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Comptabilité chaotique, employés introuvables... Le nouveau patron de FTX, la plateforme d'échange de cryptomonnaies, fustige la gestion de son prédécesseur

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Samuel Bankman-Fried, ancien PDG de la société FTX, auditionné devant le Sénat américain, le 9 février 2022.  (SAUL LOEB / AFP)

Le nouveau patron de la bourse de cryptomonnaies FTX, qui s'est placée sous le régime américain des faillites la semaine dernière, a dénoncé la gestion calamiteuse de l'entreprise par son prédécesseur et cofondateur de la plateforme, Sam Bankman-Fried.

John Jay Ray III peut se targuer de quarante ans d'expérience en réparation de pots cassés à plusieurs milliards de dollars. Dans les années 2000, il a été chargé de redresser le titan de l'énergie Enron, géant à la dérive. Mais rien ne l'avait préparé à ce qu'il a découvert en prenant la tête du dernier Titanic du monde des affaires, la société d'échange de cryptomonnaies FTX, déclarée en faillite le 11 novembre. Dans un rapport de 30 pages, déposé jeudi 17 novembre auprès d'un tribunal des faillites du Delaware (est des Etats-Unis), il décrit avec moult détails les manquements, fautes et absurdités à l'origine de cette "débâcle sans précédent".

"Jamais dans ma carrière je n'ai vu un échec aussi complet des mécanismes de contrôle d'une entreprise et une absence aussi flagrante d'informations financières fiables comme cela s'est produit", admet l'expert dans ce document accablant.  Nouveau patron de cette bourse de cryptomonnaies, il dénonce notamment la gestion calamiteuse de l'entreprise par son prédécesseur et cofondateur de la plateforme, Sam Bankman-Fried, dit "SBF".

Voici quelques-unes des aberrations mises en lumière par ce document juridique.  

Le chaos dans la comptabilité 

Pour un groupe autrefois évalué à quelque 32 milliards de dollars (30 milliards d'euros), FTX dispose d'une comptabilité étonnamment lacunaire, relève l'expert. "De manière stupéfiante, et malgré l'énormité des opérations financières transitant par FTX, il semble que la firme ne tenait pas de registres de ses échanges et des comptes détenus", note le site spécialisé Korri

En l'absence de ces registres, le nouveau PDG exprime "des inquiétudes substantielles" quant à la fiabilité des déclarations financières de FTX et estime qu'il y a eu "au moins 372 millions de dollars de transferts non autorisés". Les dirigeants de l'entreprise "n'ont localisé et sécurisé qu'une fraction des actifs numériques du groupe FTX qu'ils espèrent récupérer", précise-t-il encore.

Les sorties d'argent de l'entreprise, b.a-ba de la gestion d'un budget de trésorerie, étaient quant à elles validées par les supérieurs à coups "d'émojis personnalisés", le tout sur une plateforme de discussions en ligne. 

Pas de traces des décisions prises par ses dirigeants

Au moment d'évoquer les causes du fiasco FTX, le rapport désigne son ancienne direction et surtout "la concentration du contrôle entre les mains d'un très petit groupe d'individus inexpérimentés, peu avertis et potentiellement corrompus."

En tentant de comprendre comment la société en était arrivée à ce niveau de mauvaise gestion, la nouvelle direction s'est ainsi heurtée à l'absence de traces écrites permettant de documenter les décisions des anciens dirigeants. Selon John Jay Ray III, Sam Bankman-Fried, l'entrepreneur de 30 ans qui avait créé et dirigeait FTX, communiquait essentiellement à l'aide d'applications qui suppriment régulièrement les messages précédents "et encourageait les employés à en faire de même". Korii cite par exemple le recours à l'application Signal. 

Un ancien patron pas très discret

Le nouveau boss de FTX a également dénoncé les déclarations "incohérentes et trompeuses" de Sam Bankman-Fried depuis sa démission, précisant que ce dernier ne parlait plus au nom de l'entreprise. Au passage, le nouveau patron glisse qu'il juge "pas clairs" les montages et les avoirs financiers de son prédécesseur au Bahamas, où réside ce dernier. 

Dans une conversation sur la messagerie privée de Twitter avec un journaliste du site Vox (lien en anglais), publiée jeudi, Sam Bankman-Fried a dit regretter sa décision de placer FTX sous la protection du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Il s'en est également pris aux régulateurs américains, jugeant que ces derniers "ne protègent pas du tout les consommateurs" et qu'ils "sont incapables de faire la différence entre ce qui est bon et ce qui est mauvais". "J'emmerde les régulateurs", a-t-il même déclaré, confiant son intention de remporter la bataille judiciaire qui s'engage dans le Delaware. 

Après la publication de cet échange, l'ancien patron a tenté d'expliquer ses propos. "Ce que j'ai dit était en partie irréfléchi ou grossier. Je me défoulais et n'avais pas l'intention que ce soit publié", a-t-il tweeté. 

Des failles béantes en termes de sécurité  

La confidentialité n'était vraisemblablement pas le point fort de l'entreprise, note John Jay Ray III. Des experts en cybersécurité de l'équipe qu'il supervise ont découvert "des pratiques managériales inacceptables, notamment l'usage d'un compte mail groupé non sécurisé pour accéder à des codes privés et confidentiels et à des données particulièrement sensibles pour les entités du groupe FTX à travers le monde", poursuit le document.

Il déplore ainsi "l'intégrité compromise des systèmes et (...) la surveillance réglementaire défectueuse à l'étranger" de l'entreprise d'échange de cryptomonnaies. 

Certains employés introuvables 

Côté ressources humaines, le document pointe aussi des difficultés à établir "qui" travaille pour FTX et avec quelle mission. "L'approche RH du groupe FTX combinait différentes entités et des sous-traitants, sans fichiers ni organisations hiérarchiques claires", s'étonne la nouvelle direction. A tel point qu'il a été impossible de "préparer une liste complète des personnes travaillant pour le groupe, ni de leurs contrats". 

Si le document prend soin de remercier les équipes de FTX qui ont travaillé avec les nouveaux arrivants pour faire la lumière sur le fonctionnement de l'entreprise, il signale enfin que "des tentatives répétées pour localiser certains employés afin de confirmer leur statuts n'ont pas abouti à ce jour." 

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