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Le Planning familial redoute de ne plus pouvoir exercer ses missions d'info à l'éducation sexuelle et à la contraception

En effet, faute d'assez de subventions, un tiers des quelque 70 associations départementales du Planning familial, en France et dans les DOM, risquent de fermer.Le 4 février, se voulant rassurant, le ministre de la Famille, Brice Hortefeux, s'est engagé à "maintenir l'effort budgétaire" dédié au planning, voire d'aller plus loin si "nécessaire".
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
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Au Mouvement français pour le Planning familial de Rennes... (AFP/FRED DUFOUR)

En effet, faute d'assez de subventions, un tiers des quelque 70 associations départementales du Planning familial, en France et dans les DOM, risquent de fermer.

Le 4 février, se voulant rassurant, le ministre de la Famille, Brice Hortefeux, s'est engagé à "maintenir l'effort budgétaire" dédié au planning, voire d'aller plus loin si "nécessaire".

Devant l'urgence, des hommes politiques de gauche sont montés au créneau, demandant notamment à la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, de prendre en mains le dossier.

Dernière en date à interpeller la ministre, la première secrétaire du Parti socialiste, Martine Aubry. Connaissant Roselyne Bachelot, "je me dis qu'elle se battra pour remettre ces crédits. En tant que femme et en tant que ministre de la Santé, elle connaît trop les dégâts qui sont causés quand les plannings familiaux n'existent pas", a lancé le 3 février la maire de Lille avant d'ajouter: "Le combat des femmes n'est jamais acquis", "il faut toujours être là pour expliquer que la femme a le droit de disposer de son corps et d'avoir une sexualité libre et voulue". A l'époque où elle était au gouvernement, Mme Aubry avait prolongé de 10 à 12 semaines le délai pour une IVG.

Pour dénoncer le manque de moyens dont il souffre et alerter l'opinion public, le Mouvement français pour le planning familial a également lancé une pétition qui, le 3 février, avait recueilli quelque 43.378 signatures, selon une responsable du Planning. Et le centre de Marseille, qui reçoit plus de 5.000 personnes par an, fermé depuis le 23 décembre en raison de locaux vétustes, a même organisé le 7 janvier un accueil symbolique dans la rue et sous la neige. Le centre phocéen avait été popularisé par le récent long-métrage de Claire Simon, Les bureaux de Dieu. La cinéaste fait partie des meilleurs soutiens de la permanence, un "lieu essentiel", selon elle, "pour la liberté des femmes".

En 2007, plus de 450.000 femmes ou jeunes filles, souvent démunies ou en situation psychique difficile, ont eu recours au planning, en quête d'informations sur la contraception, la vie amoureuse, la sexualité, les relations conjugales. Constatation de la secrétaire générale du Planning familial: "On a observé une augmentation de 23% du nombre de personnes qui se sont déplacées dans les centres en 2007 par rapport à l'année précédente".

Les centres fonctionnent à flux tendus. "Les crédits dont nous dépendons sont passés de 2,5 millions d'euros en 2008 à 1,5 million dans la loi de finances pour 2009, soit une baisse de 40%", a précise encore Marie-Pierre Martinez avant d'ajouter: "Le gouvernement fait des économies là où il juge que c'est le moins important", déplore-t-elle. Brice Hortefeux reconnaît, lui, "une légère diminution des crédits consacrés au conseil conjugal et familial, de 2,5 millions d'euros à 2,2", dans la loi de finances 2009 mais il indique qu'il faut "ajouter d'autres crédits, 430.000 euros au titre de (mon) ministère, 380.000 au titre du ministère de la Santé, donc c'est 2,9 millions d'euros qui y sont consacrés".

"Le ministre a brouillé la question des financements dans des calculs hasardeux", a affirmé le Planning le 10 février. "D'où provient ce montant annoncé de 2,2 millions d'euros", a interrogé le Planning qui a rappelé que la ligne budgétaire consacrée au conseil conjugal et familial, "votée par les assemblées", s'élevait à "1,5 million d'euros".

"Nous avons de réelles inquiétudes pour la pérénisation des activités et des structures du planning familial", affirme également Marie-Pierre Martinez. Cette dernière tient par ailleurs à souligner la contradiction entre la baisse des crédits et le lancement, par la ministre de la Santé d'une campagne en faveur d'une meilleure utilisation des moyens contraceptifs. Pour la responsable, cette "campagne (est) inefficace sans relais sur le terrain".

Et de conclure: "Nous devons être très vigilants", car "c'est indéniable que certains, comme les radicaux religieux, veulent nous voir disparaître, on est aujourd'hui dans une période de repli sur les questions de sexualité, de famille, à terme cela peut remettre en cause nos missions". Et de citer le journal du Vatican l'Osservatore Romano, qui juge la pilule "polluante" et cause d'infertilité masculine.

