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RGPD : la Quadrature du net dénonce "un chantage au service" des géants du numérique

"Ce qu'ils ne respectent pas, c'est cette notion de marchandisation des données personnelles du consentement", a déclaré mardi sur franceinfo Arthur Messaud, juriste de l'association de défense des internautes.

Article rédigé par franceinfo
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L'entreprise Google, à Lisbonne (Portugal), le 8 novembre 2017.  (PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP)

La Quadrature du net a annoncé, lundi 28 mai, avoir déposé cinq plaintes collectives, regroupant plus de 12 000 particuliers, contre Google, Apple, Facebook, Amazon et LinkedIn, dans le cadre du nouveau Règlement général sur la protection des données (RGPD), en vigueur depuis le vendredi 25 mai. Arthur Messaud, juriste de l'association de défense des internautes, dénonce mardi 29 mai sur franceinfo une "marchandisation des libertés fondamentales" et un "chantage au service" avec un "consentement forcé" à l'utilisation des données personnelles.

franceinfo : Que reprochez-vous aux géants du numérique ?

Arthur Messaud : Ce qu'ils ne respectent pas, c'est cette notion de marchandisation des données personnelles du consentement. Aujourd'hui, si vous allez sur Facebook, vous avez un chantage au service. Vous ne pouvez pas accéder au service si vous refusez d'être surveillé. Les données sont transformées en marchandise, en monnaie, qu'on donne pour accéder à un service. Ça, en démocratie, ce n'est pas possible. En démocratie, on ne peut pas vendre ses libertés fondamentales, sinon il n'y a que les riches qui peuvent les [garder]. C'est interdit depuis longtemps, mais on a laissé faire parce qu'on avait des moyens de réagir très faibles, la Cnil pouvait prononcer des sanctions de 150 000 euros, elle l'a fait, mais c'est complètement dérisoire. Maintenant, on a des sanctions de 4% de leur chiffre d'affaires, c'est énorme, et surtout on peut mettre la pression sur la Cnil, sur les autorités publiques, en faisant des actions de groupe.

Cependant, Facebook, Google, etc., nous demandent quand même notre consentement...

Ils nous demandent notre consentement, mais c'est un consentement de paille, un consentement forcé qu'on donne sous la menace d'une conséquence négative, de ne pas accéder au service, de devoir payer un prix supplémentaire. Quand il s'agit des libertés fondamentales, un consentement forcé comme ça est invalide. Et pire encore avec Google, on voit que le consentement qu'on donne, en fait ce sont des cases qui sont pré-cochées. On nous dit "est-ce que vous acceptez ça, ça et ça ?", mais on n'a même pas besoin d'accepter parce que tout est pré-coché, on ne comprend même pas ce que ça veut dire et forcément Google espère bien que la majorité des gens, ne comprenant pas trop, étant un peu inquiets, acceptent sans réfléchir. Et c'est ce qui se passe. Cela aussi, le RGPD prévoit bien que c'est illicite.

Quelle serait la bonne façon de faire selon vous ?

La bonne façon de faire, ce que propose le droit des données personnelles au niveau de l'Union européenne, c'est de ne pas reposer toute l'économie sur la surveillance de la population. Aujourd'hui, on a vu des entreprises extrêmement puissantes se développer depuis dix ans sur le fait qu'elles nous surveillent dans nos moindres faits et gestes, dans nos moindres appels, toutes les vidéos qu'on regarde, pour nous comprendre et ensuite pouvoir nous influencer à travers des publicités ciblées. Le droit des données personnelles nous dit que cet écosystème n'est pas bon, il n'est pas sain, il n'est pas durable, et le RGPD, depuis vendredi, remet en cause entièrement cette économie-là. Donc la seule alternative raisonnable, c'est de trouver d'autres modes de financement. Arrêter de tout financer sur la surveillance de la population, ce n'est pas sain et ce n'est pas viable.

Vous avez donc déposé cinq plaintes hier. Leur parcours s'annonce long et compliqué...

Cela va être compliqué parce que ça va impliquer toutes les autorités de tous les États membre européens. Depuis vendredi dernier, les questions contre des géants comme ça ne sont plus traitées État par État, elles sont traitées par toute l'Union européenne, donc en fait c'est plutôt positif. Les plaintes qu'on fait ne sont pas juste pour nous protéger nous dans notre coin, ça va avoir une influence sur toute l'Union européenne, et on fera jurisprudence, si c'est positif, pour toute l'Europe et pour toute la planète. Si tout d'un coup, l'Union européenne dit à Facebook "vous ne pouvez plus considérer les données personnelles comme des marchandises, vous devez pouvoir fournir votre service gratuitement, c'est-à-dire sans surveiller les gens", aux Etats-Unis, ils vont dire à Facebook "maintenant ici il faut que vous fassiez pareil".

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