Une poche d'eau de 65.000 m3 emprisonnée dans un glacier du massif du Mt-Blanc menace la vallée de Saint-Gervais
Equipé de casques et de baudriers, des ouvriers mènent actuellement d'importants et dangereux travaux à 3.200 mètres d'altitude près du le glacier de Tête-Rousse.
Il s'agit ainsi d'éviter que la vallée ne soit inondée par une catastrophe du même genre qui avait fait 178 morts en 1892.
"Le risque de rupture existe, ne serait-ce qu'en référence avec 1892, mais son imminence nous reste inconnue", explique le préfet de Haute-Savoie, Jean-Luc Videlaine.
Des études récemment menées par des glaciologues du CNRS ont permis d'établir avec certitude l'existence d'une poche d'eau de 65.000 mètres cubes sous le glacier de Tête-Rousse. Glacier situé sur la voie normale d'ascension du Mont-Blanc et fréquenté par de nombreux touristes.
A la différence de la plupart des glaciers, cette poche située à 75 mètres de profondeur "ne possède pas de purge naturelle" et ne peut donc se vider sans intervention humaine, observe le maire de Saint-Gervais, Jean-Marc Peillex.
"Les poches d'eau situées à l'intérieur d'un glacier sont assez rares, et l'origine de celle-ci reste encore inexpliquée", explique de son côté Christian Vincent, chercheur au CNRS. Son équipe a découvert l'existence de la masse d'eau en réalisant des études avec la méthode de résonance électromagnétique par proton.
"Le réchauffement climatique qui a diminué l'épaisseur du manteau neigeux situé sur le glacier" pourrait expliquer le phénomène, selon le glaciologue. "Moins protégé du froid l'hiver, le fond de la cavité se refroidit et ne permet pas à l'eau accumulée de s'évacuer naturellement", déclare-t-il. En cas de rupture, la poche d'eau pourrait s'écouler en 15 à 30 minutes dans la vallée, estime Jean-Marc Peillex. "Près de 900 familles pourraient être concernées. Il est donc nécessaire d''informer la population de ce risque", juge-t-il.
En 1892, l'explosion d'une poche d'eau similaire à l'intérieur du glacier avait provoqué ce que les géologues nomment une "lave torrentielle". Ce mélange d'eau, de graviers, de rocs, de terre et d'arbres s'était répandue dans la vallée et avait ravagé Saint-Gervais, tuant 175 personnes.
"Il ne faut pas se voiler la face: l'urbanisation et la fréquentation touristique du glacier rendent le risque bien plus important qu'en 1892", dit le maire de Saint-Gervais. Depuis une dizaine de jours, l'Etat a donc entrepris de périlleux travaux de sécurisation consistant à mettre en place des câbles reliés à un système d'alerte, pour prévenir la population en cas d'explosion de la poche d'eau, avant d'entreprendre un pompage. Une équipe d'ouvriers a donc commencé à tendre les câbles, acheminés par hélicoptère, entre l'extrémité de la langue glaciaire et les sirènes situées dans la vallée de Saint-Gervais.
Dans un deuxième temps, à partir du 20 août et jusqu'en octobre, "des travaux de pompage vont commencer afin de prévenir tout risque de rupture", a annoncé le maire de Saint-Gervais. Une fois les travaux de sécurisation achevés, des pompes seront immergées pour vidanger les 25.000 m3 d'eau situés dans l'unique cavité localisée avec précision. Problème: les 40.000 m3 restants n'ont pu être précisément repérés.
Les travaux devraient coûter plus de 2 millions d'euros, subventionnés à 80% par l'Europe et l'Etat.
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