Les salariés de la compagnie de bus de la CIF ont repris leur travail mardi après un accord avec leur direction
Les employés des Courriers de l'Ile-de-France, "inquiets" pour leur sécurité après le caillassage et l'incendie d'un bus le 31 mars à Tremblay, avaient cessé le travail jeudi.
Les bus ont commencé à sortir du dépôt de Tremblay vers 15h, a précisé Jérôme Ramchurn, secrétaire du CHSCT.
L'accord avec la direction prévoit que "la ligne T'bus contournera le Grand ensemble, le temps que le calme revienne", a rapporté M. Ramchurn. "Des agents de médiation vont tourner dans les bus pour que les chauffeurs soient moins seuls", a-t-il poursuivi. Les salariés ont également obtenu la garantie du paiement des jours non-travaillés depuis jeudi. Par ailleurs, les bus ont été escortés par des CRS dès leur sortie du dépôt, comme cela avait été annoncé par le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux.
Les chauffeurs du dépôt de Tremblay avaient cessé le travail jeudi matin après l'incendie d'un de leurs bus dans la cité du Grand ensemble, où une opération anti-drogue avait abouti deux jours plus tôt à l'arrestation de quatre hommes et à la saisie de près d'un million d'euros en liquide.
Des salariés de la compagnie avaient brièvement séquestré vendredi soir le directeur du dépôt de Tremblay pour exprimer leur "ras-le-bol général" face au "mépris de la direction".
Une délégation de chauffeurs reçue à l'Elysée
Le président s'est déclaré "très choqué" d'avoir vu un bus brûler, a rapporté aux journalistes Kada Zenasci, un responsable CFDT des chauffeurs, à l'issue d'une rencontre de près d'une heure vendredi à l'Elysée en présence du directeur général de la police Frédéric Péchenard et du préfet de Seine-Saint-Denis Nacer Meddah.
A leur sortie, les chauffeurs ont déclaré que le président leur avait exprimé son soutien et qu'il leur avait promis des moyens sur la ligne attaquée. L'un des conducteurs agressés a dit vouloir davantage. "On demande de la sécurité partout dans le '93' et pas seulement sur la ligne qui a été attaquée, parce que partout il peut nous arriver des choses comme ça", a dit Jonathan Pigeon.
A l'issue de cet entretien, Nicolas Sarkozy a demandé au ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, "d'intensifier les opérations coup de poing dans les cités sensibles dont aucun espace ne doit échapper à l'autorité de la loi", indique l'Elysée dans un communiqué.
Hortefeux annonce une escorte policière dans les bus
Le ministre de l'Intérieur s'est rendu vendredi au siège de TRA (Transport routier automobile) où il a annoncé le déploiement de "80 policiers dont des CRS". Le reste du dispositif de sécurisation" est assuré par des membres du service régional de la police des transports.
Le ministre a précisé que certains de ces effectifs étaient en action depuis 3H00 du matin sur les lignes de bus concernées par les agressions. "Nous maintiendrons ce dispositif autant que ce sera nécessaire", a-t-il ajouté.
Les chauffeurs de TRA ont décidé de reprendre vendredi leur travail après les attaques de mercredi, mais les bus de l'autre compagnie du département, les Courriers de l'Ile-de-France (CIF), poursuivront jusqu'à mardi leur arrêt de travail en vertu de leur droit de retrait.
Selon des chauffeurs, des caillassages de bus s'étaient déjà produits le week-end du 27-28 mars. Ils ont demandé un "plan de sécurisation". "On est habitué aux incivilités, mais un bus bloqué par 40 ou 50 personnes, qui est caillassé puis incendié, c'est extrêmement rare", selon un chauffeur, M.Ben Abdelmalek, qui vit à Tremblay et se dit "inquiet" pour la ville.
Les syndicats de police veulent des renforts
Le principal syndicat de police, Unité SGP Police, a mis en cause la Révision générale des politiques publiques (RGPP), par laquelle le gouvernement entend réduire les dépenses de l'Etat par le biais de suppressions de milliers de postes de policiers, notamment en banlieue.
"Dans le seul département de Seine-Saint-Denis, il faudrait plusieurs centaines de policiers en renfort, essentiellement au niveau des commissariats, pour avoir une présence permanente sur le terrain, et pas seulement pour renforcer les unités d'intervention auxquelles on fait appel quand ça s'enflamme", a dit à Reuters Nicolas Comte, secrétaire général de cette organisation.
Le président socialiste du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, a déclaré sur France Info qu'il manquait 400 policiers dans son département et estimé que ceux qui y travaillaient actuellement étaient trop jeunes. "Je veux qu'il y ait un discours, mais aussi des actes de fermeté. Et je ne veux pas que ce soit simplement des petites visites ministérielles sans suivi", a-t-il dit.
