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"Marseille prend le chemin de Rio", une ville avec "des meurtres quasi-quotidiens", mais qui "fait rêver", estime un chef d'entreprise

Xavier Giocanti, qui a piloté les premières zones franches dans les années 1990, a rappelé l'importance du "brassage" pour sortir de l'isolement les quartiers nord de la cité phocéenne.
Article rédigé par franceinfo
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Une vue de Marseille depuis l'île du Frioul, le 31 juillet 2022. (STEPHANE FERRER / HANS LUCAS / VIA AFP)

"Marseille prend le chemin de Rio", une ville avec "des meurtres quasi-quotidiens", mais qui "fait rêver", a décrit mardi 27 juin sur franceinfo Xavier Giocanti, entrepreneur et membre du conseil de surveillance du grand port maritime de Marseille. Emmanuel Macron sillonne juqu'à mercredi la deuxième ville de France afin de donner un coup d'accélérateur au vaste plan d'investissements, appelé "Marseille en grand" qu'il a lancé en septembre 2021.

franceinfo : Vous allez demander à Emmanuel Macron encore plus d'argent ?

Xavier Giocanti : Le programme du "Marseille en grand" qu'est devenu Marseille en très grand est déjà très très solide, très concret, très bien alimenté. Ce qu'il faut maintenant pour développer ces quartiers, c'est la même chose que ce qu'il fallait il y a 20 ans, lorsqu'on a lancé les zones franches.

C'est un triptyque qui est très simple : il faut des services publics, il faut de l'emploi, donc de la création d'emplois par les entreprises et il faut du brassage. La pire des situations pour les quartiers nord, ce serait de les isoler, de les garder à l'écart. C'est comme un corps humain. Il faut que tous les membres soient irrigués. Le brassage, c'est les entreprises, c'est les acteurs économiques qui le font tous les jours en allant travailler en consommant sur place.

Est-ce que les chefs d'entreprises hésitent à s'installer dans les quartiers nord en raison de l'insécurité ?

Heureusement ou malheureusement, ce n'est pas la préoccupation première d'un chef d'entreprise. J'ai un peu l'impression, il faut faire avec, que Marseille prend le chemin de Rio. Rio, c'est une ville où vous avez des meurtres quasi-quotidiens dans les favelas, mais pourtant, c'est une ville qui fait rêver. On a envie d'y aller. C'est triste, mais nous sommes un peu sur ce chemin-là.

L'ultra violence est très localisée. Elle est le résultat de trafics de drogue bien connus. Mais les entreprises savent bien qu'à côté de ça, il y a une vie économique et une vie normale qui se créent.

"C'est terrible pour les gens qui vivent dans ces cités et qui subissent ces difficultés chaque jour. Mais le reste de ces quartiers restent parfaitement habitables."

 Xavier Giocanti, entrepreneur

sur franceinfo

Quel est l'intérêt aujourd'hui pour une entreprise de s'installer dans ces quartiers ?

Il n'y a plus d'intérêts fiscaux ou sociaux comme il y en avait au départ. Maintenant, l'intérêt est beaucoup plus pratique, c'est qu'il y a peu d'espaces de disponibles dans la ville. La ville est quand même assez dense. Ce sont des lieux où on peut encore trouver des friches. Et ça, c'est une des actions que l'État et que la Ville doivent entreprendre absolument.

Je regrette un peu que dans ce plan "Marseille en grand", qui a plusieurs volets indispensables, il n'y ait pas vraiment un plan économique pour développer des zones d'activités, pour développer des plateformes logistiques des derniers kilomètres. Cela devient très important dans une ville qui se développe.

Emmanuel Macron a été interpellé par une mère de famille à Marseille dont le fils ne trouve pas de travail. Je fais le tour du Vieux-Port avec vous, je suis sûr qu'il y a "dix offres" d'emploi, lui a répondu Emmanuel Macron. Est-ce que vous dites la même chose ?

Oui, il y a des postes dans la restauration. Bien entendu, le président s'est peut-être un peu trop engagé, c'est qu'il ne va pas aller sur le port aujourd'hui [mardi] avec cette personne pour trouver des jobs. Mais le président de la Chambre de commerce qui est très implantée en centre-ville, il est prêt à le faire. Donc si vous voulez faire œuvre de service public, on contacte cette personne, on la met en relation avec le président de la Chambre de commerce et il lui trouvera des jobs sur le port de Marseille.

La métamorphose de Marseille passe aussi par le développement des transports dans une ville qui ne compte aujourd'hui que deux lignes de métro et trois lignes tramway ?

Ça passe absolument aussi par le transport. Le transport endogène et exogène. C'est comme un corps humain. Vous avez des veines qu'il faut alimenter. Le tramway intérieur fera cette circulation et des projets sont lancés notamment pour les quartiers nord. 

"Il y a aussi les artères qui amènent le flux qui viennent de l'extérieur, que ce soit de la région de l'Huveaune, d'Aubagne, d'Aix-en-Provence ou de Vitrolles. Il faut aussi absolument s'occuper de ces artères par le biais d'un réseau de RER comme cela existe en région parisienne."

 Xavier Giocanti, entrepreneur

sur franceinfo

Vous êtes aussi membre du conseil de surveillance du port de Marseille. Quel peut être son rôle dans le développement et dans le rayonnement de Marseille ?

Il a déjà un rôle très important. Le port est un des poumons économiques de la ville depuis très longtemps. Lui aussi, il doit faire son auto-analyse et s'adapter aux évolutions. La croisière est devenue un axe très fort de l'activité portuaire. Nous accueillons trois millions de passagers par an avec des tensions qui sont difficiles à gérer qui sont tout à fait justifiées. J'ai été un des premiers dans un tweet il y a dix ans, à montrer les fumées noires qui sortaient des ferries. Tout ça est en cours de prise en compte. Nous avons électrifié les quais. Nous allons augmenter la puissance d'électricité, fabriquer de manière photovoltaïque, sur l'eau, sur les espaces portuaires. Le port doit se développer dans son environnement qui est un environnement essentiellement urbain.

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