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Ce que l'on sait du carnaval qui s'est déroulé à Marseille dimanche en pleine épidémie de Covid-19

Selon la préfecture, 6 500 personnes se sont rassemblées dans le quartier de la Plaine, déguisées, sans masque sanitaire et sans avoir déclaré l'évènement. La présidente de la Métropole, Martine Vassal, va porter plainte.

Article rédigé par franceinfo
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Selon la préfecture, 6 500 personnes ont participé à un carnaval non autorisé à Marseille malgré l'épidémie de Covid-19, dimanche 21 mars 2021. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Neuf personnes ont été interpellées à l'issue du carnaval non-autorisé à Marseille dimanche 21 mars. D'après une source policière, des personnes sont notamment venues du Vaucluse et du nord de l'Italie malgré l'épidémie de Covid-19 pour participer à cet évènement annuel. Ce carnaval avait déjà donné lieu à de multiples affrontements avec la police les années précédentes. Des élus locaux ont annoncé leur intention de porter plainte.

Que s'est-il passé dimanche ?

Des milliers personnes déguisées en tournesol, en boulanger ou encore en Didier Raoult, ont participé à un carnaval dans les rues de Marseille dimanche après-midi. Les fêtards, majoritairement jeunes et non-masqués, sont partis du quartier de la Plaine avant de descendre la rue d'Aubagne puis la Canebière. Ils y ont brûlé leurs traditionnels chars, certains montant sur un manège situé à proximité.

La préfecture de police a évalué le nombre de participants à 6 500. Dans un premier temps, les policiers ont effectué des contrôles aux abords du cortège, "notamment sur le port du masque". "En termes d'ordre public on attend toujours le moment où on peut intervenir sans causer de troubles : il y avait là des familles, on n'utilise pas des armes de force intermédiaire contre des familles et un public festif", a décrypté auprès de franceinfo la porte-parole du ministère de l'Intérieur Camille Chaize.

Des dégâts sur le mobilier urbain de la ville ont été estimés à 100 000 euros, a indiqué à France Bleu Provence la Société publique d’aménagement qui est chargée des travaux de rénovation de la place Jean-Jaurès à Marseille. Des façades ont notamment été taguées, des palissades renversées, des poubelles incendiées et une aire de jeu pour enfants abîmée. La Soleam annonce qu'elle va porter plainte.

Dans un deuxième temps, face aux débordements et notamment aux "dégradations commises contre du mobilier urbain", les forces de l'ordre sont intervenues à deux pas du Vieux-Port pour disperser le rassemblement. Au total, plusieurs dizaines de verbalisations ont été dressées, neuf personnes ont été interpellées et des gardes à vue étaient toujours en cours lundi matin, a indiqué à franceinfo la porte-parole du ministère de l'Intérieur. Ils sont notamment soupçonnés de "jets de projectile, des violences contre les forces de l'ordre et des dégradations de mobilier urbain", indiquait dimanche soir la préfète de police des Bouches-du-Rhône qui précisait également qu'un policier avait été légèrement blessé.

Qui a organisé ce carnaval ?

Le carnaval indépendant de la Plaine est organisé chaque année par un collectif dans ce quartier de Marseille. L'édition 2021 était un "événement non-déclaré", a indiqué la préfecture de police. Dimanche, "les organisateurs habituels du carnaval étaient présents mais ce ne sont pas eux qui sont responsables de la dérive qu'il y a eu", a affirmé sur franceinfo Marc Coppola, adjoint (PCF) au maire de Marseille chargé de la culture.

"Ils ont été complètement débordés par cette soif de se retrouver. La veille il y avait une manifestation d'artistes avec la distance et les masques, c'est ce qu'on prône". 

Marc Coppola, adjoint (PCF) au maire de Marseille

à franceinfo

Rudy Manna, secrétaire départemental des Bouches-du-Rhône du syndicat Alliance Police nationale se montre beaucoup plus sévère : "Ils savaient très bien que ça allait mal finir, parce que ce n'est pas la première année où ce se passe mal avec le carnaval de La Plaine". "Ça fait quatre à cinq ans qu'on se retrouve jusqu'à 22h-23h le soir à jeter des grenades parce qu'ils s'en prennent aux forces de l'ordre. Donc, on savait que ce carnaval était extrêmement compliqué", ajoute le syndicaliste. 

