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Réseau électrique, transports : comment la canicule menace nos infrastructures

En période de fortes chaleurs, les corps sont mis à rude épreuve, et les machines aussi. Entre pannes d'électricité géantes et trains au ralenti, francetv info vous explique pourquoi la canicule fait souffrir les infrastructures.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La ville de Vannes (Morbihan) a de nouveau été touchée par une coupure d'électricité, mercredi 1er juillet 2015. Les équipes de Réseau et transport d'électricité sont à pied d'œuvre, comme ici sur un transformateur électrique. (  MAXPPP)

Une panne d'électricité géante a frappé l'ouest de la France, mardi 30 juin, en raison des fortes variations de température. La chaleur a également entraîné des retards de trains, tandis que 47 départements sont placés en vigilance orange "canicule".

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Mais pourquoi la chaleur cause-t-elle autant de dysfonctionnements sur les infrastructures ? Pour tenter d'y voir plus clair, francetv info a mis les mains dans le cambouis.

Réseau électrique : de l'eau, de l'huile, des courts-circuits

En cause, les combinés de mesure. En Bretagne, mardi, les incidents ont surtout concerné des combinés de mesure "EJ33", utilisés pour connaître l'intensité et la tension d'un poste électrique. Pour comprendre l'effet de la chaleur sur ces appareils, il faut soulever leur capot. Ils utilisent une huile minérale, contenue dans de la porcelaine, afin d'isoler la partie sous tension du support. Une membrane en polypropylène isolante complète le dispositif. Elle souffre pourtant d'un défaut majeur de conception, puisqu'elle devient poreuse avec le temps. C'est très embêtant, car l'eau et l'électricité ne font pas bon ménage.

L'été, de fortes chutes de température. Dans la chaleur de la journée, les papiers de polypropylène usés "transpirent" et relâchent de l'eau condensée dans l'huile. En début de soirée, quand la chaleur diminue, la température de l’huile baisse plus vite que celle des papiers. Et quand elle est tiède, l'huile retient moins bien l'eau, qui est du coup libérée. Petit à petit, au fil des ans, "il y a des risques de micro courts-circuits, qui peuvent entraîner la destruction de l'appareil", résume Patrick Bortoli, directeur de la maintenance RTE, contacté par francetv info. Plus la chute de température est rapide, plus l'effet est prononcé. C'est justement ce qui s'est passé en Bretagne, mardi, avec une amplitude de 20°C dans une région où l'hydrométrie est déjà importante, et avec elle la condensation.

Un matériel obsolète en cours de remplacement. "Il y a des explosions tous les ans à cette période, au début de l'été. Elles ont souvent lieu en fin de journée", confirme Francis Casanova, responsable CGT RTE du Rhône-Alpes. Des incidents signalés depuis longtemps par les syndicats, inquiets pour la sécurité du personnel. "Quand cela explose, la porcelaine peut être éjectée à plusieurs mètres." Sur cette photo, réalisée en 2013, des éclats de porcelaine sont, en effet, visibles, devant le combiné en feu.

Un combiné de mesure "EJ 33" RTE détruit à l'été 201, dans la région lyonnaise. ( DR )

Une campagne de renouvellement a été initiée, il y a trois ans. Selon RTE, il reste actuellement 4 000 combinés de mesure "EJ 33" en France, mais leur remplacement est organisé avec précaution, car les travaux entraînent la mise hors service du poste. Les syndicats réclament aussi des campagnes de maintenance préventive, pour remplacer les membranes et retraiter l'huile, en la délestant de son eau. Et il y a urgence. Selon les informations de francetv info, 40 de ces appareils de mesure ont explosé dans la région ouest cette semaine, entraînant de 500 à 600 MW de coupures cumulées.

Les modèles "TCT", plus récents, commencent eux aussi à exploser. Au poste de Rance (Ille-et-Vilaine), mardi, des morceaux de porcelaine ont été projetés à 35 m, selon un syndicat.

Voies ferrées : métal dilaté et ponctualité impactée

"La valeur d'alerte, pour nous, c'est une température de 35°C. Les équipes de maintenance sont alors sur le pied de guerre", résume Pascal Rosey, directeur de l'agence maintenance et travaux de la SNCF dans les Pays de la Loire. Au-delà, la chaleur a des effets directs sur les équipements.

Les rails. Avec 35°C dans l'air, "la température dépasse 45°C dans le rail, ce qui entraîne des risques de dilatation dans certaines zones. En effet, le métal chauffe assez vite." Des appareils de dilatation permettent de compenser ce phénomène, mais pas au-delà de cette limite. "L'écartement et l'allongement longitudinal peuvent créer une légère déformation. Celle-ci ne dépasse pas quelques millimètres, mais quand on roule à 160 ou 200 km/h, cela risque de créer un choc anormal, ressenti par le conducteur." Il faut alors renforcer la surveillance. Et surtout, corriger le tir, en diminuant la vitesse des trains, pour absorber le défaut d'écartement.

Les caténaires. "Pour assurer la bonne transmission du courant, il faut une caténaire tendue et rectiligne", explique Pascal Rosey. Le problème, c'est "qu'elles sont en cuivre et qu'elles se dilatent, elles aussi, avec la chaleur". Pour assurer la bonne transmission avec le pantographe, chargé de capter le courant, des équipes doivent alors retendre les caténaires. "C'est possible jusqu'à un certain niveau, mais pas quand les contrepoids se retrouvent tout en bas."

L'autre danger, c'est que les caténaires détendues touchent le toit du train ou créent un arc électrique avec ce dernier, comme l'indique cette vidéo de la SNCF. Pour éviter la panne, mieux vaut donc adopter une allure réduite.

La signalisation. La chaleur peut, enfin, jouer des tours à la signalisation. Le matériel est situé dans des guérites, au niveau des rails. Ces armoires sont aérées, mais sous un soleil de plomb, cela ne suffit pas toujours, en raison de la présence de composants électroniques, comme des diodes ou des condensateurs. "Le phénomène est alors un peu similaire aux mésaventures de RTE, mardi, avec des disjonctions." Dans ces cas-là, en vertu du principe de précaution, le système de signalisation est placé en mode sécurité et les conducteurs sont invités à s'arrêter ou à ralentir. 

Routes : coup de moue sur le bitume 

Et quid des routes ? "Le point de ramollissement du bitume est à 50°C, mais celui-ci peut atteindre 70°C en cas de forte chaleur", précise Jérôme Dherbecourt, directeur technique régional Eiffage Travaux publics Rhône-Alpes Auvergne.

Premier effet : les véhicules peuvent alors cisailler la surface de la route, en emportant des grains de bitume, ce qui entraîne une pelade et des nids de poule. "Si vous manœuvrez avec un camion sur un enrobé fort chaud, celui-ci peut marquer. Idem pour des voitures qui braquent sur un parking", commente un autre professionnel du secteur. Second effet : un trafic répété de poids lourds peut entraîner un "orniérage" de la voie. Dans les deux cas, le revêtement est encore plus abîmé quand il est récent. A Vars (Charente), le revêtement s'est littéralement liquéfié, dans une inattendue marée noire.

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