Vidéo "Ma mère a vécu le génocide au Rwanda" : la difficile transmission de la mémoire entre les générations

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Article rédigé par franceinfo - Lucie Rivière
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Trente ans après le génocide au Rwanda, des femmes rescapées se remémorent le drame et le racontent à leurs enfants. Pourquoi est-il important de ne pas oublier ? Comment transmettre ce passé douloureux à des ados ? "C quoi l’info ?" a recueilli les témoignages de deux générations.

Ineza Vetel, 19 ans, est née exactement 11 ans après le début du génocide des Tutsis au Rwanda. Pendant trois mois, du 7 avril au 17 juillet 1994, environ 800 000 personnes ont été tuées. La mère d'Inès, Marie-Clarisse Murekatete Nyirankundwa, a perdu 29 membres de sa famille dans ce génocide. "Le 7 avril, nous commémorons le jour du début du génocide, et c’est aussi le jour de mon anniversaire, confie Ineza, J’y pense régulièrement, car je sais que ma mère a été traumatisée". C quoi l'info ? a recueilli leurs témoignages, ceux de deux amies de Marie-Clarisse, aussi rescapées, et leurs enfants. Ensemble, ils se remémorent leur douloureuse histoire.

"Mon père, ma mère et ma belle-mère sont morts le premier jour"

"Il y a 30 ans, je ne pensais pas que quelqu’un de ma famille pourrait rester pour raconter ce qu’il s’est passé.", rapporte Marie-Clarisse. Des larmes coulent sur son visage. Pour elle, tout a commencé le dimanche 10 avril 1994. L’heure était à la fête. Un jeune homme était venu chez elle demander sa main à sa famille. "Mon fiancé de l’époque voulait absolument qu’on annule, mais je lui ai demandé de maintenir la cérémonie. Mais vers 15 heures, mes voisins sont venus me dire : 'Il faut arrêter votre fête, on vient vous tuer"", relate-t-elle.

Dès lors, Marie-Clarisse a décidé de fuir avec sa sœur sur une colline. De là-haut, elle a vu sa maison brûler. "Mon père, ma mère et ma belle-mère sont morts le premier jour". Par la suite, au moins 29 membres de sa famille ont péri.

Après le drame, le devoir de transmission lui tient à cœur, mais elle veut aussi préserver sa fille du traumatisme. Ineza est compréhensive : "C’est vrai que je n’ai pas l’histoire complète, je n’ai pas vu les images choquantes". Ce qu’elle regrette, c’est que le sujet ne soit pas davantage abordé, dans les programmes scolaires, par exemple. "J’ai l’impression que ça passe un peu sous le tapis alors qu’il y a eu presque un million de morts. Je pense que ça devrait être quelque chose de connu par tous."

"C’est difficile à comprendre quand on est jeune"

Ganza a 17 ans. Pour la première fois, il interroge sa mère Gloriose Nguyen sur son histoire. Avant d’entrer au collège, il n’avait jamais entendu parler du génocide. "Je m’excuse, c’est vrai que je n’ai jamais parlé du génocide à toi et à ton frère, car c’est un sujet douloureux pour moi. Je ne savais pas où commencer. Je voulais vous épargner et, surtout, je jugeais que vous étiez trop jeunes", explique-t-elle. 

Ganza ne lui en veut pas : "C’est difficile à comprendre quand on est jeune". Si Gloriose a attendu pour en parler à son fils, elle lutte aujourd'hui contre l’oubli à plus grande échelle en intervenant régulièrement dans des lycées "pour que ça ne se reproduise plus jamais."

Les filles de Liliane Kanyarutoke ont 1 an et 7 ans. Tous les mercredis, elle a mis en place avec elles un rituel de lecture, qui lui permet d’évoquer le génocide avec des mots simples. "En grandissant, tu vas peut-être t’intéresser à mes livres et toi, tu raconteras à tes enfants les histoires de ma famille que tu n’as pas connue." Pour toutes ces rescapées, remuer ces souvenirs est un mal nécessaire. "C’est aussi une façon de rendre hommage à nos chers voisins, à ma famille et à tous ceux qui ont été tués car ils étaient Tutsis", souligne Marie-Clarisse.

 

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