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"C'est la séance de sauna assurée" : ils racontent l'enfer de la canicule sous les toits

Article rédigé par Aliénor Vinçotte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La vue sur Paris depuis l'hôtel Montalembert, dans le 7e arrondissement. (AFP)

En période de forte chaleur, les appartements situés sous les toits peuvent vite se transformer en fournaise. Alors leurs occupants cherchent des astuces pour obtenir un peu de fraîcheur. Franceinfo a recueilli leurs témoignages.

Coincée dans son studio de 9 m² au 7e et dernier étage d'un immeuble parisien, Enora suffoque alors que, dehors, le mercure grimpe toujours plus. "J'ai acheté un ventilateur mais, malgré cela, l'air reste très chaud, d'autant plus que ma fenêtre est toute petite et que je n'ai pas de volets", explique cette jeune femme de 21 ans.

Quatre départements ont été placés en vigilance rouge à la canicule – une première –, jeudi 27 juin, et 76 départements en vigilance orange. La vague de chaleur qui touche une très grande partie de la France affecte particulièrement ceux qui habitent sous les toits. Même à la nuit tombée, ils continuent de subir des températures étouffantes.

"Effet radiateur" 

Que ce soit à Paris, Clermont-Ferrand, Villeurbanne, Saint-Nazaire ou près de Gap, tous ceux qui habitent sous les toits peuvent en témoigner : sans climatisation ni espace au-dessus d'eux, la chaleur est difficilement supportable. Qu'ils vivent dans un appartement de 90 m² ou un studio de 9 m². "La chaleur reste dans les combles, et les combles, c'est nous !" souligne Arnaud de Amorin, qui habite au 4e et dernier étage d'un immeuble de Clermont-Ferrand, dont le toit est plat et en aluminium. "Dès qu'il fait 23 °C dehors, c'est déjà trop, alors 40 °C !" commente de son côté Jeanne*, artiste-peintre de 73 ans qui vit dans le même appartement situé boulevard Saint-Germain depuis cinquante-cinq ans.

Ceux qui travaillent à l'extérieur ont au moins quelques heures de répit pendant la semaine. Mais lorsqu'on travaille chez soi, c'est la "séance de sauna assurée", souligne Lilian Lloyd, auteur et metteur en scène de 46 ans, qui habite dans un studio de 20 m² au 7e et dernier étage, dans le 11e arrondissement de Paris. "On commence à l'aube à 26 °C au mieux, parfois 28, puis ça grimpe !" commente de son côté Sally Bataillard, qui travaille dans les ressources humaines et dont l'appartement de 40 m² se trouve à Villeurbanne, dans la métropole lyonnaise. La chaleur du jour combinée à celle produite par l'ordinateur transforme la pièce en fournaise : "Cela devient très vite assez étouffant", ajoute Lilian.

Même à 1 000 m d'altitude, on n'est guère épargné. Isabelle loge dans un ancien grenier à foin transformé en appartement près de Gap, dans les Hautes-Alpes. "Le toit restitue la chaleur accumulée le jour, on peut sentir l'effet radiateur en soirée en y approchant la main !" explique cette quinquagénaire.

Douches froides et linge mouillé

Pour fuir la canicule et son petit studio, Enora peut compter sur ses parents, qui vivent en Bretagne, région enviée pour la fraîcheur de son climat par tout l'Hexagone à chaque vague de chaleur. "On m'a proposé de travailler de chez moi vendredi car ils savent que j'habite sous les toits et qu'au niveau chaleur c'est difficile, développe-t-elle. Ils ont tous pitié de moi." En attendant d'échapper à "la chaleur étouffante de Paris", l'étudiante prend "régulièrement" des douches froides. De son côté, Jeanne peut compter sur un climatiseur acheté il y a quelques années : "J'essaie de le mettre le moins possible car cela consomme beaucoup et coûte très cher en électricité." Mais la sexagénaire prévoit de s'en servir tout de même un peu car, au vu des températures prévues dehors, il pourrait faire "45 °C" chez elle. "Si j'avais su, je serais partie cette semaine en Normandie car je déteste la chaleur !" déplore-t-elle. 

