre de déplacés climatiques ne cesse d'augmenter" rappelle François @Gemenne pic.twitter.com/wSUKMicN4L
— franceinfo (@franceinfo) 11 septembre 2017
Invité de franceinfo lundi 11 septembre, le spécialiste des déplacements de populations estime que la France n'a pas "anticipé" le phénomène qui aura des conséquences sociales "tout à fait désastreuses."
franceinfo : Est-on face à un exil lié au changement climatique ?
François Gemenne : On est face à un exil lié à une catastrophe, elle-même sans doute liée au changement climatique. C'est une des premières fois que la France connaît ce type de mouvements migratoires qui sont légion de par le monde. Chaque année, les catastrophes naturelles déplacent 35 millions de personnes dans le monde et 86% de ces catastrophes sont liées aux conditions climatiques.
La France a-t-elle anticipé cette donnée ?
Je n'ai pas l'impression que c'est quelque chose que la France avait anticipée. On se retrouve un peu face à la même situation que lors de l'ouragan Katrina il y a 12 ans. Une partie des gens, sans doute, ne reviendra jamais parce que reconstruire est trop difficile, parce qu'ils ont tout perdu.
A la Nouvelle-Orléans, après le passage de Katrina, un tiers des habitants n'était jamais revenu et était déplacé de façon permanente.
François Gemenne, chercheur en science politique à l’université de Liège et à l’université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelinesà franceinfo
Aujourd'hui, il y a des gens qui se retrouvent piégés. En Floride, quasiment six millions de personnes, un tiers de la population de l'Etat a été évacué. Je n'ai pas souvenir d'une évacuation d'une telle ampleur. On verra après combien de temps les gens pourront revenir. On verra ceux qui sont restés coincés, qui n'ont pas pu évacuer, faute de moyen ou d'information. On verra comment la reconstruction pourra s'organiser.
Quelles sont les conséquences sociales de ces phénomènes ?
En terme social, il est certain que cela a des conséquences tout à fait désastreuses, puisque très souvent ce sont les populations les plus vulnérables, les moins aisées, les moins bien assurées, qui sont les plus touchées. Ce sont les plus vulnérables qui ne disposent pas de telles assurances et qui ne pourront pas revenir et reconstruire. Cela a des conséquences sociales absolument catastrophiques. C'était le cas après l'ouragan Katrina qui était une véritable catastrophe sociale et qui a considérablement transformé la démographie de la Nouvelle-Orléans où les riches sont revenus bien avant les pauvres. On verra si les leçons ont été retenues pour l'ouragan Irma. On verra après combien de temps l'eau va se retirer et ce qu'on décidera de reconstruire ou d'abandonner. C'est aussi une catastrophe sociale.
Les réfugiés climatiques sont-ils suffisamment pris en compte à l'échelle mondiale ?
A l'échelle mondiale, c'est une catégorie de migrants qu'on a très longtemps oubliée en considérant qu'il y avait deux catégories de migrants, avec d'un côté les réfugiés politiques, et de l'autre les migrants économiques. Il est certain que le nombre considérable de personnes déplacées par des dégradations de l'environnement remet en cause ces catégories migratoires. C'est un nombre qui ne cesse d'augmenter. On a l'impression de le voir comme une sorte de menace lointaine et distante. C'est une réalité présente qui chaque année déplace 25 millions de personnes au bas mot. Vraisemblablement l'année 2017 va battre des records.
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