Une aventure de plus de 50 ans

Le Mouvement français pour le Planning familial, qui a fêté son 50e anniversaire le 18 mars 2006 à la Mutualité à Paris, est une association de loi 1901. Le Planning est structuré en une confédération nationale qui regroupe 20 fédérations régionales, composées de 69 associations départementales autonomes. Les 1.000 bénévoles et 420 salariés du Planning rencontrent chaque année quelque 450.000 personnes dans ses centres mais également dans le cadre d'animations scolaires.

Ce mouvement, lieu de parole anonyme, a pris naissance le 16 octobre 1916, à Brooklyn, aux Etats-Unis, par la volonté de Fania Mindell, Ethel Byrne et Margaret Sanger, après qu'elles eurent assisté au décès d'une femme qui avait tenté d'avorter seule.

En France, c'est en 1955 qu'Evelyne Sullerot propose à la gynécologue Marie-Andrée Weill-Halle de fonder une association, avec l'aide du docteur Pierre Simon. Son but: promouvoir le contrôle des naissances à une époque où les femmes vivent avec la hantise d'être enceinte à chaque rapport sexuel. On dénombre entre 250.000 et 600.000 avortements par an en France dont 250 sont fatals.

Né sous le nom de Maternité heureuse, le 8 mars 1956, le mouvement devient le Mouvement Français pour le Planning familial en 1960. De 1961 à 1967, les premiers centres ouvrent illégalement. Ce sont alors des lieux d'accueil et d'information mais aussi des endroits où les femmes peuvent se procurer diaphragmes, spermicides et pilules contraceptives qui viennent des Etats-Unis.

Avec le succès, vient la structuration de ces centres qui font appel dorénavant à des conseillères et des médecins, tout un staff de personnels qualifiés au service des femmes. Agréé Mouvement d'éducation populaire en 1971, ce n'est qu'en 1972 que les centres d'information et de planification sont autorisés par décret.

Durant plus d'un demi-siècle, le Planning familial a accompagné les femmes dans leur longue lutte pour l'autorisation de la contraception (loi Neuwirth en 1967), la dépénalisation de l'avortement (loi Veil de 1975), puis pour le respect du droit à l'Interruption volontaire de grosse (IVG), et enfin pour une contraception choisie, sachant qu'en France un grand nombre d'IVG sont dues à une contraception mal utilisée.

Pour en savoir plus: Le Planning familial, histoire et mémoire (1956-2006), de Christine Bard et Janine Mossuz-Lavau aux Presses universitaires de Rennes (2007).

Une pétition pour soutenir l'action

Pour le Planning familial, la diminution des aides de l'Etat au conseil conjugal et familial porte atteinte au "droit à la sexualité". Ainsi, pour "défendre le droit à l'information, à l'éducation à la sexualité pour tous" le mouvement a mis à disposition sur la toile, le 27 janvier 2009, une pétition.

La fermeture au public du centre de Marseille, fin 2008, a été l'occasion pour le Planning d'alerter l'opinion sur les conséquences d'une baisse de ses crédits accordés par l'Etat. "Qu'en sera-t-il pour 2010, 2011 ?", s'est interrogée Françoise Laurant. La présidente du Planning s'interroge: "Est-ce ainsi que l'Etat conçoit la mission d'utilité publique qu'il nous a confiée".

"L'information, l'accueil, l'écoute, l'éducation à la sexualité restent des missions d'utilité publique dans une société où les relations filles-garçons se tendent, où les campagnes de prévention et d'information nationales ont besoin de relais locaux", affirme le Planning. "Amputer les ressources de nos associations est une petite et fausse économie pour le budget de l'Etat mais une grande mise en danger de l'information sur les droits sexuels et la contraception", dit-il.

A Marseille, un centre sous perfusion

Les permanences d'accueil du planning familial de Marseille sont fermées depuis le 23 décembre. En cause, des conditions "vétustes et délabrées" des locaux. "Nous recevons le public dans des locaux très anciens et pendant le mois de décembre, il y a eu une accumulation de problèmes techniques qui nous ont conduits à fermer les locaux, dont la moitié n'est plus chauffée", a alors expliqué Claire Ricciardi, la présidente du centre phocéen.

Chaque année, "5.000 personnes" viennent aux permanences de l'antenne marseillaise, ouverte en 1962, "pour trouver une écoute, un conseil, un accompagnement sur les questions liées à la vie affective et sexuelle", et "2.000 patientes viennent bénéficier ici d'un suivi gynécologique confidentiel et gratuit" à la consultation médicale, rappelle le Planning.

