Des steppes aux bidonvilles : les nomades de Mongolie forcés à l’exode rural à cause du réchauffement climatique
Le réchauffement climatique a un des conséquences dramatiques sur l'économie de la Mongolie : la vie des éleveurs, qui représentent un tiers de la population, est complètement bouleversée. Franceinfo s'est rendue dans les bidonvilles de Oulan-Bator, la capitale.
En Mongolie, le nouveau président va devoir faire face aux enjeux climatiques qui ont des conséquences très concrètes sur l’économie du pays. Cet ancien lutteur, élu il y a quelques jours, prend les rênes d’une Mongolie à la croissance nulle. Conséquence directe du réchauffement climatique, la vie des éleveurs nomades, soit un tiers des habitants, est complètement bouleversée. Le gouvernement, qui rencontre des difficultés à gérer la situation, a fait appel à l’ONU et aux ONG internationales.
Uuganbayar est un nomade heureux au milieu de ses chèvres et de ses brebis. Heureux et soulagé. Son troupeau a survécu aux deux derniers dzuds, des hivers très rigoureux qui viennent après un été caniculaire. Les conséquences sur le bétail sont dramatiques. "L'été, il n’y a pratiquement pas d’herbe, et l’hiver, la couche de neige est trop importante. Alors les animaux meurent de faiblesse et de faim", explique le nomade qui a dû emmener ses bêtes très au sud pour trouver de quoi les nourrir.
Cet hiver, pour trouver de l’herbe, avec ma famille et notre troupeau, on a dû parcourir 200 km vers le sud. C’était la première fois qu’on allait si loin, ça nous a pris presque sept jours.
Uuganbayar, nomade de Mongolieà franceinfo
Autrefois rarissime, le dzud est survenu ces deux dernières années. Il est un effet du réchauffement climatique. Deux années de suite, les conséquences sont catastrophiques, de nombreux troupeaux ont été décimés, malgré les dons de bétail et de fourrage de l’ONU. Si Uuganbayar a réussi à sauver son troupeau, beaucoup d’autres nomades n’ont pas eu cette chance.
Après plusieurs centaines de kilomètres de route jonchée de carcasses, nous arrivons à Oulan-Bator, "la ville" comme on la surnomme ici. L’exode rural se voit à l’œil nu. Chaque année, 20 000 nouveaux arrivants y atterrissent. La capitale accueille désormais près de la moitié de la population du pays, pratiquement 1,5 million d’habitants.
Un exode rural forcé
Les derniers arrivés se massent dans des bidonvilles à la lisière d’Oulan Bator. Enkhtseteg travaille dans ce quartier de la ville. Il raconte qu'il y a encore 10 ans, il n'y avait rien, pas une cabane, pas une yourte. Aujourd’hui, il y a 17 000 habitants."Maintenant, les nouveaux s’installent sur la colline, là, à droite. Beaucoup sont d’anciens nomades. Ils arrivent en espérant trouver un travail", explique-t-il.
Mon ancienne vie me manque. On espérait qu’en venant en ville, notre vie serait meilleure. Mais en fait, c’est pire.
Bekhbayar, nomade forcé à l'exode ruralà franceinfo
Enkhtseteg nous emmène dans la yourte de Bekhbayar et de sa famille. Le dzud a tué ses 400 brebis, et du même coup sa vie dans les steppes. Sans ressource, il a dû se résoudre à quitter sa province pour les bidonvilles d’Oulan-Bator. "Ici je n’ai pas de travail. Je n’ai pas de diplôme, et puis il faut connaître du monde pour trouver un emploi. La vie est dure. On n’a pas d’électricité, il faut aller chercher l’eau à 500 mètres", témoigne-t-il.
Le gouvernement dépassé
Autour, peu d’infrastructures, tout juste une école et un centre de santé. Tserendolgor en est la directrice. Elle raconte que la plupart des enfants qu'elle reçoit souffre de malnutrition, "beaucoup sont anémiés et rachitiques". Ici, on soigne les jeunes nomades et on apprend à leurs mères comment bien les nourrir. Mais le centre manque de moyens. "Le gouvernement nous subventionne à hauteur de 5 euros par an et par habitant. Il ne tient pas compte des dernières statistiques, des derniers arrivants. Il compte 15 000 habitants, alors qu’il y en a plus de 17 000", explique Tserendolgor.
C’est le cas également à l’école maternelle. Elle accueille 600 enfants. C'est la plus grande du pays. Chaque année, le nombre d’enfants augmente de 5%. On n’a plus assez de places", soupire son directeur, Tuul Usukhbayar. L'établissement, qui a une capacité de 340 élèves, en accueille aujourd'hui presque le double. Alors, "on a installé dans la cour plusieurs yourtes, qui font office de salle de classe", raconte Tuul Usukhbayar.
Cet afflux constant de nouveaux habitants entraîne dans le quartier des problèmes de chômage, d’alcoolisme, d’abus sur les enfants et de maladies mentales.
Tsolmon Bayankhoshuu, responsable locale de l'ONG Vision du Mondeà franceinfo
Les ONG internationales ont fini par prendre le relais du gouvernement. Comme pour le centre de santé, Vision du Monde fournit des équipements à l’école. Elle a ainsi acheté une partie des classes-yourtes et mène des programmes de protection de l’enfance et d’éducation aux droits des enfants. Mais l'ONG se fait peu d'illusions. "On a encore beaucoup de travail en perspective, car je pense qu’à l’avenir, l’exode rural va se poursuivre", redoute Tsolman Bayankhoshuu; sa responsable locale.
L'exode des nomades vers les villes risque en effet de durer encore longtemps. En ce moment, dans les steppes la sécheresse sévit, signe, disent les Mongols, d’un prochain hiver rigoureux, à nouveau meurtrier.
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