Climat : pourquoi de nombreux arbres perdent déjà leurs feuilles en plein été
Il n'y a pas que les humains qui souffrent de la sécheresse et de la chaleur. A cause du manque d'eau, certaines feuilles ont déjà commencé à tomber des arbres. Franceinfo vous explique ce phénomène de plus en plus précoce chaque année.
Non, aucun décret n'est passé dans la nuit pour modifier l'ordre des saisons. Mais vous avez certainement remarqué ce petit air d'automne en plein été sur les trottoirs et les bas-côtés : les feuilles ont déjà commencé à tomber de nombreux arbres en ce mois de juillet. Franceinfo vous explique ce phénomène lié aux températures, et qui arrive de plus en plus tôt année après année, accentué par le dérèglement climatique.
Une réaction d'autodéfense
Les arbres sont comme les êtres humains : quand il fait chaud, ils transpirent. Concrètement, "leur problème est le même que le nôtre", compare dans La Croix Aurélie Gousset, enseignante-chercheuse en biologie végétale à l'université Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand. Ils doivent eux aussi trouver le moyen de se rafraîchir. "Cette transpiration est un phénomène actif de régulation de la température", explique à France Inter Nathalie Breda, directrice de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
La perte du feuillage est une réaction naturelle, un mécanisme d'autodéfense de la part des arbres qui cherchent à se protéger des fortes températures. A l'image de nos pores, les arbres disposent de petits orifices situés sous les feuilles pour réguler la quantité d'eau et permettre de maintenir l'arbre à une température inférieure à celle de l'air. En fermant ses stomates (comme on les appelle) pour éviter l'évacuation d'eau, la feuille se ferme aussi au CO2 : elle finit par dépérir, sécher et tomber.
Un phénomène qui s'accentue avec les fortes chaleurs et la sécheresse
Si les feuilles tombent à l'automne, c'est à cause de la réduction de la durée des journées et de la baisse de la luminosité. Elles ne peuvent plus assurer leur fonction de capteur solaire et meurent. Mais en été, le phénomène s'accentue avec les fortes chaleurs et la sécheresse. L'organisme de l'arbre ne va plus pouvoir se refroidir avec l'eau, et le feuillage va alors s'échauffer et s'assécher. "Quand l'arbre sent qu'il y a moins d'eau dans le sol, il limite l'ouverture des stomates pour éliminer moins d'eau et préserver ses organes, continue Nathalie Breda sur le site de France Inter. Après la vague de chaleur de 2018, tous les épicéas dans l'Est ont été tués par des scolytes [des insectes], parce qu'ils étaient affaiblis."
Le végétal sacrifie en quelque sorte son feuillage pour éviter de se dessécher. Et cela inquiète Nathalie Breda : "Pendant trois ans de suite, de 2018 à 2020, on a eu le même phénomène, c'était du jamais-vu. Les arbres n'ont pas le temps de récupérer d'une année sur l'autre, et on voit de plus en plus d'espèces touchées."
Concrètement, canicule après canicule, les bois sont de moins en moins résistants et finissent par mourir. Le phénomène touche "particulièrement les bouleaux et les tilleuls", note Hervé Le Bouler, conseiller forestier, dans les colonnes d'Ouest-France.
Une chute de plus en plus précoce
Un éboueur parisien a publié il y a quelques jours une vidéo sur Twitter où l'on voit un agent d'entretien, pelle à la main, en train de ramasser des feuilles sur la chaussée. Nous sommes le 19 juillet. "Les feuilles ont commencé. Balayeuse qui est déjà sur une autre mission", écrit Ludovic Franceschet en commentaire. "L'an dernier, cela se produisait déjà à la fin du mois de juillet. Cette année, ça a commencé dès la fin juin ! constatera-t-il après coup dans La Croix. (...) De plus en plus, de plus en plus tôt."
Les feuilles ont commencé. Balayeuse qui est déjà sur une autre mission . . . #éboueurs #balais #paris pic.twitter.com/sMq3tVclpS
— Ludovic ♻️ (@ludovicf_off) July 19, 2022
Aurélie Gousset, la spécialiste en biologie végétale, fait le même constat alarmant : le phénomène s'accélère depuis quelques années. La chercheuse confirme dans La Croix que "ces problématiques touchent particulièrement les zones urbaines". "En bord de route, leur accès à l'eau est limité, et les trous de plantation sont souvent trop étroits pour permettre leur développement racinaire. L'artificialisation des sols, elle, freine l'infiltration de l'eau en cas de précipitations", peut-on lire aussi.
Pour préserver les arbres en ville, pas d'autre choix que de repenser l'espace urbain : "Il faudrait revoir la taille du trou de plantation de l'arbre, et éloigner un peu le macadam de ses racines, pour permettre aux sols autour de se réhydrater quand il pleut", suggère par exemple Nathalie Breda auprès de France Inter.
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