L'attaque de deux bus à Tremblay : rappel des faits
Un bus de voyageurs a été partiellement incendié et un autre caillassé mercredi soir sans faire de blessés. Le premier bus a été incendié peu avant 20h00 par une dizaine de personnes. Le chauffeur du véhicule est parvenu à descendre et à faire évacuer les six passagers, selon la police. Un second bus a été pris pour cible peu après.
L'agression de Tremblay s'est déroulée en toile de fond possible d'un trafic de drogue, puisque que quatre personnes âgées de 21 à 27 ans ont été arrêtées et 980.000 euros saisis lundi dernier lors d'une opération de police dans la localité, a annoncé vendredi le parquet dans un communiqué.
Le parquet a ouvert une information judiciaire et les quatre hommes ont été déférés à la justice en vue de leur mise en examen, a ajouté le parquet.
Les syndicats de police et la gauche estiment que la politique menée depuis 2002, qui a dégarni les banlieues d'effectifs permanents, pour privilégier des opérations "coup de poing" spectaculaires, ne donne pas de résultats probants.
Le problème n'est pas propre à la Seine-Saint-Denis, un rapport officiel de la police ayant récemment montré que 1.100 policiers avaient été blessés dans des violences dans tout le pays en janvier et février.
Deux coups de filet en 48 heures
Dans une autre vaste opération de police anti-stupéfiants, menée mercredi matin à Bondy et Bobigny en Seine-Saint-Denis, dix-huit personnes ont été placées en garde à vue, a annoncé la préfecture de police de Paris. Au cours de celle-ci, près de 2 kilos de cocaïne ainsi qu'une kalachnikov, des armes et une somme de 18.000 euros ont été saisis, a indiqué la police judiciaire du département.
Lundi, dans la cité du "Grand ensemble" de Tremblay-en-France, près d'un million d'euros en liquide ont été saisis lors de perquisitions, une des plus importantes saisies réalisées dans le cadre d'un démantèlement de trafic de drogue. Au total, 980.000 euros, entre 1,5 et 2 kg de cocaïne, 300 à 400 grammes d'héroïne, la même quantité de cannabis et un pistolet automatique ont été mis au jour par les policiers. Au cours de cette opération qui a débuté vers 08h00, quatre personnes ont été interpellées et placées en garde à vue.
Selon Le Monde, daté de vendredi, le documentaire diffusé lundi soir sur TF1 "a été réalisé avec l'accord de dealers (...) dont l'idée était de 'montrer la gravité de la situation des adolescents en rupture'. Toujours selon Le Monde, la police, "qui a pu visionner le reportage avant sa diffusion, a découvert qu'il donnait une vision très critique sur la réalité de la lutte contre la drogue". Le quotidien se demande si l'opération de police n'a pas été lancée en voulant "désamorcer cette bombe médiatique" alors qu'ils avaient lancées leurs enquêtes sur Tremblay en octobre 2009.
Les habitants de Tremblay ont peur
La sécurité inquiète désormais une partie de la population de cette ville de 35.000 habitants. "Il y a quelques années, c'était calme. La tension est de plus en plus forte" indique une jeune femme. "Ca m'inquiète beaucoup, je commence à envisager de partir", dit-elle. Pour une autre femme, les événements de ces derniers jours sont "une douche froide". Elle met en cause le reportage de TF1: "Ils ont poussé le bouchon sur TF1, et c'est nous qui risquons de payer."
Chez un marchand de kebab, les serveurs et des jeunes discutent des évènements; "TF1 nous a trompés sur son sujet. La journaliste avait dit qu'elle devait faire un sujet sur les raisons qui poussent à dealer. C'était pas ça du tout au final", critique un client de 21 ans. Par rapport aux autres cités, "on passe pour des cons parce qu'on a été filmés et que des gens ont été choppés, alors qu'ailleurs on arrache les caméras des journalistes", lance le jeune.
Emmanuel Chain s'explique
Tentant de désamorcer toute polémique, Emmanuel Chain, producteur et présentateur du magazine d'information au cours duquel le reportage a été diffusé, a réagi dès mardi. L'enquête, a-t-il souligné, "est le fruit d'un travail de fond réalisé par une journaliste très aguerrie, sans qu'elle ait été à aucun moment rencardée par la police". "Notre seul travail a été de faire une investigation dans un univers difficile à filmer pour montrer une réalité très dérangeante que peut-être certains n'avaient pas intérêt à ce que nous la montrions", a-t-il ajouté. "Non seulement nous n'avons dénoncé personne mais ce travail a été fait en toute indépendance, sans jamais travailler, ni de près ni de loin, avec la police", a-t-il affirmé. Le producteur a cependant reconnu que la coïncidence était troublante. "On a été très surpris et intrigués" par cette concomitance, a-t-il commenté.
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