Egalement dénoncé, le déficit de financement de ses permanences: "Nous avons un petit loyer de 800 euros pour 240 m² et nos financements ne nous permettent pas d'avoir accès aux prix du marché qui, pour la même surface, sont de l'ordre de 2.000 euros", a expliqué Mme Ricciardi.

Le 7 janvier, dans un acte symbolique, le Planning familial de Marseille a organisé un accueil dans la rue et sous la neige, afin de dénoncer le manque de moyens dont il souffre. "Depuis deux ans, nous alertons l'Etat sur le problème de vétusté de nos locaux", a alors expliqué la directrice du centre marseillais, Lisa Tichané.

Selon elle, l'Etat ne finance plus suffisamment l'association pour couvrir les frais de ces permanences ouvertes à toutes les femmes, majeures ou mineures, souvent très démunies. Les sommes versées par l'Etat correspondent à un salaire de huit euros de l'heure pour une conseillère du planning. "Nous avons chaque année un déficit d'au moins 20.000 euros pour continuer d'assurer nos missions", regrette-t-elle.

"C'est un scandale que le travail extraordinaire du planning ne soit pas reconnu par les pouvoirs publics. C'est un lieu essentiel pour la liberté des femmes", a estimé le 7 janvier la cinéaste Claire Simon venue soutenir le Mouvement.

Contraception: un rapport inquiétant

Dans un rapport publié le 29 octobre 2008, la délégation s'est inquiétée des "échecs" de la contraception en France, principale cause de la stabilité du nombre d'interruptions volontaires de grossesse et critiqué l'accès difficile et inégal à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Selon le sentiment de la rapporteure pour la délégation, le paradoxe entre un taux de contraception, l'un des plus élevés au monde, et un nombre d'IVG qui ne baisse pas depuis plusieurs années, stagnant aux alentours de 210.000, "est choquant".

Bérangère Poletti a rappelé notamment que deux femmes sur trois qui avortent déclarent utiliser un contraceptif. Globalement stable, autour de 14,5 pour mille femmes de 15 à 49 ans, le nombre d'IVG dans certains départements d'Outre-Mer, comme en Guyane ou en Guadeloupe, approche les 40 pour mille. Elles augmentent aussi chez les mineures de 15 à 17 ans, puisqu'elles étaient 13.230 en 2006, soit une sur 100 (+ 8,9% par rapport à 2005), mais le nombre de grossesses non désirées est en diminution.

"Les efforts doivent se porter sur l'information, dès le collège et le lycée", recommande le rapport, qui souligne que l'information sexuelle ces derniers années était ciblée sur la prévention du Sida, au détriment de l'apprentissage des méthodes contraceptives. Autre point noir, le manque de formation des médecins qui restent dans le "schéma classique" de prescription de la pilule contraceptive, pas forcément adaptée à toutes, et surtout aux jeunes.

La délégation préconise d'organiser un "accès à la contraception gratuit et anonyme pour les mineures". Les centres du planning familial sont "inégalement répartis sur le territoire" et peu connus des jeunes, note-t-elle.

La question du remboursement des contraceptifs, notamment les pilules micro-dosées, très utilisées, se pose aussi, selon Mme Poletti. Depuis son accès libre en pharmacie en 1999 et sa prise en charge par la sécu en 2001, l'utilisation de la "pilule du lendemain" s'est fortement développée. Des obstacles demeurent aussi pour l'accès à l'IVG, car des dispositions de la loi de 2001 notamment ont du mal à être respectées, note le rapport .

Si la pratique de l'IVG médicamenteuse a fait un bond depuis la loi, devenant presque aussi fréquente que l'IVG chirurgicale, elle reste peu développée en médecine de ville. Seules 16,5% des 90.000 IVG médicamenteuses sont effectués par des médecins de ville. L'allongement de la durée du délai légal, de 10 à 12 semaines, est "mal respecté", la clause de conscience étant souvent invoquée par les médecins.

Dernier point, les réticences des équipes médicales sont fortes face à une mineure qui souhaite garder le secret vis-à-vis de ses parents, comme l'autorise la loi. Cela représente 4% des refus de prise en charge. La situation pourrait d'ailleurs s'aggraver du fait du départ à la retraite d'une génération de "médecins militants" qui ont mis en oeuvre la loi Veil autorisant l'IVG.

Le "désengagement" du secteur privé et la fermeture d'un certain nombre de cliniques qui pratiquaient les IVG, pour cause de "non rentabilité", inquiète aussi la délégation qui demande toujours une augmentation de la tarification des actes d'IVG. En 15 ans, la part du secteur public dans les IVG réalisés est passée de 60% à 74%, et plus d'un quart des IVG est réalisé par seulement 43 établissements hospitaliers.

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