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Violences conjugales : que faire si vous soupçonnez votre conjoint de traquer vos activités sur votre smartphone ?

Article rédigé par Marion Bothorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Certains programmes permettent d'accéder à distance à la géolocalisation, ainsi qu'à toutes les conversations d'un smartphone. (JEREMIE LUCIANI / FRANCEINFO)
Neuf femmes victimes de violences conjugales sur dix subissent des cyberviolences de la part de leur ex-conjoint ou partenaire, selon le centre Hubertine Auclert.

Il lit vos messages, diffuse vos photos personnelles, exige de connaître vos mots de passe... Autant de comportements qui ne relèvent pas de la jalousie, mais constituent des cyberviolences, rappelle le centre Hubertine Auclert, organisme francilien pour l'égalité femmes-hommes. Qu'il s'agisse de harcèlement, de contrôle de vos outils numériques, de surveillance à distance ou de détournement de vos informations en ligne, ces agissements sont condamnés par la loi (document PDF)

>> TEMOIGNAGES. "J'étais comme une bête traquée" : des victimes de violences conjugales racontent le cyberharcèlement exercé par leur conjoint

Parfois difficiles à détecter, ces cyberviolences conjugales sont pourtant très répandues. D'après le centre Hubertine Auclert, neuf femmes victimes de violences conjugales sur dix en subissent de la part de leur ex-conjoint ou partenaire. L'organisme a donc mis en ligne un guide contenant plusieurs conseils pour se protéger de ces menaces. Les associations spécialisées précisent tout de même que ces bonnes pratiques ne doivent pas, pour autant, pousser les victimes à couper toutes leurs activités numériques. "L'espace du problème peut aussi être l'espace de la solution", rappelle Aurélie Garnier-Brun, de l'association En avant toute(s), en évoquant des outils qui peuvent être utiles.

Franceinfo revient en trois points sur la marche à suivre si vous pensez être concernée par le sujet.

1Sachez reconnaître les cyberviolences (et ce que prévoit la loi à leur sujet)

Identifiez les comportements suspects. Selon une enquête Ipsos réalisée en novembre 2021 pour l'association Féministes contre le cyberharcèlement, le fait de "surveiller et fouiller le contenu du téléphone" de son partenaire sans son autorisation est la forme de cyberviolences la plus répandue. Mais les cyberviolences englobent de nombreuses actions malveillantes, comme le fait d'exiger d'être joignable en permanence. Afin de savoir si vous êtes concernée, vous pouvez réaliser cette auto-évaluation mise en ligne sur le site du centre Hubertine Auclert (document PDF).

Sachez que des logiciels espions peuvent être implantés dans votre téléphone. Certains programmes permettent d'accéder à distance à la géolocalisation, ainsi qu'à toutes les conversations d'un smartphone – que ce soit sur Facebook, Instagram, ou encore par mails et textos. Souvent présentés comme des "traqueurs de contrôle parental", ces logiciels sont nombreux et quasiment indétectables une fois installés. Plusieurs signaux peuvent toutefois vous mettre la puce à l'oreille. Votre conjoint peut par exemple se mettre à évoquer des informations qu'il est censé ignorer. Votre téléphone peut également chauffer, être ralenti, sa mémoire arriver à saturation de manière anormale, et sa batterie se décharger très rapidement. Les associations spécialisées expliquent que des applications permettant d'installer des programmes tiers, telles que Cydia dans un iPhone, ou F-Droid ou SuperSU sur un appareil Android, peuvent vous mettre sur la trace d'un logiciel espion.

Connaissez la loi. "Détournement d'images privées", "usurpation d'identité", "transmission de la géolocalisation"… Dans un tableau publié sur son site (document PDF), le centre Hubertine Auclert dresse la liste des agissements qui peuvent constituer des délits. Contactée par franceinfo, la police nationale recommande de porter plainte pour chacun des faits mentionnés. Depuis 2019, à chaque dépôt de plainte pour violences conjugales, la question de la surveillance technologique est "automatiquement" abordée, car mentionnée dans la grille d'évaluation du danger, ajoutent les autorités.

2Sécurisez votre smartphone et votre présence sur les plateformes en ligne

Vérifiez que votre géolocalisation n'est pas partagée en temps réel à des tiers. Des paramètres permettant d'accéder à votre emplacement sont parfois activés par défaut. Vérifiez dans vos réglages quelles applications ont accès à votre géolocalisation, et sous quelles conditions. Si vous avez un iPhone, cherchez la rubrique "identifiant Apple" et assurez-vous que la fonctionnalité "Partager ma position" n'est pas activée. Si vous utilisez un compte Google, vérifiez, dans les paramètres "Données et confidentialité", que votre position n'est pas diffusée et que vos déplacements ne sont pas archivés dans l'historique.

