Fausses rumeurs de mort sur Internet : quel intérêt, quels risques ?
C'est la dernière victime en date d'un "jeu" vieux comme le web : Omar Sy a été donné pour mort par des internautes, qui ont créé et propagé à dessein une rumeur lundi 26 décembre. Que risquent-ils ? Et pourquoi agissent-ils ? Franceinfo a interrogé des spécialistes de la question.
Alors que cette fin d'année 2016 est marquée par la disparition de plusieurs célébrités - George Michael, Carrie Fisher, Claude Gensac - d'autres sont bien vivantes, mais victimes de très mauvaises blagues : certaines stars ont appris leur mort sur internet.
Good day today from Death Valley ✋#Hamsa pic.twitter.com/o24tLvV00k
— Omar Sy (@OmarSy) 28 décembre 2016
C'est un travers vieux comme le web, mais que les réseaux sociaux n'ont en rien atténué. La dernière victime en date est Omar Sy : pour la deuxième fois en neuf mois, le comédien a été annoncé mort sur Twitter, et pour la deuxième fois, il a réagi avec humour, en postant cette fois-ci une photo de lui en pleine Vallée de la Mort (États-Unis).
Rumeurs, piratage, course à la primauté de l'information
Comme pour Justin Bieber, dont le décès est annoncé à peu près toutes les semaines, Mathieu Valbuena en octobre dernier, Rihanna, Kanye West ou Morgan Freeman, Omar Sy a été victime d'un hoax, c'est à dire d'une rumeur lancée sciemment. Cette fausse annonce émane d'un compte récidiviste, qui avait enterré Johnny Hallyday l'été dernier, obligeant l'Agence France Presse à démentir l'information, car le tweet était signé avec l'acronyme AFP.
Outre ces fausses informations, certaines stars sont victimes de piratage. Un exemple très récent : l'annonce de la mort de Britney Spears, relayée par le compte de sa maison de disques, Sony Music. Un coup d'oeil attentif à l'orthographe et la syntaxe suffisait cette fois à lever le lièvre. Mais un piratage de grande ampleur, le 4 juillet 2011, avait mis plusieurs heures à être détecté : le compte de la chaîne américaine Fox News annonçait l'assassinat de Barack Obama. Il avait fallu des heures pour que le tweet soit effacé !
Parfois, ce sont les médias eux-mêmes qui sont, involontairement, à l'origine de ces rumeurs : le 3 juin 2015, une journaliste de la BBC annonce la mort de la reine Elizabeth II. Elle plaide le piratage, mais le groupe BBC World expliquera qu'il s'agissait d'une erreur lors d'un test : une nécrologie publiée par mégarde.
Enfin, parfois, nul besoin de piratage ni de malveillance mais une course un peu cynique à la primauté de l'information : piégée par excès de naïveté plusieurs fois par des sites satiriques, Christine Boutin dégaine, à 11h52, le 21 septembre 2016, un tweet sobre : "Mort de #chirac". La perte de sa crédibilité sur les réseaux sociaux a été immédiate !
Des poursuites très rares
Alors que risquent concrètement ceux qui se livrent à ce jeu malsain ? Il est toujours possible d'attaquer ceux qui ont piraté un compte pour "intrusion dans un système informatique", selon Emmanuel Pierrat. Avocat au barreau de Paris, spécialiste de la culture et de la communication, il précise également qu'il est possible, pour une victime, d'attaquer en diffamation ou pour atteinte à la vie privée un particulier qui se livrerait à la propagation de rumeurs, dans la mesure où cela lui aurait causé des préjudices, ou aurait porté atteinte à son honneur ou à sa réputation.
Si vous êtes très malade, et que l'on annonce que vous êtes mort d'un cancer par exemple, il est tout à fait possible d'attaquer sur le fondement d'atteinte à la vie privée. Toute information qui concerne votre santé, qu'elle soit vraie ou fausse, est susceptible de l'être.
Emmanue Pierrat, avocatà franceinfo
Pour autant, il n'y a jamais eu de condamnation exemplaire en la matière, selon l'avocat. "Ce que l'on cherche en tant qu'avocat, quand on est saisi par une victime de ce genre de canulars, c'est à couper l'information et à l'éliminer" indique Me Pierrat. Et il ajoute : "Traîner quelqu'un devant un tribunal, au terme de longs mois de procédure, c'est une autre paire de manches, d'autant que l'accusé se trouve généralement être insolvable."
Les auteurs motivés par le plaisir d'une célébrité éphémère
Au-delà de l'aspect juridique se pose la question du "plaisir" retiré par les auteurs de ces canulars. "Pour certains, c'est un jeu comme un autre, explique Vanessa Lalo, psychologue, spécialiste des usages numériques. Est-ce que la rumeur va prendre, Internet va-t-il y croire, suis-je assez puissant pour créer un impact ? Le but est d'être une star d'un jour, en étant relayé pour faire monter son nombre d'abonnés."
"Certains s'amusent aussi de la viralité d'Internet, poursuit-elle, du fait que 60% des internautes relaient des informations sans les avoir vraiment lues."
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