Malgré la présence d'un climatiseur, l'une des deux pièces de l'appartement de Sally reste "chaude". Alors la jeune femme de 33 ans a pris l'habitude de laver son linge et de l'étendre près d'elle. "Cela fait perdre 0,5 °C à la pièce pendant une heure", estime-t-elle. Le soir, pour s'endormir, elle pose sur elle un drap humide. Lilian Lloyd, en plus de dormir sur une serviette humidifiée, utilise des huiles essentielles. "Je mets un peu de lavande sur mes tempes, c'est une odeur apaisante et ça aide à l'endormissement", explique cet auteur de pièces de théâtre. En cas de fortes chaleurs, il a une solution de repli : filer en Essonne chez sa mère, qui possède une maison en pierres, "très froide en hiver et parfaite pour l'été"

A Clermont-Ferrand, la petite famille d'Arnaud dort parfois à même le sol pour trouver un peu de fraîcheur. Dans cette ville, la température avoisine en fin de semaine les 40 °C. "Malgré les ventilos branchés jour et nuit, aucune technique ne sait rendre ces moments plus faciles à vivre", relate ce père de cinq enfants. Le soir venu, la famille se déplace au parc, ouvert exceptionnellement jusqu'à 23 heures. "C'est un petit havre de paix au milieu de la ville, il y a une grande mare avec de l'humidité, cela fait du bien", décrit-il. De son côté, Loïck, aide-soignant de 25 ans à Saint-Nazaire qui travaille de nuit, a trouvé comme solution de prendre son tapis de sol pour dormir "ailleurs dans l'appartement". Son matelas se trouve sous les fenêtres de toit, ce qui l'empêche de dormir quand le soleil est au zénith. 

Trouver des solutions durables

La canicule bouscule parfois leurs plans. Hors de question pour Arnaud de Amorin de revivre l'épisode de juin 2017 où l'une de ses filles, alors âgée de 3 ans, a particulièrement souffert de la chaleur. "Ce jour-là, il faisait 37 °C à Clermont, elle a eu de la fièvre et des convulsions thermiques", se souvient-il. Lui et sa femme envisagent de faire partir plus tôt leurs cadettes chez leur grand-mère à la campagne, quitte à leur faire rater les derniers jours d'école. "La santé de nos enfants passe avant le programme scolaire", ajoute-t-il.

De son côté, c'est avec soulagement qu'Alexandre Landeau a appris le report du brevet des collèges pour son fils de 15 ans. "J'étais inquiet pour mon fils (…) car c'est déjà dur de réviser dans cette ambiance", dit-il. Cette famille, qui compte deux enfants, habite au 8e et dernier étage d'un immeuble avec vue sur la capitale. Au-dessus d'eux, le toit est plat : ni grenier, ni combles, ni toit pentu, rien que du béton. "Le toit emmagasine la chaleur des premiers jours, qui se diffuse ensuite comme avec un radiateur radiant", explique-t-il. 

Face à la répétition annoncée de ces épisodes caniculaires, certains tentent de trouver des solutions durables. Depuis l'installation de panneaux solaires sur le toit du logement d'Isabelle à Gap, elle a constaté une baisse de deux degrés du thermomètre. "Ils ont vraiment un effet de protection, ce sont eux qui absorbent le chaud et pas le toit lui-même", explique-t-elle. Par ailleurs, la quinquagénaire réfléchit avec un voisin à un système qui permettrait de créer une circulation d'air pour évacuer l'air chaud du toit, comme une petite cheminée aspirante. De quoi, peut-être, donner des idées à d'autres pour rendre l'air sous les toits plus respirable.

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