Assurez-vous que vos messages ne soient pas lus par d'autres. Le site spécialisé Numerama détaille comment vérifier, sur un iPhone, que vos messages ne soient pas transmis à une autre personne : dans les paramètres, onglet "messages", les numéros indiqués dans le champ "Envoi et réception" sont ceux qui reçoivent vos échanges. Il est également possible de passer en revue les différents appareils connectés sur votre session Twitter et Facebook, et les débrancher à distance. 

Changez votre code de carte SIM et renforcez le déverrouillage du téléphone. Par précaution, il est recommandé d'éviter d'utiliser sa date d'anniversaire ainsi que celles de proches en choisissant son code de carte SIM. Le centre Hubertine Auclert recommande par ailleurs d'automatiser le verrouillage de l'appareil après une période d'inactivité de quelques secondes, de sécuriser son déverrouillage avec un code complexe et, si possible, à l'aide de l'identification biométrique. Mettre en place l'authentification à deux facteurs est par ailleurs recommandé : si elle est activée, un code d'accès sera demandé en plus du mot de passe au propriétaire du compte sur les différentes plateformes.

Passez, si nécessaire, vos réseaux sociaux en privé. Les associations ne le préconisent pas systématiquement, en cas de cyberviolences. Les bénévoles d'En avant tout(e)s préfèrent, par exemple, rappeler aux victimes qu'elles suivent "qu'elles ont le droit d'être sur les réseaux sociaux et d'y poster ce qu'elles veulent. Si quelqu'un contrôle leurs espaces de liberté en ligne, ce n'est pas normal". Toutefois, en cas de harcèlement, vous pouvez modérer les paramètres de confidentialité des publications de vos comptes sur les réseaux sociaux.

Créez une nouvelle boîte mail. Le piratage d'un compte Google est particulièrement redoutable en matière de cyberviolences : en volant son mot de passe, la personne qui le détourne peut ainsi accéder à distance aux photos, aux e-mails, à l'agenda, aux contacts, voire à une longue liste de mots de passe de sa victime, si celle-ci utilise le gestionnaire ad hoc mis à disposition par la firme. Il est donc recommandé de créer un nouveau compte adossé à une nouvelle adresse mail, afin de communiquer en toute sécurité.

En cas de doute, changez le plus possible vos mots de passe. Les mots de passe doivent être "différents, longs et robustes", par exemple sous forme de phrases, selon le centre Hubertine Auclert. Le site cybermalveillance.gouv.fr (document PDF) propose également quelques conseils pour varier vos mots de passe.

Sécurisez vos conversations. Deux options s'offrent à vous si vous suspectez l'installation d'un logiciel espion. Vous pouvez privilégier la messagerie chiffrée Signal, qui chiffre par défaut de bout en bout toutes vos conversations, alors qu'il faut modifier certains paramètres pour y parvenir sur Telegram et WhatsApp. L'idéal, si vous le pouvez, est même de faire l'acquisition d'un autre téléphone. Dans ce dernier cas, les associations recommandent de continuer à utiliser l'appareil supposément infecté par le logiciel, afin de ne pas éveiller les soupçons de l'agresseur.

3N'hésitez pas à demander de l'aide et à sauvegarder des preuves

Faites constater l'installation d'un logiciel espion. Un informaticien peut vous aider à attester de la présence d'un mouchard installé à votre insu sur votre appareil. Si vous résidez en région parisienne, le tribunal judiciaire de Paris vous permet par ailleurs de faire expertiser votre téléphone à l'aide d'une tablette tactile baptisée Veriphone. Si un logiciel malveillant est détecté, un rapport sera émis et versé à un dépôt de plainte. Les experts de la Fondation Orange peuvent aussi nettoyer un téléphone à distance.  

Contactez des professionnels le plus discrètement possible. Si vous êtes victime de cyberviolences dans votre couple, plusieurs solutions vous permettent d'entrer en contact de manière sécurisée avec des associations spécialisées. Sur son site commentonsaime.fr, l'association En avant toute(s) permet par exemple de chatter avec ses professionnels formés. La plateforme est pensée comme celle d'un magazine féminin afin que l'auteur de cyberviolences ne puisse pas supposer que sa victime cherche de l'aide. Le chat peut être quitté rapidement, sans que les échanges ne soient sauvegardés dans l'historique du téléphone. L'association alimente également une plateforme similaire pour les plus jeunes. Des professionnels répondent aussi à chaque heure du jour et de la nuit aux numéros 3919 et 3018.

Sécurisez vos documents d'identité et les preuves de cyberviolences. Les captures d'écran de messages ou de tentatives d'effraction dans un téléphone doivent être sauvegardées sur une clé USB ou un disque dur externe, afin d'éviter que ces preuves ne soient perdues. Enfin, l'association En avant toute(s) recommande aux femmes victimes de rassembler sur Memo de vie tous les documents clefs qui pourraient être subtilisés, au moment où elles tenteraient de fuir leur conjoint. Cette plateforme assure le stockage sécurisé de ces pièces ainsi qu'un contact direct en cas d'urgence avec les services sociaux et les forces de l'ordre.

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