Reportage "C'est le seul moyen de se faire entendre" : en Martinique, les routiers bloquent l'île contre la vie chère
Des concerts de klaxons dans toute l'île. Plusieurs dizaines de routiers ont lancé une grande opération escargot en Martinique, mardi 24 septembre, afin de rejoindre le large mouvement de protestation contre le coût de la vie qui agite la Martinique depuis plusieurs semaines. Dès 5 heures du matin, des camions ont bloqué plusieurs axes routiers en direction de Fort-de-France, où ils doivent se retrouver en fin de matinée, à proximité de la préfecture. "C'est le seul moyen de se faire entendre, explique Roland, chauffeur routier. Nous avons le même problème que tout le monde ici : la vie chère."
Au bord de la nationale 2, près de Case-Pilote, une petite dizaine de conducteurs sont sortis de leurs camions pour bloquer la circulation. Comme eux, trois autres convois se sont mis en route, tout doucement, depuis différentes communes de l'île. "Tout le monde doit se mobiliser !" lance Gary, 40 ans, dont la moitié passée comme routier. "Même les pécheurs, ils peuvent venir avec leur bateau pour bloquer les routes de l'île s'ils veulent", glisse l'un de ses collègues en riant.
En plus des prix des denrées alimentaires, qui sont en moyenne 40% plus chères que dans l'Hexagone selon l'Insee, les routiers alertent également sur les dépenses liées aux voitures et aux camions. "Les prix des pneus augmentent tous les six mois", s'inquiète un conducteur. Le budget que les Martiniquais consacrent à leurs véhicules est 28 à 46% plus élevé que dans l'Hexagone, selon une étude de 2015. "J'avais envie de faire un autre gosse, mais j'hésite là", lance un conducteur en souriant, avant de grimper dans sa cabine.
Des rubans rouges en signe de soutien
Alors que les embouteillages n'en finissent plus de s'allonger le long de la route côtière, l'ambiance reste bon enfant. Des coups de klaxons en forme de soutien se font régulièrement entendre. "On n'est pas contre le peuple. On les laisse passer de temps en temps", explique un militant, installé sur le bord de la chaussée.
"Personne ne râle, parce que les gens savent que l'on fait ça pour eux."
Un chauffeur routier participant à l'opération escargotà franceinfo
Plusieurs véhicules arborent également un ruban rouge, le symbole de ralliement du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC). C'est ce mouvement citoyen qui a organisé de nombreux rassemblements contre la vie chère en Martinique. "On est en train de démontrer que tout le peuple se lève contre la vie chère", se félicite son président, Rodrigue Petitot, bob rouge sur la tête.
"Les conducteurs se sont ralliés spontanément à la cause. Tous les jours le combat s'intensifie."
Rodrigue Petitot, président du RPPRACà franceinfo
La semaine dernière, déjà, les chauffeurs de taxi avaient lancé une grande opération escargot sur les routes de l'île en soutien au mouvement. Idem pour les petits commerçants de Fort-de-France, qui avaient gardé le rideau fermé, ainsi que des salariés des transports de bus, eux aussi mobilisés. "Ça va être pire qu'en 2009", pronostique un chauffeur routier. Cette année-là, une grève générale avait paralysé l'île afin de réclamer, déjà, des mesures contre la vie chère.
Vers une reprise des négociations
Reste à voir comment les syndicats comptent se mobiliser dans ce mouvement dont ils ne sont pas à l'initiative. De son côté, la Confédération générale du travail de Martinique (CGTM) a déposé un préavis de grève illimitée à compter du jeudi 26 septembre. Il couvre notamment le secteur de la santé, l'ensemble des collectivités territoriales de la Martinique et le secteur privé.
Face au risque de paralysie, la préfecture de Martinique a décidé de redonner du souffle au processus de négociations. Le RPPRAC, qui réclamait la possibilité de pouvoir filmer et diffuser en direct les tables rondes, a annoncé mardi qu'il avait partiellement obtenu gain de cause. Une partie des débats sera donc diffusée en direct et l'autre sera retransmise a posteriori. "Nous voulons que le peuple puisse suivre les débats", insiste Rodrigue Petitot, entre deux camions, son téléphone connecté constamment sur TikTok. "Aucune négociation ne peut se tenir sans le peuple."
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