Etudiants tabassés à la fac de Montpellier : la polémique résumée en quatre actes
Des hommes cagoulés ont fait irruption dans les locaux de la fac de Montpellier, jeudi soir, pour évacuer violemment un amphithéâtre occupé par des étudiants. Retour sur une polémique qui a mené à la démission du doyen de la faculté de droit, vendredi.
Les images sont impressionnantes. Jeudi 22 mars au soir, alors que des étudiants occupent les locaux de la faculté de droit de Montpellier (Hérault) pour protester contre les réformes du secteur public, une dizaine d'hommes cagoulés et armés font irruption dans un amphithéâtre. Ils les expulsent violemment des lieux, en frappant et blessant certains d'entre eux. La scène est filmée par plusieurs personnes et fait le tour des réseaux sociaux. La tension monte, d'autant que le rôle du doyen de la faculté, Philippe Pétel, est pour le moins ambiguë puisqu'il est accusé d'avoir favorisé l'entrée de ce commando. Franceinfo remonte le fil de la polémique.
Acte 1 : des hommes cagoulés agressent violemment des étudiants
"Ils sont arrivés, ils ont foutu les gens au sol, ils les ont traînés dehors, ils les ont frappés", témoigne une étudiante jeudi soir auprès de France 3 Occitanie. Les mains en sang, elle est visiblement encore sous le choc de la scène à laquelle elle vient d'assister. Les faits se sont déroulés dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 mars. Une quarantaine d'étudiants occupent alors un amphithéâtre de la faculté de droit de Montpellier, à l'occasion de la journée de mobilisation nationale pour la défense du service public. Vers minuit, une dizaine d'individus masqués font irruption, armés de lattes de bois, de gants renforcés et de pistolets à impulsion électrique.
Ils frappent les étudiants grévistes, faisant plusieurs blessés, dont trois sont envoyés au CHU Lapeyronie de Montpellier. Des brimades, des insultes racistes et homophobes sont également entendues par plusieurs témoins. "On était bien plus nombreux qu'eux, mais je ne sais pas comment on peut répondre à une telle violence", constate, effarée, l'étudiante interrogée par nos confrères de France 3 et de France Bleu Hérault.
Acte 2 : le doyen de la faculté de droit est mis en cause
Le soir même, des étudiants accusent le doyen de la faculté de droit, Philippe Pétel, d'avoir été présent au moment de ces violences et de n'avoir rien fait pour les empêcher. Plusieurs victimes l'accusent d'avoir même ouvert la porte aux agresseurs. Octave, étudiant présent sur les lieux et membre du syndicat Solidaires, affirme à Libération : "C’est le doyen qui a ouvert la porte. Je l’ai vu de mes propres yeux." Dans un témoignage posté sur son compte Facebook, Léna, l'auteure de l'une des vidéos filmées ce soir-là, apporte un autre témoignage, accablant pour Philippe Pétel : "Le doyen n’a pas autorisé la police à rentrer dans la faculté, pour arrêter les hommes qui ont envoyé trois étudiants à l’hôpital."
Le doyen de la fac de droit, je l’affirme parce que je l’ai vu, a montré à ces hommes, dont il n’avait pas peur, les 'cibles'.
Léna, étudiante présente à la faculté de droit de Montpellier jeudi soirsur Facebook
Octave affirme également à Libération : "La sécurité incendie n’a rien fait, elle les a laissés faire." On constate sur les différentes vidéos que le personnel chargé de la sécurité incendie ne s'interpose à aucun moment contre les agresseurs. Dès lors, le syndicat Solidaires Etudiant-e-s exige le renvoi de Philippe Pétel. Dans un communiqué, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) demande sa démission immédiate.
Dans une interview accordée à France 3, le doyen se défend d'être à l'origine de l'attaque. Il estime toutefois que ceux qui ont passé à tabac les grévistes "ont voulu se défendre" et qu'il "ne peu[t] pas les en blâmer".
Acte 3 : étudiants et personnel de la fac se rassemblent en solidarité avec les victimes
Vendredi, vers 11 heures, les étudiants en droit et sciences politiques de Montpellier se retrouvent devant la faculté pour exprimer leur solidarité avec leurs camarades agressés.
Impossible de filmer tout le monde, la rue est pleine à craquer à la fac de droit de #Montpellier ! pic.twitter.com/z2MRs6lCtF
— Mehdi Naimi (@mehdinaimifr) 23 mars 2018
La polémique enfle concernant le rôle ambigu du doyen et plusieurs étudiants brandissent des pancartes lui demandant des explications.
A 13 heures, un deuxième rassemblement, à l'initiative de l'intersyndicale des personnels et professeurs des universités de Montpellier, prend le relais. Philippe Augé, le président de l'université, décide de fermer la faculté jusqu'au lundi 26 mars après avoir déposé plainte pour "troubles à l'ordre public". Il dépose également plainte contre X "afin que toute la lumière soit faite sur les événements" explique-t-il à France 3 Occitanie.
De son côté, la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Frédérique Vidal, condamne les violences et lance une enquête menée par l’inspection générale de l’administration de l’Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR).
Acte 4 : le doyen démissionne
Dans la soirée de vendredi, le président de l'université reçoit la démission de Philippe Pétel, qui quitte ses fonctions de doyen de la faculté de droit et de science politique.
[Communiqué] Le Président de l'Université de Montpellier a reçu hier soir la démission de Philippe Pétel de ses fonctions de Doyen de la Faculté de Droit et de Science Politique à compter de ce jour 00h. Il l’a acceptée. - https://t.co/YQzFuwIBMc pic.twitter.com/FQ96vpXMVk
— Université de Montpellier (@umontpellier) 24 mars 2018
De son côté, le parquet de Montpellier "a ouvert une enquête pour des faits de violences en réunion et avec arme", annonce le procureur de la République de Montpellier vendredi, précisant que cette enquête vise "également l'intrusion". Elle devrait donc permettre de révéler qui sont les auteurs de cette violente descente. Interrogé vendredi par Libération sur l'éventuelle présence de professeurs parmi les assaillants, Philippe Pétel avait répondu : "C’est possible."
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