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Elon Musk va-t-il aller au bout de son rachat de Twitter pour 43 milliards de dollars ?

Le patron de Tesla a annoncé, vendredi, suspendre son acquisition du réseau social, avant d'assurer être "toujours engagé" à mener à bien la transaction.

Article rédigé par Vincent Matalon - avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Le milliardaire Elon Musk, dans le documentaire "Return to Space" diffusé sur la plateforme Netflix. (MAXPPP)

Un tweet en avant, deux tweets en arrière. Elon Musk a semé le doute, vendredi, sur son intention de racheter Twitter. Après avoir publié à l'aube un message indiquant que l'acquisition était "en suspens" en raison de doutes sur le nombre de faux comptes présents sur le réseau social, le fantasque patron a assuré être "toujours engagé" à mener à bien son projet. Avant de lancer un ultimatum, mardi 17 mai : sans garantie sur ce sujet, "la transaction ne pourra pas aller de l'avant".

Signe de la fébrilité provoquée par les atermoiements du milliardaire, le cours de l'action Twitter a plongé. Le titre s'échangeait lundi à 37,4 dollars, loin des 54,2 dollars l'action qu'Elon Musk proposait dans son offre de rachat et qui valorisaient l'entreprise à 43 milliards de dollars. L'opération pourrait-elle capoter ? Franceinfo se penche sur la question.

Psychodrame autour du nombre réel de faux comptes

Dans son message publié vendredi, le patron de Tesla déclare vouloir s'assurer "que les spams et les faux comptes représentent bien moins de 5%" des 229 millions d'utilisateurs actifs revendiqués par Twitter. Un sujet loin d'être annexe pour le réseau social : ces "comptes automatisés sont un problème endémique sur la plateforme, où acteurs politiques, escrocs et même services de propagande d'Etat ont recours à des comptes robots pour diffuser et amplifier leurs messages", écrit Le Monde.

De faux comptes (se faisant d'ailleurs parfois passer pour Elon Musk) ont, par le passé, contribué à des escroqueries à la cryptomonnaie, tandis que d'autres ont volé les informations de connexion des utilisateurs. Insupportable pour le milliardaire, qui avait érigé l'éradication de ces comptes frauduleux en tête de ses futures priorités au moment d'officialiser son offre de rachat.

Le taux de 5% de faux comptes provient de documents transmis au printemps par Twitter (document PDF) à la Securities and Exchange Commission (SEC), chargée du contrôle des marchés financiers aux Etats-Unis. Mais "ce chiffre officiel est cependant bien inférieur à certaines estimations", relève le New York Times (article en anglais), qui rappelle que le réseau social "n'impose que peu de restrictions" au moment de l'inscription, ce qui facilite la création de comptes fantômes.

Twitter donne lui-même du grain à moudre à ses détracteurs. Dans les documents transmis à la SEC, le réseau social écrit en effet avoir "appliqué un jugement important" pour fixer à 5% la quantité de faux comptes présents sur sa plateforme, et ajoute que leur "nombre réel (...) pourrait être plus élevé que [son] estimation". Ce qui n'est pas anodin, puisque la valeur financière du réseau social repose sur 229 millions d'utilisateurs quotidiens dits "monétisables", c'est-à-dire exposés à de la publicité.

Une manœuvre pour payer moins cher ?

Reste que le moment choisi par Elon Musk pour faire part de ses hésitations a de quoi surprendre. Comme le relève Variety (article en anglais), l'estimation de 5% de faux comptes figure dans les documents déposés par Twitter auprès de la SEC depuis l'entrée en Bourse de l'entreprise, il y a neuf ans. Le milliardaire aurait donc pu réclamer des vérifications avant de formuler son offre d'achat. Pour semer un peu plus le doute, il a annoncé vouloir vérifier les chiffres avancés par Twitter en utilisant une méthode à la rigueur contestable : vérifier le nombre de faux comptes sur un échantillon de cent pris au hasard.

Certains analystes estiment surtout que l'affaire des faux comptes sert de prétexte à l'entrepreneur pour entamer un bras de fer avec l'entreprise. "Wall Street va maintenant estimer que la transaction est sur le point de tomber à l'eau, ou que c'est une tentative de Musk de négocier un prix d'achat plus bas", commente auprès de l'AFP Dan Ives, analyste de la société d'investissement Wedbush Securities.

Prouver que le nombre d'utilisateurs monétisables réel est inférieur à celui communiqué officiellement par Twitter permettrait à Elon Musk de disposer d'un argument massue pour payer moins que les 43 milliards de dollars initialement promis. Ce qui aurait un intérêt immédiat pour lui : pour acheter le réseau social, l'entrepreneur a en effet élaboré un montage financier basé à la fois sur des emprunts classiques auprès de banques et d'investisseurs, mais également sur des prêts gagés sur des actions Tesla, ainsi que sur la vente directe d'actions Tesla pour une somme pouvant atteindre 21 milliards de dollars, rappelle Le Monde. Or le cours du constructeur automobile a baissé de 29% en un mois, ce qui complique les affaires de son patron.

Une "clause d'exécution spécifique"

La stratégie de pointer du doigt des performances moins bonnes qu'attendues pour négocier à la baisse le prix d'achat d'une entreprise peut être payante : en septembre 2020, le groupe LVMH avait renoncé à son rachat du joaillier Tiffany en invoquant le contexte de la crise économique causée par le Covid-19, rapportaient alors Les Echos. Après s'être menacés de poursuites judiciaires, les deux groupes avaient fini par se réconcilier en s'accordant sur un prix de rachat revu à la baisse.

Enfin, Elon Musk peut-il se servir du prétexte des faux comptes pour faire complètement capoter la transaction, comme il l'a laissé entendre mardi ? La manœuvre ne serait pas sans risque : l'accord conclu entre lui et Twitter prévoit des frais de rupture d'un milliard de dollars en cas de retrait. Et le contrat comporte une "clause d'exécution spécifique" qui obligerait le milliardaire à aller au bout de son engagement si son plan de financement restait viable, assure le New York Times.

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