Projet Pegasus : Amnesty International dénonce "une violation du droit des journalistes mais aussi du droit international"
Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty, a estimé lundi sur franceinfo que "l'ensemble de l'industrie de la surveillance" présentait "d'énormes dangers pour la population", après les révélations de Forbidde Stories, le consortium international de journalistes auquel participe la cellule investigation de Radio France.
La secrétaire générale d'Amnesty International a dénoncé lundi 19 juillet sur franceinfo une "violation du droit des journalistes mais aussi du droit international" par les Etats ayant utilisé le logiciel Pegasus à des fins d'espionnage de militants des droits de l'Homme et de journalistes.
Agnès Callamard réagissait aux révélations de Forbidden Stories, le consortium international de journalistes auquel participe la cellule investigation de Radio France, sur ce logiciel créé par la société israélienne NSO Group. Initialement censé aider les agences gouvernementales à se protéger du terrorisme, il a été détourné par plusieurs pays pour d'autres fins. Selon elle, "l'ensemble de l'industrie de la surveillance présente d'énormes dangers pour la population. C'est pour ça qu'il faut un moratoire."
franceinfo : Nous sommes loin de quelque chose qui serait un dérapage ou une opportunité ?
Agnès Callamard : La compagnie NSO prétend que son logiciel n'est utilisé que pour lutter contre la criminalité et le terrorisme. Mais ce que l'on découvre, c'est qu'il y a des attaques plutôt systématiques contre les journalistes et les défenseurs des droits humains. A l'heure actuelle, nous avons suffisamment de données qui tendent à montrer comment 20 pays ont fait l'objet de telles attaques. Mais nous soupçonnons que le problème soit beaucoup plus important. Ce que nous découvrons avec le projet Pegasus, c'est l'ampleur sidérante de la surveillance qui pèse sur les journalistes et les défenseurs des droits humains. On est vraiment passé dans un environnement qui remet en cause de nombreux droits et qui est à la base une violation des droits humains.
La question centrale est aussi "qui était au courant de ce type de violation" ?
De toute évidence, les clients de NSO étaient au courant puisque ce sont eux qui ont mis ces journalistes et ces défenseurs sur cible. Je pense qu'on va découvrir au cours des semaines à venir la connaissance de NSO. Cependant ce que l'on peut déjà dire, c'est que cela fait des années que les organisations comme Amnesty International demandent à NSO de prendre des mesures beaucoup plus efficaces. Le devoir de diligence, leur devoir de protection n'a pas été mis en œuvre. Nous avons affaire à une compagnie qui n'est pas capable de régler, gérer ce logiciel.
Ne faut-il pas mettre en place une forme de régulation puisqu'on se rend compte que ce logiciel est vendu par une société à des Etats dont les standards démocratiques ne sont pas tout à fait les mêmes que dans d'autres pays ?
L'ensemble de l'industrie de la surveillance présente d'énormes dangers pour la population et en particulier pour les journalistes. C'est pour ça qu'il faut un moratoire. Avec les connaissances actuelles, il n'est pas possible pour une compagnie telle que NSO de prétendre que son logiciel ne sera utilisé qu'à des fins légales et contre des acteurs criminels. On ne doit donc pas vendre cette technologie à l'heure actuelle. Aucune des compagnies ou des Etats qui vendent cette technologie ne peuvent démontrer qu'elle ne sera pas utilisée à des fins allant à l'encontre du droit international. Cette technologie est vraiment une arme. C'est une violation du droit des journalistes mais aussi du droit international et des relations entre les Etats.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.