"Cette manifestation était prévue depuis longtemps, à force d'affiches", dénonce de son côté Valérie Boyer, sénatrice LR des Bouches-du-Rhône qui parle d'une "sorte de rave party avec des teufeurs irresponsables". "On sait très bien qu'autour de ces collectifs il y a l'ultragauche, des anarchistes, des gens qui veulent en découdre", affirme, quant à lui, Eric Diard, député Les Républicains des Bouches-du-Rhône.

Quels sont les risques sanitaires ?

Le professeur Marc Leone, chef du service anesthésie-réanimation de l'hôpital Nord de Marseille, estime qu'il va y avoir une "poussée" du virus "dans 15 jours" dans son service à cause de "ces joyeux fêtards" qui "porteront une grande part de responsabilité". "Ça va faire beaucoup d'admissions en plus parce que les gens qui ont fait ce carnaval, qui se placent en marge de toutes les recommandations, le jour où leurs proches seront malades parce qu'ils auront transmis les variants qui sont beaucoup plus virulents et plus contagieux, ils demanderont les mêmes soins que les autres et ils s'étonneront s'ils ne peuvent pas les avoir", poursuit l'anesthésiste.

Marc Leone souligne que la pression sur la réanimation à Marseille "est maximale par rapport au reste du pays, puisqu'on a 60% de pression". Le médecin considère que le choix de ne pas confiner Marseille demande "en échange une grande responsabilité de la population".

"On a vécu le pire, c'est-à-dire l'irresponsabilité totale".

Marc Leone, chef du service anesthésie-réanimation à l'hôpital Nord de Marseille

à franceinfo

De son côté, le maire de Marseille Benoît Payan pense que "rien ne justifie qu'on détruise les efforts collectifs pour endiguer le virus", d'après un message posté sur Twitter.

Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), dénonce lui aussi l'attitude des carnavaliers, mais il estime que cet évènement sera "intéressant d'un point de vue épidémiologique. Il faut profiter de voir si ce carnaval qui a eu lieu à Marseille va avoir les mêmes conséquences que ce qui s'est passé à Nice et à Dunkerque où ces regroupements ont relancé l'épidémie".

Où en est l'enquête ?

"La justice sera saisie de l'ensemble des faits commis", a promis dès dimanche soir Frédérique Camilleri, préfète de police des Bouches-du-Rhône. Parmi les neuf personnes interpellées, plusieurs étaient toujours en garde à vue lundi matin, a indiqué la porte-parole du ministère de l'Intérieur Camille Chaize. "Je crois savoir qu'il y a actuellement des liens avec le procureur de la République pour judiciariser au maximum", a-t-elle ajouté.

"Le profil des personnes n'est pas forcément marseillais", précise Rudy Manna, secrétaire départementale des Bouches-du-Rhône du syndicat Alliance Police Nationale. 

"Il y a une personne qui vient d'Italie, une personne qui vient du Vaucluse. Donc, c'est plutôt un rassemblement de tout le sud de la France, voire du nord de l'Italie".

Rudy Manna, Alliance Police Nationale

à franceinfo

Rudy Manna affirme que ce sont des habitants de la Plaine "qui sont plutôt l'ultra gauche bobo ou antifa" qui "ont demandé à leurs correspondants de tout le sud de la France de venir les rejoindre". D'après le syndicaliste, "ce sont des gens qui détestent l'État et qui détestent la police, ils ne supportent pas une quelconque forme d'autorité".

Après ces évènements, Martine Vassal a indiqué dès dimanche soir qu'elle allait "porter plainte au nom de la Métropole" d'Aix-Marseille, et qu'elle demandait à la mairie de Marseille "de s’associer" à cette démarche. Le maire PS de Marseille Benoît Payan a déclaré sur Twitter que les "irresponsables (…) devront répondre de leurs actes devant la justice". "On va se réunir pour discuter des conséquences et des incidences et de ce qu'il y a lieu de faire en tant que municipalité", a ajouté Jean-Marc Coppola, adjoint (PCF) au maire de Marseille chargé de la culture.

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