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Les professeurs protestent contre la réforme de leur évaluation

Un mouvement de grève est prévu jeudi. Les syndicats dénoncent le projet du ministère de l'Education nationale, qui vise à donner davantage de poids au chef d'établissement dans l'évaluation des enseignants.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
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Des élèves de l'école Harouys à Nantes (Loire-Atlantique), le 5 septembre 2011, jour de la rentrée scolaire. (FRANK PERRY / AFP PHOTO)

Les syndicats d'enseignants ont appelé à la grève mais peinent à se faire entendre. Selon le ministère de l'Education nationale, 11 % pour les enseignants du premier degré et 16 % de ceux du second degré ont cessé le travail, jeudi 15 décembre, pour protester contre la réforme de leur mode d'évaluation. 

La raison de leur mouvement ? Un projet qui équivaut à une "déclaration de guerre" pour le Snes-FSU, premier syndicat du secondaire. L'organisation, suivie par beaucoup de syndicats de l'enseignement, souhaite son retrait pur et simple.

FTVi revient sur le processus d'évaluation tel qu'il existe aujourd'hui, le contenu de la réforme et les points de mécontentement des syndicats.

Comment sont évalués les professeurs aujourd'hui ?

Pour l'instant, dans le primaire comme dans le secondaire, les enseignants font l'objet d'une double notation. L'une est administrative, et est attribuée par le chef d'établissement. L'autre est pédagogique. Elle est attribuée par l'inspecteur régional. Dans les collèges et lycées, l'inspecteur est spécialisé dans une discipline.

Cette seconde note est actuellement la plus importante. L'inspecteur se prononce après avoir passé une heure à une heure trente dans la classe de l'enseignant qu'il évalue. Cette phase d'observation est suivie d'un entretien avec le professeur au cours duquel il lui préconise les bonnes pratiques à suivre. "Mais ces inspections sont à la fois trop rapides, et surtout trop rares : elles n'ont lieu que tous les trois ou quatre ans (voire moins fréquemment)", écrit la fondation iFRAP.

Le ministre de l'Education nationale, Luc Chatel, a estimé mardi sur RMC que le système actuel était "archaïque". "Les professeurs ne sont inspectés en moyenne qu'une fois tous les sept ans", a-t-il affirmé. Il a également estimé que "les inspections sont trop espacées, aléatoires et brèves, ce qui ne permet pas un suivi efficace".

Que propose la réforme ?

Un projet de décret et un projet d'arrêté, dont l'entière application n'est pas envisagée avant 2014, ont été dévoilés le 15 novembre, comme le rapportait le site spécialisé Café pédagogique.

Ces textes, qui suivent une proposition de l'UMP, proposent de confier aux chefs d'établissement l'évaluation des professeurs. Cela se produirait à l'issue d'un "entretien professionnel conduit par le supérieur hiérarchique direct", mené tous les trois ans. Il serait alors chargé d'évaluer la capacité de l'enseignant à faire progresser chaque élève, les compétences dans sa discipline, l'implication dans le "projet d'établissement". "C'est important que le chef d'établissement ait un rôle prépondérant dans l'évaluation des enseignants", a fait valoir le ministre de l'Education nationale Luc Chatel.

LUC CHATEL INVITÉ DE SOIR 3 (Francetv info)

Autre sujet sensible, le projet mentionne également de nouvelles "modalités d'avancement d'échelon". En clair, les salaires pourront davantage évoluer.

Pour l'instant, c'est essentiellement l'ancienneté qui détermine l'avancement des enseignants, donc leur salaire. Les projets de décret et d'arrêté ne remettent pas en cause ce principe, mais prévoient un "avancement accéléré" si le professeur est bien noté. 

Pourquoi les syndicats s'y opposent ?

"Un chef d'établissement n'est pas capable d'apprécier les choix pédagogiques d'un enseignant. Cela suppose de maîtriser le contenu de la discipline", selon Daniel Robin, l'un des secrétaires généraux Snes, syndicat de l'enseignement secondaire. "Comment accepter que des pilotes de ligne soient évalués par un directeur d'aéroport ?" résume-t-il, dans Le Figaro.

Bernard Duffourg, de l'intersyndicale, fait la même critique mais dénonce aussi un projet qui "marginalise", voire ignore le cœur même de l'acte d'enseignement : la transmission des connaissances.

Autre critique sur le suivi personnalisé en cours : "On va nous évaluer sur notre capacité à faire progresser tous les élèves individuellement. Comment fait-on quand on a une classe de 36 ?", se demandent Laurence Corpel et Steve Bonnevie, d'Educ'Action CGT dans le quotidien régional L'Est éclair.

Sur l'avancement et le salaire, les syndicats ont une opinion radicalement différente de celle du ministère. Ils estiment qu'"une fois de plus, le gouvernement veut faire des économies. Cette mesure supplémentaire va détériorer le pouvoir d'achat des enseignants", déplorent René Ernst, secrétaire départemental du Snes-FSU et Monique Chanelle, co-secrétaire du Snuipp.

Le mouvement est-il suivi ?

Mardi, la pétition qui demandait le retrait du projet comptait 62 000 signatures. Mais les premiers chiffres annoncés par le ministère révèlent une mobilisation faible : les syndicats s'attendaient à 20 % de grévistes dans le primaire. Le taux pourrait cependant se révéler très différent selon les régions. 

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