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Le rapport des pilotes critiqué par Air France

Air France, Airbus et le Bureau d'enquêtes et d'analyses, chargé de l'enquête, rejettent les conclusions des pilotes
Article rédigé par France2.fr
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Les marins de l'armée brésilienne ont repêché la dérive de l'Airbus A330 AF 447 (© France 2)

Air France, Airbus et le Bureau d'enquêtes et d'analyses, chargé de l'enquête, rejettent les conclusions des pilotesAir France, Airbus et le Bureau d'enquêtes et d'analyses, chargé de l'enquête, rejettent les conclusions des pilotes

D'après le syndicat des pilotes d'Air France (Spaf, minoritaire), l'accident est dû à la sous-estimation des défaillances des sondes Pitot, mesures de vitesse. Pour le BEA, il est "trop tôt pour prétendre expliquer les circonstances de l'accident".

Le crash au large des côtes brésilliennes avait fait 228 morts le 1er juin.

La représentativité des pilotes montrée du doigt


"Les éléments disponibles sont en cours d'étude par les meilleurs experts français et étrangers ; l'enquête progresse, mais elle est particulièrement difficile", a affirmé le BEA dans un communiqué.
"Recommandant la plus grande prudence", il a estimé qu'il était "trop tôt pour pouvoir décrire les circonstances de l'accident et, a fortiori, prétendre les expliquer".
Il a rappelé "prévoir la sortie d'un nouveau rapport d'étape avant la fin de l'année".

Dans un communiqué également diffusé lundi, la compagnie Air France a souligné pour sa part "coopérer" avec le BEA et la gendarmerie - qui enquête sur les éventuelles responsabilités pénales - "afin que des scénarios solides et étayés par des faits puissent être proposés et analysés".
Elle a qualifié le rapport du Spaf d'"hypothèses, exprimées par le responsable d'un syndicat minoritaire de personnels navigants techniques et par un pilote retraité d'une autre compagnie".

Interrogé par l'AFP, un porte-parole du constructeur Airbus a de son côté déclaré à propos du rapport : "nous trouvons que toutes les déclarations spéculatives, faites avant que des résultats sérieux ne soient communiqués, sont choquantes et de matière à prolonger indéfiniment les procédures judiciaires".

Une contre-enquête remise aux juges cette semaine
Deux pilotes chevronnés, Gérard Arnoux, commandant de bord sur A320 et président du Syndicat des pilotes d'Air France (Spaf, partie civile dans cette affaire), et Henri Marnet-Cornus, commandant de bord sur A330, à la retraite, affirment que les sondes Pitot de mesures de vitesse sont à l'origine du crash du vol AF 447.
"Un tel événement ne se résume pas à une cause unique. Mais il est une vérité incontestable que nous devons marteler sans relâche : sans la panne des sondes Pitot, il n'y aurait pas eu d'accident", affirme M. Arnoux.

Les sondes Pitot, qui ont livré des mesures incohérentes dans le cas de l'AF 447, permettent aux pilotes de contrôler la vitesse de leur appareil, un élément crucial pour son équilibre en vol.

Ces nouvelles conclusions viennent contredire celles du Bureau d'enquêtes et d'analyses chargé de l'enquête technique en France. Selon M. Arnoux, cela s'explique du fait que "le BEA cherche à minimiser le rôle joué par les Pitot parce qu'il n'a pas diligenté les enquêtes que les lois et règlements lui imposaient de faire depuis au moins le signal d'alarme tiré par son homologue allemand en 1999, et en tout état de cause depuis les incidents de 2008".

Un échec collectif

Selon une note interne diffusée en juin aux pilotes, Air France a connu au total neuf incidents de givrage des sondes Pitot entre mai 2008 et mars 2009, dont huit sur des avions long-courrier A340 et un sur un A330. M. Arnoux affirme que "tous les acteurs ont sous-estimé le problème des sondes". "Il s'agit d'un échec collectif et d'une faillite totale du processus de retour d'expérience. La Direction générale de l'aviation civile et l'Agence européenne de la sécurité aérienne, avaient l'obligation réglementaire de traiter ces incidents graves selon des procédures bien établies, ce qu'ils n'ont pas fait", dénonce-t-il.Les pilotes dénoncent des cadences dangereuses

Les pilotes et les équipages de cabine participaient lundi à une journée d'action européenne pour réclamer un allègement de leurs cadences de travail, jugées dangereuses pour la sécurité par une étude scientifique, ont-ils expliqué à Bruxelles.

"La fatigue des pilotes est considérée comme un élément contribuant à 15-20% des accidents aériens mortels", a expliqué lundi devant la presse Martin Chalk, président de l'ECA (Euro cockpit association). L'enquête sur un accident d'avion qui a fait cinquante morts en février près de Buffalo (Etats-Unis) a conclu que la fatigue était un facteur "important" dans les causes de la catastrophe, ce qui va entraîner une modernisation des règles de vol aux Etats-Unis, note-t-il. Pour ce pilote en exercice de Boeing 747, les effets de la fatigue sont aussi nocifs que ceux de la consommation excessive d'alcool, mais ils restent plus difficiles à mesurer.

Inger-Helene Enger, présidente de la section des équipages de cabine au sein de l'ETF (Fédération européenne des travailleurs des transports), rappelle aussi qu'hôtesses de l'air et stewards "font partie intégrante de l'équipe de sécurité à bord des avions".Elle évoque un autre accident aux Etats-Unis, au cours duquel le sas
d'entrée avait été arraché en vol. Une hotesse fatiguée avait oublié de fermer la porte, après 14h30 de travail et 5 heures de sommeil.

Un règlement européen, entré en vigueur en 2008, stipule que les pilotes peuvent travailler jusqu'à 14 heures d'affilée et les hôtesses de l'air jusqu'à 15 heures. Une période qui tombe à 11,45 heures pour les vols de nuit.

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