Climat : "Les montagnes se réchauffent dans l'Himalaya" et "c'est une catastrophe d'enjeu global", indique une glaciologue après la rupture d'un glacier
Un glacier de l’Himalaya s'est brisé dimanche en Inde. "Ce qui est sûr, c'est que dans l'Himalaya, les montagnes se réchauffent" explique la glaciologue Heidi Sevestre.
En Inde, dans l'Himalaya, au moins 26 personnes sont mortes dimanche 7 février et 170 sont portées disparues parce qu'un glacier a cédé et englouti notamment le chantier d'une centrale hydroélectrique. "C'est une catastrophe d'enjeu global qu'on est en train de voir se dérouler en Inde", a expliqué sur franceinfo, Heidi Sevestre, glaciologue et directrice de communication scientifique à l'ONG International Cryosphere Climate Initiative (ICCI). Selon la climatologue, "il faut tout faire pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Parce que si l'Arctique, si l'Antarctique continue à perdre de la glace, les conséquences seront ressenties jusqu'à chez nous en France".
franceinfo : Ce qui s'est passé, est-ce la preuve que le réchauffement climatique provoque des catastrophes ?
Heidi Sevestre : Oui, tout ça, c'est une catastrophe d'enjeu global qu'on est en train de voir se dérouler en Inde. Et c'est vrai qu'on voit ici le changement climatique qui s'inscrit directement dans les paysages. Alors, il est encore trop tôt pour savoir précisément ce qui s'est passé. Mais les premières analyses semblent révéler que c'est véritablement un enchaînement d'événements qui a engendré cette catastrophe et que le point de départ pourrait être un glissement de terrain et peut-être un mélange de roches et de glaces qui se serait écrasé dans la vallée en contrebas.
Ça veut dire que c'est ce glissement de terrain. Il est bien dû à la chaleur, au réchauffement climatique ?
Ça fait plusieurs mois, en fait, qu'on voit que ce glissement est en train de s'enclencher grâce à des images satellites qu'on a pu analyser extrêmement rapidement. On voit qu'une fracture a commencé à s'ouvrir il y a plusieurs mois, alors comment expliquer cette fracture ? Elle peut être liée à tout un tas de raisons. Ce qui est sûr, c'est que dans l'Himalaya, les montagnes se réchauffent, que le permafrost de haute altitude qui est ce ciment qui maintient ces montagnes ensemble, est en train de se réchauffer, de dégeler de plus en plus en profondeur. Et je suis sûr que dans quelques jours, dans quelques semaines, nos analyses révéleront que c'est lié de près ou de loin au dégel du permafrost dans l'Himalaya. Le permafrost, on n'en trouve pas que dans l'Himalaya et pas que dans nos montagnes alpines. On en trouve aussi, notamment dans l'Arctique. On en trouve en Sibérie, sur le plateau tibétain. Et lorsque ce permafrost-là, qui est chargé de matière organique dégèle, non seulement il va déstabiliser les sols, mais aussi relâcher d'immenses quantités de gaz à effet de serre qui vont faire qu'une chose, c'est amplifier encore plus le réchauffement global.
Il y a deux cents glaciers à risque en Inde. Nous, le risque est le même en France ?
Alors, le risque est aussi très fort en France. Quand on pense qu'en France dans les Alpes européennes, où il y a pratiquement 3 000 glaciers, dans l'Himalaya, il y en a 32 000. Les deux massifs montagneux se réchauffent pratiquement à la même vitesse. Il faut savoir que ce qui se passe très loin de chez nous, dans l'Himalaya, est aussi en train de se dérouler dans les Alpes. On voit des glaciers qui sont en train de perdre énormément de glace chaque année. On voit le permafrost qui dégèle, même chez nous, dans les Alpes. Et aussi par endroits. On voit que la fonte des glaces peut créer des poches d'eau qui, parfois, se vidangent de façon catastrophique. Et ça, ça arrive aussi chez nous, dans les Alpes.
Est-ce que c'est encore réversible ce processus de réchauffement ?
Alors, c'est compliqué. Très clairement, la situation est catastrophique, que ce soit chez nous ou dans l'Himalaya, on est véritablement au pied du mur. Et ce qu'il est important de comprendre avec le changement climatique et la réaction du permafrost et des glaciers, c'est que ce n'est pas graduel. Si on passe certains seuils de température, généralement, ces seuils sont autour de 1,5 degré à 2 degrés, si on franchit ce seuil-là, malheureusement, on risque d'enclencher des phénomènes aux conséquences irréversibles. C'est pour ça qu'aujourd'hui, tous les scientifiques tirent la sonnette d'alarme et vraiment essaient de motiver les gouvernements à tout faire pour suivre l'accord de Paris et rester à tout prix sous les 1,5 degré et on s'en rapproche très vite.
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